Quelques heures après l'annonce du plan de sauvetage provisoire de la zone euro, dont il s'est très longuement félicité, le monarque s'est exprimé ce soir durant 1h15 à la TV pour préparer les Français au pire au cours d'une allocution coproduite par Maximal Production, société de Jérôme Bellay, qui travaille au JDD (dont le capital est détenu à 100% par le groupe Lagardère, lui-même membre de la Fouquet's Band), réalisée par l'organisateur des meetings du candidat Sarközy et présentée par deux journalistes choisis par l'Élysée. Je vous fait grâce des toutes les élucubrations et autres propagandes du futur candidat à sa propre réélection. Revenons plutôt sur cette crise qui se prolonge en Europe et qui inquiète profondément l'Elysée depuis plusieurs jours. En réalité le monarque est très pessimiste et il pense que l'annonce de Moody's qui surveille la France avant de lui enlever son AAA, pourrait compromettre sa réélection...
« Si nous perdons le triple A, je suis mort. C'est là-dessus que se jouera le différentiel de compétence avec Hollande. Il n'y a pas d'alternative : nous ferons tout pour le garder ». Sarközy est en rogne contre « les filous des agences de notation qui nous tiennent entre leurs mains » et contre Angela Merkel. « Merkel est tenue par son dogme et par son Parlement. Dans cette affaire, je me comporte comme le seul véritable européen ». En conclusion sur la tenue d'un accord lors du sommet européen Sarkozy finira par lâcher : « Si nous ne payons pas pour la Grèce, l'euro est foutu et l'Europe recule de trente ans. Si nous payons, on perd notre "AAA" et on morfle pour dix ans » .
Même réaction du côté de Matignon et de son locataire, François Fillon: « Nous sommes dans une merde assez sérieuse ». Et le gouvernement va devoir faire un deuxième plan d'austérité à quelques mois de l'élection. Le Canard Enchaîné rappelle ce que disait Fillon en août dernier lors de la présentation du premier plan : « Il n'y aurait rien de plus terrible que d'annoncer un plan le 24 août et de doubler la mise six mois plus tard. On dirait alors que Sarkozy ne pilote plus rien ». Et c'est ce qui se passe seulement deux mois après...
Le sommet européen de dimanche a été, à cet égard, un camouflet pour notre monarque. Il a été mis en échec sur ses principales propositions. L'Allemagne a pris la direction des opérations de sauvetage et avec ses alliés, a imposé ses vues. Même si la chancelière allemande ménage encore un peu les susceptibilités françaises.
Angela Merkel a ainsi accordé à Nicolas Sarkozy, dimanche, une conférence de presse commune. Un exercice quasiment inédit, en clôture d'un conseil européen. Pendant une demi-heure, ils ont donc sauvé les apparences, et fait comme si le couple franco-allemand avançait sur un pied d'égalité face à la crise. Mais la chancelière n'a pas pu se retenir. Alors que le président vantait en fin de réunion les mérites des rugbymen français, héroïques malgré leur défaite face à la Nouvelle-Zélande, Angela Merkel a acquiescé dans un sourire, avant de quitter l'estrade : « C'est bien aussi d'être deuxième... »
Fin de la mise en scène et retour à la réalité : Sarközy doit s'accrocher très fort à la chancelière allemande, s'il veut rester au premier plan. Son autorité s'est singulièrement affaiblie. Le chef de l'État a beau enchaîner les dîners avec Angela Merkel, les mini-sommets à Francfort et les sommets extraordinaires à Bruxelles, sur la photo de famille européenne, la France s'est rétrécie.
Dans ses derniers posts sur la crise de l'Union, l'un des correspondants du quotidien El País à Bruxelles, Andreu Missé, prend soin, lorsqu'il évoque le couple franco-allemand, de mettre Sarközy entre parenthèses. Il parle, non pas de "Merkozy", mais de Merkel (et Sarközy). Manière de dire que le président est devenu quantité négligeable, ou presque. Il compte à peine dans les débats bruxellois, lorsque la chancelière est là.
