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  • : Le blog satirique du Papy Mouzeot
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Erick Bernard

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22 décembre 2010 3 22 /12 /décembre /2010 01:31

 Allocution prononcée par Raul Castro Ruz, président du Conseil d’Etat et du Conseil des ministres, à la 6e Session ordinaire de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire de la 7e Législature, au palais des Congrès (La Havane), le 18 décembre 2010

http://www.cubadebate.cu/wp-content/uploads/2010/08/raul-02.jpgCette fois-ci,  mon allocution est légèrement plus longue que les précédentes, mais c’est que cette session de l’Assemblée a été vraiment exceptionnelle par les points qu’elle a discutés, les opinions que vous avez formulées et les documents que nous avons adoptés.

En venant à cette Assemblée, je me suis rendu compte en lisant le journal que nous étions le 18 décembre. Et j’ai aussitôt évoqué un détail historique d’il y a exactement cinquante-quatre ans.  Nous ne pensions pas vivre si longtemps alors, compte tenu des circonstances que nous traversions, l’Armée rebelle naissante, les forces armées révolutionnaires actuelles et la Révolution en soi… C’était après le désastre et le grand revers que nous avions essuyés à un lieudit Alegria de Pio, trois jours après le débarquement du Granma, le 5 décembre 1956, et après que nous ayons erré pendant treize jours par petits groupes, nous efforçons de franchir les deux cordons immédiats que l’armée avait tendus. Finalement, grâce à l’aide des paysans, j’ai pu rejoindre avec d’autres le petit groupe de Fidel. La rencontre a eu lieu le soir, à Cinco Palmas. Après une forte étreinte, Fidel m’a conduit à l’écart et m’a demandé combien de fusils nous avions. Je lui ai répondu : « Cinq. » « Alors, avec les deux miens – s’est-il exclamé – nous avons gagné la guerre ! »

(Applaudissements.) Et apparemment, il avait raison. 

C’est une heureuse coïncidence, et j’ai tenu à ouvrir mon allocution finale par un souvenir aussi agréable.

 

Compañeras et compañeros

 

Voilà maintenant plusieurs jours que nous débattons de questions capitales pour l’avenir de la nation. Cette fois-ci, en plus du travail habituel en commissions, vous vous êtes réunis en séance plénière afin d’analyser par le menu notre situation économique et les projets de budget et de plan économique pour 2011.

Vous avez aussi consacré de longues heures à évaluer en profondeur et à éclaircir vos doutes et vos inquiétudes au sujet du Projet d’Orientations de la politique économique et sociale du parti et de la Révolution.

Nos médias ont longuement rendu compte du déroulement de ces débats afin que la population soit bien informée.

Malgré les retombées de la crise mondiale sur notre économie, l’irrégularité des pluies ces dix-neuf derniers mois – de novembre 2008 à juin 2010 – et indépendamment de nos propres erreurs, je peux affirmer que le plan  2010 s’est réalisé d’une manière acceptable par les temps qui courent. Nous atteindrons la croissance prévue de 2,1% du Produit intérieur brut (PIB) ; nous avons élevé les exportations de biens et services ; avant même la fin de l’année,  la quantité de touristes étrangers prévue a été atteinte, mais une fois de plus nous n’avons pas atteints les revenus espérés; l’équilibre financier interne s’est consolidé et, pour la première fois en plusieurs années, on constate une dynamique favorable, bien qu’encore limitée, dans la productivité du travail par rapport au salaire moyen.

Les retenues de transferts à l’étranger continuent de se réduire, autrement dit les limitations que nous avons été contraints d’imposer fin 2008 aux paiements entre banques cubaines et fournisseurs étrangers, qui seront totalement supprimées l’an prochain, et nous avons enregistré des avancées significatives dans la renégociation de la dette avec nos principaux créanciers.

Je tiens à remercier de nouveau nos partenaires commerciaux et financiers étrangers de leur confiance et de leur compréhension, et je ratifie que nous sommes résolus à honorer ponctuellement nos engagements. Le gouvernement a donné des instructions précises de ne pas assumer de nouvelles dettes sans assurance de paiement dans les délais concertés.

     

http://www.granma.cu/fotos%202010/noviembre/marino_murillo-1noviem.jpg

 

Marino Murillo Jorge, vice-président du gouvernement et ministre de l’Economie et de la Planification

 

Comme l’a expliqué Marino Murillo Jorge, vice-président du gouvernement et ministre de l’Economie et de la Planification, le plan de l’an prochain prévoit une croissance du PIB de 3%, à atteindre dans un environnement non moins complexe et tendu que cette année-ci. 

