Non, ceci n'est pas une fable,
c'est le plus gros scandale de toute
l'histoire de la République française
Ce n'est pas une fable, ni-même une papyrodie, c'est sujet est trop douloureux pour se risquer de le prendre à la plaisanterie contrairement à Nicolas Sarközy qui a bien amusé sa galerie de singes lors du sommet de Bruxelles en juin 2009.
Soyons sérieux pour une fois, ce volet morbide du Karachigate sur lequel l'Élysée ne souhaite pas communiquer, a causé 27 victimes dont la moitié n'a pas survécu à ce qui n'est pas un attentat comme le gouvernement a tenté de nous le faire croire. Sur les 15 morts, 11 ressortissants français, tous salariés de la Direction des Constructions Navales (DCN).
Les victimes et leurs familles veulent connaître la vérité
Les victimes qui ont survécu à ce drame ainsi que les familles des salariés qui sont décédées continuent encore inlassablement à vouloir connaître toute la vérité sur ce drame.
Le témoignage d'une des victimes directes de ces représailles politico-mafieuses ne laisse plus planer le doute sur l'implication de l'État dans ce drame meurtrier.
Gilles Sanson, 50 ans, ancien mécanicien-usineur à la DCN, sort de sa réserve et avec cinq de ses anciens collègues ils portent plainte pour "coups et blessures involontaires" contre leur ancien employeur suite à une note déclassifiée de la DGSE et publiée l'an dernier par Mediapart et Le Monde qui évoquait dès le 8 mai 2002, jour du prétendu "attentat", une piste que la justice a étrangement ignorée jusqu'en 2009, celle du plus gros scandale politico-financier qu'ait pu connaître l'histoire de notre République.
Les anciens salariés estiment la DCN responsable de l'attentat qui a failli leur coûter la vie alors qu'ils assuraient, au printemps 2002, la formation d'ouvriers pakistanais dans le cadre du contrat de vente de trois submersibles Agosta 90 passé entre la France et le Pakistan dans les années 1990 pour 825 millions d'euros. A partir du 10 janvier, ils seront auditionnés par la police à ce sujet dans le cadre d'une enquête préliminaire. En 2004, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche avait condamné la DCN pour "faute inexcusable de l'employeur".
«On était partis porter les couleurs de la France»
Gilles Sanson s'est retrouvé en chaise roulante pendant six mois en 2002, cette seconde blessure est d'autant plus vive que les salariés de DCN étaient fiers d'accomplir leur mission : « On était partis porter les couleurs de la France ».
Ils étaient 23 ouvriers d'Etat français envoyés dans le cadre d'un "transfert de compétence" dans une base navale de Karachi quand, le 8 mai 2002 à 7 h 45, une bombe a pulvérisé le bus qui les emmenait au chantier. Onze d'entre eux sont morts, les douze autres ont survécu, grièvement blessés. Qui a commandité l'attentat ? Pourquoi ? Après presque dix années d'enquête, Gilles Sanson, Claude Etasse, 62 ans, Gilbert Eustache, 60 ans, Jérôme Eustache, 40 ans, Frédéric Labat, 42 ans et Christophe Polidor, 45 ans, n'ont que des hypothèses pour réponse. Mais ils ont le sentiment d'avoir été trahis et sacrifiés. Ce jour-là, Gilles Sanson est le seul à n'avoir pas perdu connaissance. Il est devenu leur porte-parole : « Jamais je ne baisserai les bras. J'ai vu mourir mes copains autour de moi. On leur doit cette vérité ».
Pour ces missions de cinq à neuf semaines, ils étaient tous volontaires. « Au-delà de l'aspect financier, on gagnait dans ces périodes deux fois et demi nos salaires d'ouvriers , raconte M. Sanson, la transmission de notre savoir-faire et la confiance qu'on plaçait en nous étaient gratifiantes ». Chaque départ de Cherbourg s'accompagnait d'un couplet de la hiérarchie : « Messieurs, vous représentez la France ». Maintien de militaire, ceinture noire de judo, coureur à pied émérite, Gilles Sanson y croyait dur comme fer. Entré à 17 ans à la DCN, principal employeur de sa région, ce fils d'électricien et de femme de ménage se trouvait chanceux. « C'était une réussite, le gage d'un avenir sûr » se souvient-il.
