Des images d'une extrême violence
qui ne feront pas oublier l'ère de la
dictature de Ben Ali
Des milliers de tunisiens s'étaient rassemblés hier sur l'avenue Habib-Bourguiba pour commémorer la Journée des martyrs en souvenir de la répression sanglante par les troupes françaises d'une manifestation à Tunis qui remonte au 9 avril 1938. Cette grande artère est désormais interdite aux rassemblements depuis le 28 mars, à la suite d'incidents lors d'une manifestation d'islamistes qui s'en étaient pris à des artistes. Des milliers de manifestants ont pourtant bravé l'interdiction pour protester contre celle-ci aux cris des : « Dégage ! Dégage ! » et autres « On n'a pas peur, la rue est au peuple ! » adressés en direction du parti islamiste Ennahda.
« Je suis là pour honorer nos martyrs, et pour protester contre l'interdiction de manifester ici. C'est nous qui avons libéré la Tunisie, ils n'ont pas le droit d'interdire des marches pacifiques ! » déclare un septuagénaire tout juste sorti de l'hôpital, venu participer au rassemblement.
Raed Korbi, un jeune médecin dénonce clairement : « On est venu aujourd'hui pour nos libertés, pour dénoncer la répression que nous infligent au quotidien les milices d'Ennahda. Nous voulons dire au monde que nous n'acceptons pas le projet obscurantiste d'Ennahda ».
La manifestation n'a pas duré plus d'une demi-heure avant que les premiers tirs nourris de lacrymogènes n'atteignent les manifestants. Dans les ruelles alentour, des policiers armés de matraques ont chargé des petits groupes de manifestants. D'autres policiers en civil chargeaient à mobylette. Des personnes ont été tabassées et blessées ? Parmi elles, se trouvait Julie Schneider, correspondante de l'hebdomadaire Le Point. La journaliste a été prise à partie puis frappée violemment par des policiers, et son appareil photo fracassé sur le trottoir.
Julie Schneider témoigne :
"J'ai été frappée par les
Avenue Habib Bourguiba. 12 h 30. Cela fait pratiquement une heure que les policiers répondent aux manifestants par des gaz lacrymogènes. Certains n'hésitent pas à user de leur matraque. À l'angle de l'avenue de Paris, des arrestations ont lieu, dont celle de Jaouhar Ben Mbarek, bras en écharpe, membre du réseau Doustourna (mouvement associatif indépendant qui se veut le garant des acquis des Tunisiens). Un homme âgé, cheveux blancs et bien habillé, tente d'échapper à la police. Il tombe devant un lampadaire. Le policier lève sur lui sa matraque. Un journaliste intervient pour l'arrêter. Je m'approche. Quelques policiers arrivent. Face au cordon qui s'est mis en place près de l'homme, ils ne font rien.
Source : Le Point.fr (avec l'aimable autorisation de Julie Schneider) |