 

L’année 2011 est la première des cinq incluses dans les prévisions économiques à moyen terme, une période durant laquelle nous introduirons de manière graduelle et progressive des changements structurels et conceptuels dans le modèle économique cubain.

Nous continuerons l’an prochain à réduire résolument les dépenses superflues, en stimulant les économies de toutes sortes de ressources, ce qui, nous l’avons dit à plusieurs reprises, constitue la source de rentrées la plus sûre et la plus rapide dont nous disposons.

Ce qui ne veut pas dire pour autant que nous négligerons les programmes sociaux de santé, d’éducation, de culture et de sport. Au contraire, nous en élèverons la qualité, car nous y avons repéré d’énormes réserves d’efficacité si nous utilisons plus rationnellement les infrastructures en place. Nous élèverons aussi les exportations de biens et services, tout en continuant de concentrer les investissements dans les activités où l’amortissement est le plus rapide.

En ce qui concerne le plan et le budget, nous avons insisté pour qu’il soit mis fin une fois pour toutes aux inaccomplissements et aux virements à découvert. Le plan et le budget sont sacrés. Je le répète : désormais, le plan et le budget sont sacrés. On les met au point pour qu’ils soient exécutés, non pour entendre ensuite des justifications de toute sorte accompagnées parfois, sciemment ou non, d’imprécisions et de mensonge quand les objectifs ne sont pas atteints.

Certains compañeros nous fournissent parfois, sans intention frauduleuse, des informations inexactes qui proviennent de leurs subordonnés, mais qu’ils n’ont pas pris la peine de vérifier. Ce sont là des mensonges inconscients, mais qui peuvent entraîner des prises de décision erronées ayant des répercussions plus ou moins graves sur la nation. Quiconque agit de la sorte ment et doit être, quel qu’il soit, retiré de son poste, non à titre temporaire, mais définitif, puis, le cas échéant, écarté du parti après analyse des organismes correspondants.

Le mensonge et ses effets nocifs accompagnent l’homme depuis qu’il a appris à parler en des temps immémoriaux, engendrant le rejet de la société. Le huitième commandement du décalogue n’avertit-il pas : « Tu ne mentiras pas » ? De son côté, la civilisation incaïque s’est fondée sur trois principes moraux : ne pas mentir, ne pas voler, ne pas paresser.

Je vais répéter ces principes que respectent encore de nos jours les descendants des Incas : ne pas mentir, ne pas voler, ne pas paresser ou fainéanter. Ce sont des bons principes, n’est-ce pas ? Alors, ayons-les à l’esprit.

Il faut tout faire pour éliminer définitivement le mensonge et la tromperie de la conduite des cadres à tous les niveaux. Ce n’est pas pour rien que le compañero Fidel a posé, entre autres critères, dans sa brillante définition du concept de Révolution : « Ne jamais mentir et ne jamais violer de principes moraux. » Ces concepts apparaissent à la première page de la brochure contenant les Orientations que nous avons discutées.

Une fois publié, le 9 novembre, le Projet d’Orientations de la politique économique et sociale, le train du 6e Congrès du Parti s’est ébranlé. Le vrai Congrès sera en effet la discussion ouverte et franche de ses énoncés – comme c’est en train de se faire – par les militants et par le peuple tout entier, ce qui permettra, grâce à cette véritable exercice de démocratie, de l’enrichir et, sans exclure les opinions divergentes, d’aboutir à un consensus national sur la nécessité urgente d’introduire des changements stratégiques dans le fonctionnement de l’économie afin de rendre le socialisme à Cuba viable et irréversible.

Il n’y a pas de raisons de craindre les divergences de critères. Cette vision des choses, qui n’est pas nouvelle, ne doit pas se circonscrire au débat sur les Orientations : les divergences d’opinions, exprimées de préférence à l’endroit adéquat, au moment opportun et de manière correcte, seront toujours préférables à la fausse unanimité fondée sur la simulation et l’opportunisme. C’est par ailleurs un droit dont nul ne doit être privé.

Plus nous serons capables de générer dans l’analyse d’un problème le plus grand nombre d’idées possibles, et plus nous serons proches de la solution appropriée.

La commission de Politique économique du parti, distribuée en onze sous-commissions, a œuvré de longs mois pour mettre au point ces Orientations qui, comme cela a été expliqué, constitueront le thème central du Congrès, car nous sommes convaincus que la situation économique est la principale tâche du parti et du gouvernement et la matière de base sur laquelle les cadres doivent plancher à tous les niveaux.