La droite a bien compris les dangers de cette situation. Depuis lundi, les ténors de l'UMP ont sonné le branle-bas de combat. Tous déroulent les éléments de langage pour rappeler combien Nicolas Sarkozy est un homme d'Etat, combien il porte loin la voix de la France. « C'est lui qui a convaincu Angela Merkel de la nécessité de sauver la Grèce », a ainsi rappelé François Fillon.
« Le problème, ce ne sont pas les agences de notation, le problème c’est que nous dépensons trop » (Nicolas Sarközy)
L'agence de notation Moody's a jugé que les paroles n'effaçaient pas les actes. Dès lundi 17 octobre, elle a annoncé la mise en examen de la notation de la France.
Au vu de ses déficits, de son absence de croissance, des problèmes de ses banques, de sa politique budgétaire, elle se demande si la France mérite encore sa notation "triple A", celle donnée aux Etats les plus sûrs. Elle se donne trois mois pour trancher. Standard & Poor's lui a emboîté le pas trois jours après, en annonçant qu'elle aussi s'interrogeait sur la notation française.
Cette décision est une claque pour la Fouquet's Band. Il voit écrit noir sur blanc le bilan de sa politique: la France est menacée d'être dégradée. Derrière l'apparence de sérieux et de rigueur, la fuite en avant budgétaire, les cadeaux fiscaux ont conduit à un endettement public astronomique. Depuis 2007, celui-ci a augmenté de plus de 700 milliards pour atteindre 1.650 milliards. En un quinquennat, Nicolas Sarkozy a accumulé presque autant de dettes que ses quatre prédécesseurs.
La crise n'est responsable que du tiers de cette augmentation, selon la Cour des comptes. Tout le reste relève des choix politiques faits par la droite.
Mais le gouvernement est aussi rattrapé sur sa gestion de la crise, et en particulier face au système bancaire. Après avoir accepté que les banques écrivent elles-mêmes le premier plan de sauvetage lors de la crise de 2008, il a entériné de leur demander ni contrepartie ni réforme. Toutes ont repris les bonnes habitudes d'avant la crise, distribuant bonus et dividendes, sans se soucier de l'avenir. La crise de la zone euro les place dans une situation de très grande vulnérabilité.
Et le secteur bancaire est si grand en France que l'État ne peut se porter à son secours, sous peine de couler en même temps. Cette situation est lourde de menaces pour l'économie et les finances publiques. D'autant que l'austérité, préconisée par l'Europe et adoptée par la France, ne peut qu'aggraver les choses et conduire à la récession, rendant encore plus improbable une diminution des déficits.
Quel bilan tirer de la semaine de négociations ?
Dans la nuit de mercredi à jeudi, à la sortie des débats, aux alentours de 4 heures du matin, Nicolas Sarközy a décrit les grandes lignes d'un accord qualifié "d'historique", et insisté sur le respect, dans le texte final, des engagements français. « La France voulait éviter le drame qu'aurait été un défaut pour la Grèce, et cela a été fait », s'est-il félicité, alors que les Allemands, eux, semblent avoir poussé cette option durant les négociations.
Pourtant, Paris a capitulé sur deux dossiers présentés comme cruciaux il y a encore quelques jours. L'Élysée voulait donner le statut de banque au Fonds de secours. Cela lui aurait permis de pouvoir s'adresser au guichet de la BCE et aurait dopé ses capacités d'aide. L'option n'a pas été retenue. Fébrile depuis l'avertissement de Moody's, le président des riches avait tenté le tout pour le tout, lors d'un déplacement surprise, jeudi dernier, à Francfort, en marge de la cérémonie de départ de Jean-Claude Trichet de la BCE.