Le 8 mai 2002 tout bascule dans l'horreur. Le dernier de ses 22 collègues embarque dans le bus gris à bande de couleur vive, au sigle de la marine pakistanaise, et avec un garde armé, quand Gilles Sanson sent sa tête "tripler de volume" : « Il y a eu comme une boule de feu, j'ai décollé de mon siège puis mes jambes et mon bras gauche étaient cassés ». Dans l'ambulance, on l'a assis par terre. Sur l'unique brancard gisait déjà le corps d'une mendiante que les ouvriers voyaient chaque matin. « Sa tête était gonflée comme si on avait utilisé une pompe à vélo, dit M. Sanson. Je revois sa paume ouverte, dans laquelle je n'ai jamais su glisser une pièce de monnaie, tomber et retomber sur moi ». A l'hôpital, ils ont été parqués tous ensemble : morts, agonisants et survivants. Puis les blessés ont été rapatriés trente-six heures après l'attentat et répartis dans les hôpitaux militaires franciliens. Les onze cercueils, déjà scellés, n'ont atterri à Cherbourg que plus tard.
Une douloureuse et insidieuse scission s'est alors opérée entre rescapés et familles de défunts. « Nous étions toujours hospitalisés loin de Cherbourg, mais vivants, lors de l'hommage national qui a été rendu aux copains le 13 mai 2002 en présence du président Chirac, rappelle M. Sanson. Cette rupture a fait le jeu de la DCN et de l'Etat ». Longtemps après, une veuve est venue demander à Gilles Sanson si son époux avait souffert. Que répondre quand on vit hanté par des images insoutenables comme celle d'un collègue pétrissant, incrédule, une moitié de son visage arraché ? Les pieds de M. Sanson, "gros comme des ballons de football", ont été inopérables pendant dix jours. Il y eut la douleur indicible, six mois cloué dans un fauteuil roulant, et la Légion d'honneur qu'il a acceptée : « Parce que je pensais sincèrement qu'on avait été victimes d'Al-Qaida » dit-il.
Au bout de treize mois, Gilles Sanson a repris un poste au centre d'essais techniques de la DCN. « Tout le temps passé à me reconstruire physiquement j'avais tenu le coup, souffle-t-il, puis j'ai pris conscience qu'à travers nous, pour des histoires de gros sous, on avait ciblé l'Etat dont la DCN dépendait alors entièrement. Pour moi, cet Etat qui ne nous avait pas protégés nous devait au moins la vérité » .
De réelles menaces pesaient sur les Occidentaux
Cette quête leur semble interminable à tous. En mai 2008, lors d'une perquisition dans le bureau d'un dirigeant de la DCNI (la filiale de commercialisation de la DCN), Gérard-Philippe Menayas, dans le cadre d'une tout autre enquête, les policiers ont découvert les rapports Nautilus, que l'entreprise n'avait pas jugé utile de transmettre à la justice. Ces documents, qui mettent en avant le mobile politico-financier de l'attentat, révèlent que, dès juin 2002, la DCN a pensé à se prémunir contre toute responsabilité pénale dans l'attentat et à mener le contrat à son terme.
A l'époque, contre 40 000 euros hors taxe, l'entreprise avait confié à une officine dirigée par Claude Thévenet, ancien agent de la DST, la mission de "vérifier l'état de l'enquête en cours au Pakistan", "s'assurer que DCNI ne peut être poursuivie pour insuffisance de sécurité", "rechercher sur qui rejaillit la responsabilité de l'attentat", et "tenter d'identifier toute menace contre le contrat ou DCNI".
« Si la DCN avait communiqué ce rapport à la justice dès septembre 2002, tout aurait pu être différent, s'insurge M. Sanson. Mais ils l'ont planqué, prenant sciemment le risque de laisser se perdre des preuves existantes » . Par ailleurs, Gilles Sanson et ses collègues ne s'expliquent toujours pas l'attitude de Gérard Clermont, l'ingénieur-armement chargé par la DCN de la sécurité sur le site de Karachi. Condamné au pénal en 1985 pour la mort de deux ouvriers sur un chantier dont il devait organiser la sécurité, il n'a jamais appliqué le protocole de sécurité qu'il avait lui-même conçu pour Karachi après les attentats du 11 septembre 2001.
« Notre bus siglé qui partait invariablement à la même heure et parcourait le même trajet était une cible parfaite, explique M. Sanson, et nous n'avons jamais eu la moindre réunion concernant la sécurité hors du chantier ». Or de réelles menaces pesaient sur les Occidentaux comme en témoignent l'exécution du reporter américain Daniel Pearl et la découverte d'une bombe factice sous la voiture d'un diplomate français à Islamabad en janvier 2002. Ou encore le vol du porte-documents d'un employé pakistanais responsable de la logistique pour la DCN qui contenait la liste nominative et les adresses du personnel en poste à Karachi, et l'attentat meurtrier dans une église du quartier diplomatique d'Islamabad en mars 2002.
Mais même les mises en garde, mi-avril 2002, d'un responsable du Service de Coopération Technique Internationale de Police (SCTIP) contre de possibles actions terroristes visant "des ressortissants étrangers" ont été ignorées. Dans une note interne à la DCN du 27 avril 2002, M.Clermont, résumant une réunion tenue la veille au consulat de France où avait été évoqué le retour d'expatriés américains et canadiens, avait jugé ces mesures "inutilement pessimistes".