Nous avons insisté, ces dernières années, que nous ne pouvons pas nous laisser aller à des improvisations et agir à la légère dans ce domaine, compte tenu de l’ampleur, de la complexité et de l’interdépendance des décisions à adopter. Voilà pourquoi je pense que nous avons bien fait d’ajourner le Congrès du parti, même si nous avons dû de ce fait supporter patiemment les réclamations, honnêtes ou malveillantes, de ceux qui, à Cuba et à l’étranger, nous pressaient d’adopter différentes mesures. Nos adversaires de l’étranger, comme de bien entendu, ont critiqué tous les pas que nous avons faits, les disqualifiant d’abord comme du ravalement de façade, comme insuffisants, puis s’efforçant de berner l’opinion publique en en présageant l’échec fatal ; maintenant, ils concentrent leur campagne sur le fait que notre peuple serait censément désenchanté et sceptique face à ce projet

On a parfois l’impression qu’ils prennent leurs désirs pour des réalités. En fait, ils révèlent leurs vraies visées quand ils exigent sans ambages que nous démontions le régime économique et social que nous avons conquis, comme si cette Révolution était prête à se soumettre à la reddition la plus humiliante ou, ce qui revient au même, à régir ses destinées selon des diktats dégradants.

D’Hatuey à Fidel, tout au long de cinq cents ans, notre peuple a versé bien trop de sang pour accepter maintenant de démanteler ce qu’il a conquis au prix de tant de sacrifices (applaudissements).

Il vaut donc la peine de rappeler, une fois de plus, à ceux qui se bercent d’illusions mes affirmations du 1er août 2009, face à cette même Assemblée nationale : « Je n’ai pas été élu président pour restaurer le capitalisme à Cuba ni pour saborder la Révolution. J’ai été élu pour défendre, maintenir et continuer de perfectionner le socialisme, non pour le détruire. » (Applaudissements.)

J’ajoute aujourd’hui que les mesures que nous appliquons et toutes les modifications qu’il s’avérerait nécessaires d’introduire dans l’actualisation de notre modèle économique visent à préserver le socialisme, à le fortifier et à le rendre vraiment irrévocable, selon la formule que nous avons introduite en 2002 dans la Constitution de la République à la demande de l’immense majorité de notre population.

Il faut étaler sur la table toutes les informations et tous les arguments qui justifient chaque décision et, soit dit en passant, supprimer la manie du secret à laquelle nous nous sommes accoutumés en plus de cinquante ans de harcèlement ennemi. Un Etat devra toujours maintenir en secret – c’est logique et nul ne le discute - certaines questions, mais pas celles qui définissent le cours politique et économique de la nation. Il est vital d’expliquer et de fonder en raison la justesse, la nécessité et l’urgence de chaque mesure, si dure qu’elle paraisse, et d’en convaincre le peuple.

Le parti, l’Union des jeunes communistes, aux côtés de la Centrale des travailleurs de Cuba et de ses syndicats, ainsi que les autres organisations de masse et organisations sociales, sont capables de mobiliser l’appui et de gagner la confiance de la population par un débat exempt de dogmes et de schémas inviables qui constituent un obstacle psychologique énorme et qu’il est indispensable de démonter peu à peu. Nous y parviendrons entre tous (applaudissements).

C’est justement là le contenu essentiel de la Conférence nationale du parti qui se tiendra en 2011, après le Congrès, à une date que nous fixerons plus tard : nous y analyserons, entre autres points, les modifications à apporter aux méthodes et au style de travail de notre parti, lequel, justement à cause des déficiences présentées par les organes administratifs du gouvernement, a dû s’impliquer au fil des années dans des fonctions qui ne lui incombent pas, ce qui a limité et compromis sa condition d’avant-garde organisée de la nation cubaine et de force dirigeante supérieure de la société et de l’Etat, selon la formule de l’article 5 de notre Constitution.

Le parti doit diriger et contrôler les activités du gouvernement, non s’y ingérer, à quelque niveau que ce soit, car c’est à ce dernier qu’il incombe de gouverner, et chacun doit le faire selon ses normes et ses procédés conformément à sa propre mission dans la société.

Il faut changer la mentalité des cadres et de tous nos compatriotes face à ce nouveau scénario qui commence à se dessiner. Il s’agit tout simplement de transformer des concepts erronés et insoutenables au sujet du socialisme, très ancrés des années durant dans de vastes secteurs de la société à la suite de l’approche excessivement paternaliste, idéaliste et égalitariste que la Révolution a instituée au nom de la justice sociale.