Le monarque pensait pouvoir compter sur son compatriote Trichet, pour convaincre les Allemands du bien-fondé de sa position. Mais l'ancien patron de la Banque de France s'est rangé du côté d'Angela Merkel, et le mini-sommet convoqué par notre monarque a tourné à l'humiliant fiasco. Trois jours plus tard, Sarközy ajustait sa position aux desiderata allemands, en expliquant aux journalistes que la France était tout autant attachée à l'indépendance de la BCE que l'Allemagne. Jeudi matin, il s'est contenté de dire: « La France voulait un Fonds européen avec un effet de levier, et elle l'a eu ».
Autre couleuvre avalée comme si de rien n'était : l'Élysée voulait, en amont du sommet, s'en tenir à la restructuration de la dette grecque négociée lors du précédent Conseil, le 21 juillet. Soit une participation du secteur privé qui ne dépasserait pas 21%, pour éponger la dette grecque. Paris avait choisi la prudence: une décote plus importante risquerait de fragiliser un peu plus les banques françaises, très exposées à la dette grecque, et obligerait l'État à injecter davantage de capitaux dans l'optique, probable, d'une recapitalisation.
Là aussi, les Allemands, partisans d'une participation accrue du privé, à hauteur de 50 à 60%, ont obtenu gain de cause. Après une résistance acharnée des banquiers, les chefs d'État ont finalement obtenu une décote de 50%, accompagnée d'une baisse des taux d'intérêt sur les 50% de dette restantes. Deuxième capitulation française.
Merkel donne une belle leçon de démocratie à notre monarque
« Heureusement, moi, je n'ai pas une coalition à gérer », a ironisé Nicolas Sarközy auprès de ses proches, après qu'Angela Merkel a demandé le report du sommet européen à mercredi, pour pouvoir s'expliquer, en amont, devant le Bundestag. N'imaginant le pouvoir que comme l'incarnation d'une hyper-présidence, le chef de l'État ne peut concevoir qu'un responsable de gouvernement puisse ouvrir un débat public sur les orientations décisives à prendre, et s'expliquer devant des députés.
Depuis le début de la crise, il n'y a pas eu un seul vrai débat parlementaire, suivi d'un vote, sur la gestion des banques, sur l'avenir de l'Europe, sur les positions de la France. Tout s'est réglé en quelques minutes par des petites phrases lors des questions d'actualité à l'Assemblée. Pour le reste, députés et sénateurs ont été priés d'avaliser les décisions, une fois que tout avait été arrêté, ailleurs et dans le plus grand secret. Quitte à semer les germes d'une nouvelle crise, politique, de l'Union, à moyen terme.
Depuis des mois, à l'inverse, le débat public fait rage en Allemagne. Les politiques de tout bord discutent de ce qu'ils sont prêts à consentir pour l'Europe, et ce qu'ils refusent. En rappelant en septembre qu'aucun engagement européen ne pouvait pris sans l'accord du parlement, la cour suprême de Karlsruhe a remémoré à tous un principe de base de la démocratie : même l'urgence ne peut amener à abandonner des droits fondamentaux des peuples.
Angela Merkel a dû se battre pour convaincre, et sauver sa coalition. Elle a obtenu une quasi-unanimité. Et lorsqu'elle est arrivée au sommet européen, elle avait un mandat clair. Elle n'incarnait pas seule la décision allemande. Elle avait la légitimité pour parler au nom de l'Allemagne.
Un monarque de plus en plus isolé
Sur la seule journée de dimanche, il a réussi à se mettre à dos deux pays. Première altercation avec David Cameron : « Nous en avons assez de vous entendre nous critiquer », a lâché Nicolas Sarkozy, irrité par les critiques des Britanniques sur la gestion de l'euro. Deuxième boulette : un sourire mi-crispé, mi-moqueur, lorsqu'un journaliste l'interroge sur Silvio Berlusconi, qui, dans la presse italienne, continue de très mal passer. Suivi d'un rétropédalage, jeudi matin : « Je n'ai pas à gérer l'Italie ni à la contrôler »... Cette manière de pratiquer la diplomatie sur le mode de la confrontation permanente risque de laisser des traces...
Sources : Le Canard Enchaîné, Médiapart