Sarközy au cœur de la corruption ?
Six familles des victimes du drame de Karachi avaient déjà porté plainte pour corruption contre le club politique créé en 1995 par Edouard Balladur. Elles dénoncent le "financement politique illicite" qui serait à l'origine de l'attentat. Lors d'une conférence de presse, en décembre 2009, l'avocat des familles, Maître Olivier Morice, avait accusé le président Nicolas Sarközy d'être "au coeur de la corruption" dans ce dossier : « La difficulté qu'il y a dans ce dossier, c'est que M. Sarközy est au cœur de la corruption (...) parce qu'il a parfaitement conscience, au moment où est validé le système des sociétés-écran mises en place, que le montant des commissions exorbitantes est payé très rapidement et n'a d'autre objectif que de financer la campagne présidentielle de M. Balladur ». Les familles ont aussi porté plainte pour "entrave à la justice", estimant que tous les documents n'étaient pas communiqués au juge d'instruction.
Magali Drouet, fille de victime, une des membres les plus actives du collectif des amis des victimes,
co-auteur du livre "On nous appelle les Karachi" avec Sandrine Leclerc, une autre fille de victime, témoigne dans "Ligne j@une" comment l'annonce de l'embauche de Me Morice, qui défend entre autres la veuve du juge Borrel, n'avait pas fait rire à l'Élysée...
En décembre 2009, Magali Drouet s'était entretue avec les journalistes de Rue89 pour y exprimer son indignation...
Fabrice Lhomme, un journaliste d'investigation bien connu des lecteurs de Mediapart qui a rejoint le quotidien Le Monde en avril dernier pour y prendre la direction du pôle investigation, avait écrit en collaboration avec Fabrice Arfi
(Mediapart) un livre d'enquête sur l'affaire Karachi intitulé Le contrat (disponible chez Stock Éditions). Cette enquête leur avait valu une forte opposition de la part d'un certain Ziad Takieddine et des menaces de morts émanant de Pierre Sellier, un barbouze à la solde du gouvernement. Le marchand d'arme libanais, homme clé de l'affaire Karachi, avait tenté de contre-attaquer en portant plainte contre les deux journalistes et des témoins de ce dossier. L'actualité démontre que les investigateurs avaient bien tapé dans le mille.
Retrouvez Fabrice Lhomme et Magali Drouet invités de Ruth Elkrief au cours d'un débat sur l'affaire Karachi diffusé sur BFM-TV...
Plus intéressant encore, cette interview de Sandrine Leclerc et Magali Drouet accordé à Médiapart en novembre 2010, où les filles des victimes nous dévoilent les dessous mystérieux de l'enquête judiciaire...
Affaire Karachi (1/6) - Bruguière : Circulez, y a rien à voir
Affaire Karachi (2/6) - Trévidic, le juge qui a tout changé
Affaire Karachi (3/6) - Plongés dans une affaire d'État
Affaire Karachi (4/6) - Sarközy, le coup du mépris
Affaire Karachi (5/6) : Une affaire très suivie
Karachi : Nicolas Sarközy perd son sang-froid
Karachi : Nicolas Sarközy a menti !
Notre monarque, président d'une République irréprochable nous aurait-il menti ? Voilà une question bien embrassante pour celui qui prétend à sa propre succession.
« Pis si vous avez des éléments, donnez-les à la justice et demandez à la justice qu'ils enquêtent [...] je ne suis pas au courant des contrats de sous-marins négociés à l'époque, en tant que minsitre du budget je n'ai jamais eu à en connaître ni de près ni de loin [...] jamais ne n'ai donné mon aval, il y a une pièce qui dit que j'ai donné mon aval ? Une pièce avec le nom de Nicolas Sarközy ? ». (dixit Nicolas Sarközy lui-même)
Réponse :
Le drame de Karachi est devenu l'affaire Karaközy. Une affaire où peut-être les survivants et les enfants des victimes, qui seront enfin entendus très prochainement par le juge Trévidic, pourront livrer ce qu'ils savent comme l'affirme Gilles Sanson : « Il y a d’autres détails que je pourrais donner ». Deux juges ont le pouvoir de demêler le plus gros scandale politique de toute l'histoire de la République, une affaire tentaculaire où se rejoignent tous les dossiers de corruptions qui gravitent autour du monarque.
Trahisons, corruption, assassinats multiples, voilà tous les ingrédients d'un mauvais polar sur fond d'affaire politico-mafieuse qui risque d'entâcher sérieusement la candidature du monarque à sa propre succession.
Sources : Mediapart, @rrêt sur images, Le Monde, BFM-TV, Rue89, la Ligne j@une