Nous sommes beaucoup à confondre le socialisme avec les gratuités et les subventions, l’égalité avec l’égalitarisme, et à identifier le carnet d’approvisionnement avec un acquis social intangible.

Je suis convaincu à cet égard que plusieurs des problèmes auxquels nous nous heurtons aujourd’hui trouvent leur origine dans cette méthode de distribution qui, bien qu’inspirée au départ par la volonté salubre d’assurer au peuple un approvisionnement stable d’aliments et d’autres marchandises, face à l’accaparement sans scrupules auxquels certains recouraient à des fins de profit, constitue une expression manifeste d’égalitarisme qui bénéficie aussi bien à ceux qui travaillent et à ceux qui ne travaillent pas, ou à ceux qui n’ont pas besoin, ce qui favorise des pratiques de troc et de revente sur le marché noir, etc.

Régler cette question complexe et sensible n’est pas simple, car elle est étroitement en rapport avec le renforcement du rôle du salaire dans la société, ce qui ne sera possible que si, tout en réduisant les gratuités et les subventions, nous élevons la productivité du travail et l’offre de produits.

Sur ce point, tout comme sur la réduction des excédents de personnels, l’Etat socialiste ne laissera aucun citoyen dans l’abandon et, par le système d’assistance sociale, assurera aux personnes ne pouvant travailler la protection minimale requise. Les subventions continueront d’exister à l’avenir, mais elles concerneront non les produits, sinon les Cubaines et les Cubains qui en ont vraiment besoin pour une raison ou une autre.

Nous avons éliminé depuis septembre la distribution normalisée de cigarettes, un article qui ne concerne qu’une partie de la population et qui ne constitue pas, tant s’en faut, compte tenu de ses effets nocifs sur la santé, un produit de première nécessité.

Nous ne pourrons pas nous payer le luxe, l’an prochain, - on en a parlé ici au cours des débats – de dépenser presque cinquante millions de dollars – quarante-sept exactement – en importations de café pour maintenir les quantités distribuées jusqu’à présent aux consommateurs, dont les nouveau-nés. Nous prévoyons, parce que c’est là une mesure inéluctable, comme nous le faisions jusqu’en 2005, de le mêler aux pois cassés, bien meilleur marché que le café, soit 390 dollars la tonne contre presque 3 000 dollars.

Si nous voulons continuer de prendre du café pur et sans rationnement, alors la seule solution est que nous le produisions à Cuba, où toutes les conditions culturelles sont réunies pour obtenir la qualité la plus élevée, en quantités suffisantes pour satisfaire la demande, voire pour l’exporter.

A la fin de la guerre d’agression étasunienne, le peuple vietnamien héroïque et invaincu nous a demandé de lui apprendre à cultiver du café, et nous y sommes allés, nous lui avons appris, nous lui avons transmis notre expérience. Le Vietnam est aujourd’hui le second exportateur de café au monde. Et un fonctionnaire vietnamien a demandé à son collègue cubain : « Comment se fait-il que vous, qui nous avez appris à cultiver le café, vous nous en achetiez maintenant ? » Je ne sais ce que le Cubain lui a répondu. Il lui a sûrement dit : « Le blocus. »

Ces décisions-ci, et d’autres qu’il faudra appliquer, même si elles ne sont pas populaires, et nous le savons, sont absolument obligatoires si nous voulons maintenir, voire améliorer, les services gratuits de santé publique et d’éducation et la sécurité sociale à tous les citoyens.

Le leader de la Révolution cubaine, le compañero Fidel, a affirmé dans son mémorable discours du 17 novembre 2005 : « Il y a une conclusion que j’ai tirée au bout de bien des années : parmi les nombreuses erreurs que nous avons tous commises, la plus importante a été de croire que quelqu’un s’y connaissait en socialisme, ou que quelqu’un savait comment on bâtissait le socialisme. » Voilà à peine un mois, exactement cinq ans après, Fidel a ratifié ces concepts absolument d’actualité dans son message pour la Journée internationale de l’étudiant.

Je me rappelle pour ma part les opinions d’un fameux scientifique soviétique qui pensait, voilà une cinquantaine d’années – à l’époque du premier homme dans l’espace, qui a été Gagarine – que même si on avait prouvé théoriquement que l’homme pouvait voler dans l’espace, cela n’en restait pas moins un voyage vers l’inexploré, vers l’inconnu.

Même si nous avons pu compter sur le legs théorique marxiste-léniniste qui prouve scientifiquement que le socialisme est faisable et sur l’expérience pratique d’autres pays qui se sont efforcés de le construire, l’édification de la nouvelle société sur le plan économique est, à mon humble avis, un voyage vers l’inconnu, vers l’inexploré, raison pour laquelle chaque pas doit être mûrement pensé et être planifié avant de faire le prochain, afin de corriger les erreurs d’une manière opportune et rapide, sans attendre que le temps le fasse, car il ne fera que les aggraver et nous présentera à la fin une facture encore plus salée.

Nous sommes tout à fait conscients des erreurs que nous avons commises. Les Orientations indiquent justement le point de départ de la rectification et de l’actualisation nécessaire de notre modèle économique socialiste.

Que nul ne s’y méprenne : les Orientations mettent le cap sur l’avenir socialiste ajusté aux conditions de Cuba, non un retour au passé capitaliste et néocolonial liquidé par la Révolution. C’est la planification, et non le libre-échange, qui sera le trait distinctif de l’économique et, comme le signale la troisième Orientation générale, la concentration de la propriété est interdite. C’est clair comme de l’eau de roche, même s’il n’y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

Le socialisme doit se bâtir selon les particularités de chaque pays. C’est là une leçon historique que nous avons très bien apprise. Nous n’avons plus l’intention de copier qui que ce soit, car cela nous a attiré bien des déboires, d’autant que nous copiions mal, comme je le disais hier. Ce qui ne veut pas dire pour autant que nous ignorions les expériences des autres et que nous n’apprenions pas d’elles, y compris des expériences positives des capitalistes.

Pour revenir au changement de mentalité nécessaire, je vais donner un exemple. Puisque nous sommes arrivés à la conclusion que le travail à son compte constitue une possibilité d’emploi de plus pour les citoyens d’âge actif, en permettant d’élever l’offre de biens et services et de libérer l’Etat de ces activités de sorte qu’il se concentre sur ce qui est vraiment décisif, la fonction du parti et du gouvernement est donc de le faciliter, et non de le stigmatiser à partir de préjugés, encore moins de le diaboliser. Pour ce faire, il est essentiel que bon nombre d’entre nous modifient l’évaluation négative qu’ils ont du travail privé. Les classiques du marxisme-léninisme, projetant les traits qui devaient caractériser la construction de la nouvelle société, ont défini entre autres que l’Etat, représentant tout le peuple, doit maintenir la propriété des moyens de production fondamentaux.

Nous avons fait de ce principe un absolu et nous avons transformé en propriété publique presque toute l’activité économique du pays. Les mesures que nous avons prises et que nous continuerons de prendre pour amplifier et assouplir le travail à son compte sont issues de profondes réflexions et analyses, et je peux assurer que, cette fois-ci, nous ne reculerons pas.

De son côté, la Centrale des travailleurs de Cuba et ses syndicats nationaux étudient les formes et les méthodes requises pour organiser la prise en charge de cette force de travail, promouvoir le respect rigoureux de la loi et des impôts, et motiver chez ces travailleurs le rejet de l’illégalité. Nous devons défendre leurs intérêts, – je le répète : nous devons défendre les intérêts des travailleurs à leur compte – comme nous le faisons pour n’importe quel autre citoyen, pourvu qu’ils respectent les normes juridiques approuvées.

A cet égard, il est très important d’introduire aux différents niveaux d’enseignement les concepts clefs du système fiscal afin de familiariser d’une manière constante et concrète les nouvelles générations au fait que les impôts sont la forme la plus universelle de redistribution de la richesse nationale pour garantir les dépenses sociales, dont l’aide aux plus défavorisés.

A l’échelle de toute la société, nous devons promouvoir les valeurs civiques de respect par tous les citoyens de leurs obligations fiscales, créer chez les gens cette culture et cette discipline, récompenser ceux qui paient leurs impôts et punir ceux qui ne le font pas.

Il existe un autre point sur lequel, malgré les progrès enregistrés, il reste encore beaucoup à faire : promouvoir les différentes  formes de production agricole, afin de supprimer les obstacles qui empêchent d’optimiser les forces productives, de sorte que, tout en nous permettant de moins importer d’aliments, les agriculteurs puissent obtenir des revenus justes et raisonnables en fonction de leur dur labeur, ce qui ne justifie pas pour autant qu’ils imposent des prix abusifs à la population.

Voilà maintenant deux ans que nous avons commencé à distribuer en usufruit des terres en friche. Je pense que nous sommes maintenant en mesure d’analyser l’assignation de terres supplémentaires, au-delà des limites fixées dans le décret-loi 259 de juillet 2008, aux producteurs et aux éleveurs qui ont obtenu des résultats marquants en utilisant intensivement les sols sous leur responsabilité.

J’estime opportun de préciser que les terres confiées en usufruit constituent la propriété de tout le peuple, de sorte que si l’Etat en avait besoin un jour pour d’autres usages, il compenserait les usufruitiers de leur investissement et leur paierait la valeur de leurs apports.

Une fois conclue l’étude des expériences accumulées, nous présenterons au Conseil d’Etat, au moment opportun, les propositions de modifications correspondantes à ce décret-loi.

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 Lugo Fonte, président de l’ANAP

Les paysans sont représentés au Conseil d’Etat en la personne du compañero Lugo Fonte, président de l’Association nationale des petits agriculteurs (ANAP). L’un des obstacles les plus difficiles à surmonter dans la formation de cette nouvelle vision des choses – et nous devons le reconnaître publiquement – c’est l’absence de culture économique dans la population, voire chez nombre de cadres qui, étalant une ignorance crasse en la matière, adoptent ou proposent face aux problèmes quotidiens des décisions qui ne tiennent absolument pas compte de leurs effets et des dépenses qu’elles engendrent, ou ne se demandent jamais s’il existe pour cela des ressources suffisantes au plan et au budget.

Je ne révèle rien en disant que l’improvisation en général et en économie en particulier conduit forcément à l’échec, indépendamment des bonnes intentions.

L’organe officiel de notre parti a reproduit, le 2 décembre, pour le cinquante-quatrième anniversaire du débarquement du Granma, un extrait du discours prononcé à cette même date de 1976 par Fidel, vingt ans à peine après cet événement. Je juge opportun de le redire ici, du fait son actualité : « La force du peuple et d’une révolution repose justement dans leur capacité à comprendre les difficultés et à leur faire face. Nous avancerons malgré tout dans de nombreux domaines et nous lutterons d’arrache-pied pour élever l’efficacité de l’économie, économiser des ressources, réduire les dépenses non vitales, accroître les exportations et créer dans chaque citoyen une conscience économique. Je viens de dire que nous sommes tous des politiques ; j’ajoute maintenant que nous devons tous être aussi des économistes. Des connaisseurs de l’économie, je dis bien, pas de l’économisme, car autre chose est une mentalité d’épargne et d’efficience, et autre chose une mentalité de consommation. »

Oui, des économistes. Ce qui ne veut pas dire que nous allions maintenant tous chercher à décrocher un diplôme d’économiste, car nous en avons assez. Non, ça veut dire maîtriser les principes de l’économie, non passer un doctorat.

Le cœur même de ces Orientations que vous avez discutées et du développement économique était déjà là : produire ce qu’on peut exporter, réduire les importations, investir dans des domaines à amortissement rapide, élever l’efficience de l’économie. Economiser des ressources, réduire les dépenses non essentielles – nous en avons parlé tous ces jours-ci – augmenter les exportations, créer chez chaque citoyen une conscience économique. Je répète : « Des connaisseurs de l’économie, je dis bien, pas de l’économisme, car autre chose est une mentalité d’épargne et d’efficience, et autre chose une mentalité de consommation. » Dit un 2 décembre, voilà trente-quatre ans !

Dix ans après, le 1er décembre 1986, durant la session ajournée du Troisième Congrès du Parti, Fidel a affirmé : « Bien des gens ne comprennent pas que l’Etat socialiste, qu’aucun Etat, qu’aucun système ne peut donner ce qu’il n’a pas, et à plus forte raison, qu’il ne peut pas avoir s’il ne produit pas, si l’argent se distribue sans contrepartie productive. Je suis sûr que les effectifs gonflés, l’excès d’argent remis aux gens, les stocks immobilisés, les gaspillages ont beaucoup à voir avec le grand nombre d’entreprises non rentables dans notre pays. »

Trente-quatre ans et vingt-quatre ans respectivement après ces affirmations du chef de la Révolution, ces problèmes et bien d’autres existent toujours.

Oui, eh bien, que faisions-nous ? Pourquoi n’avons-nous pas appliqué les instructions ou plutôt les orientations du chef de la Révolution ? Nous applaudissions les discours, nous lancions de vivats à la Révolution, et après tout restait pareil !

Fidel a fait ce qu’il lui incombait, et j’essaie de trouver une explication : Fidel ouvrait des brèches avec génie et signalait la voie, mais nous, les autres, nous n’avons pas su garantir et consolider la marche vers ces objectifs.

Nous avons manqué en fait de cohésion – malgré l’unité de ce peuple autour de son parti, de ses dirigeants, de son gouvernement, notre arme stratégique fondamentale pour pouvoir survivre plus de cinq décennies, telle une forteresse assiégée, face au plus puissant Empire de l’Histoire. Oui, nous avons manqué de cohésion, d’organisation et de coordination entre le parti et le gouvernement. Au milieu des menaces et des urgences quotidiennes, nous avons négligé la planification à moyen et long termes, nous n’avons pas été assez exigeants face aux violations et aux erreurs économiques commises par certains dirigeants et nous avons trop tardé à rectifier des décisions qui n’ont pas eu l’effet escompté.

J’ai dit plus d’une fois – et ici même à notre Assemblée nationale – que presque tout a été dit dans cette Révolution et que nous devons analyser quelles sont les orientations de son chef que nous avons appliquées et lesquelles nous n’avons pas appliquées, depuis son vibrante plaidoirie, « L’Histoire m’acquittera », jusqu’à aujourd’hui. Nous récupérerons les idées de Fidel qui sont toujours d’actualité et nous ne permettrons pas qu’il nous arrive la même chose.

Ce qui explique ces Orientations, et la ligne qu’ont suivie le parti et le gouvernement au sujet des erreurs, des violations, etc., etc. Si nous voulons sauver la Révolution, il faut appliquer ce que nous avons décidé, ne pas permettre, comme ça s’est passé jusqu’ici dans bien des cas éloquents, que les documents aillent dormir du sommeil du juste dans les tiroirs, comme on l’a expliqué durant ces journées-ci de discussions, fructueuses, démocratiques et vraiment profondes. C’est de cette manière que nous voulons que le peuple continue de discuter ces Orientations, durant les presque cent jours qu’il reste encore. Soit nous rectifions soit nous n’aurons plus le temps de continuer de frôler le précipice et nous y tomberons, et nous saborderons, comme je l’ai dit avant, l’effort de générations entières, depuis l’Indien Hatuey, venu de ce qui est aujourd’hui la République dominicaine et Haïti – le premier internationaliste de notre pays – jusqu’à Fidel, qui nous a conduits avec génie à travers ces situations si compliquées depuis le triomphe de la Révolution (applaudissements).

N’oublions jamais, les moins jeunes, ou ceux qui sont plus âgés, mais qui continuons d’être jeunes et restons sur la brèche (applaudissements), et les nouvelles générations aussi – dont certains représentants se sont exprimés ici hier d’une manière éloquente – ce qu’a dit Fidel, une fois arrivé dans la capitale, depuis la principale caserne de Batista, l’ancienne Columbia, aujourd’hui Cité Liberté : « La Révolution a triomphé, la joie est immense, mais il y a encore beaucoup à faire. N’allons pas croire que désormais tout sera facile. Tout sera peut-être plus difficile. » Et cette orientation visionnaire et précise de Fidel a bel et bien été une réalité durant ces cinquante ans et quelque.

Tout n’allait pas être rose. Nous savions les problèmes qui se poseraient. Nous n’avions que le peuple et les armes, celles que nous avions enlevées à Batista, et après nous avons continué de nous armer autant que nous avons pu jusqu’à aujourd’hui. Et nous avions la grande unité de notre peuple que Fidel a su forger et à laquelle nous devons veiller comme à la prunelle de nos yeux, comme à la vie même. Mais cette unité ne se fait pas par décret. Nous serons d’autant plus unis que nous appliquerons des méthodes absolument démocratiques dans tout le cours politique de la nation, depuis une cellule du parti jusqu’à l’organe supérieur du pouvoir de l’Etat, qui est cette Assemblée nationale-ci, et en faisant preuve de patience.

Nous avons un pays qui possède un niveau d’instruction élevé, et nous avons des tas de choses positives, nous avons fait des progrès gigantesques qu’il n’y a pas le lieu d’énumérer ici. Des acquis de la Révolution, notre presse s’en charge bien, et nous abondons aussi là-dessus dans les discours. Mais il nous faut aller à la racine des problèmes, comme cela s’est fait à cette session de notre Assemblée nationale.

Bref, les questions que nous avons analysées et les erreurs que nous avons critiquées ne peuvent pas se répéter. La vie de la Révolution est en jeu.

Les erreurs, analysées avec honnêteté, peuvent se convertir en expériences et en leçons pour les surmonter et ne pas les reproduire. Telle est la grande utilité de l’analyse profonde des erreurs, ce qui doit finir par devenir une norme de conduite permanente de tous les dirigeants.

Vous connaissez l’adage selon lequel l’homme est le seul animal qui butte deux fois sur la même pierre. Eh bien, j’en connais certains ici qui ont butté cinq fois, six fois, dix fois, et si vous ne les arrêtez pas, ils continueront de butter. Ce n’est pas seulement la douleur à la cheville ou au bout du pied, c’est que ces erreurs coûtent des millions ! Vous avez écouté la liste qu’a dressée le vice-président, notre ministre de l’Economie et de la Planification, Murillo, ou le président de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, le compañero Osvaldo Martinez, qui vient d’en parler : par exemple, le manque à gagner de tant de millions en rapport avec les cours du sucre, qui ont été déprimés toutes ces années-ci et qui sont repartis à la hausse, parce que nous n’avons pas atteint la production de sucre prévue pour une raison ou pour une autre ; tel autre manque à gagner de tant de millions de dollars dans un autre domaine, par inaccomplissement des plans, et dans tel autre…

Je le commentais avec Machado Ventura en entendant ça : si tu fais le calcul des millions de manque à gagner par inaccomplissement des plans, vois un peu combien de problèmes nous aurions réglés. Et c’est comme ça dans tous les domaines.

Voilà pourquoi je suis partisan à outrance d’en finir avec notre manie du secret, même si nous devons en maintenir certains. Hier, par exemple, nous avons parlé de points que je ne pense pas publier. Presque rien n’a été publié dans notre presse de mes interventions, et c’est parce que j’ai demandé qu’on ne le fasse pas, justement pour pouvoir parler librement, en séance non publique, pour que nous puissions discuter, comme on dit, à visage découvert. Nous n’avons pas eu à beaucoup tomber le masque, c’est vrai, mais nous avons discuté de ce qu’il fallait discuter. Parfait, donc.

Oui, je suis partisan de lutter contre la manie du secret, parce que, sous ce tapis tout orné, il se cache les failles que nous avons et que les responsables ont tout intérêt à ce que continue pareil. Je me rappelle certaines critiques que j’avais personnellement demandé à la presse de publier, voilà maintenant bien des années, des critiques non contre un organisme, mais contre un produit. Et aussitôt la grosse bureaucratie s’est mobilisée : « Ça n’aide pas, ça démoralise les travailleurs ! »  Quels travailleurs vous allez donc démoraliser ainsi ?  Une autre occasion, ça a été la grande entreprise laitière du Triangulo. Ça faisait des semaines qu’un des camions de cette laiterie – qui est immense, et qui le reste, et qui est maintenant un centre de reproduction génétique (on lui dit qu’il s’agit de Triunvirato). Oui, oui, Triunvirato, c’est exact. Le Triangulo, c’est à Camagüey. Donc, un des camions de ramassage du lait était en panne, et alors le lait d’une partie de cette entreprise, pas de l’entreprise complète, on en alimentait les cochons !

Et j’ai demandé alors à un secrétaire du Comité central qui chapeautait l’agriculture à ce moment de raconter tout ça dans Granma, de faire une critique. Quel coup de pied dans la fourmilière j’avais donné ! Mais on ne savait pas que c’était moi qui avais demandé de le faire, et certains sont venus me voir pour me dire : « Ces trucs-là n’aident pas, ça démoralise les travailleurs ! » Tout près du chef-lieu de province, en train de jeter le lait, d’en nourrir les cochons !

Alors, pas question de manie du secret. Si vous voulez garder le secret sur vos déficiences, eh bien, battez-vous et efforcez-vous de ne pas les commettre !

Bref, je le répète, les erreurs, analysées avec honnêteté, peuvent se convertir en expériences et en leçons pour les surmonter et ne pas les refaire.

Si nous ne le faisons pas, nous continuerons de commettre les mêmes erreurs. Je le disais : à Cuba, vous avez des animaux qui buttent,  non pas deux fois, mais des tas de fois, sur la même pierre.

Je pourrais aussi évoquer un autre Dominicain, un grand internationaliste, le chef de notre armée de libération, le généralissime Maximo Gomez, qui nous connaissait bien, mariée à une Cubaine, Manana dont les enfants sont nés sur le champ de bataille, dont beaucoup sont morts dans le besoin, cette Manana qui ne l’abandonnait jamais… Et Gomez disait : « Les Cubains ? Ou ils n’en font pas assez ou ils en font de trop ! » Ce n’est pas vrai ? (On lui répond que oui.) Alors, tâchons d’en faire de trop, mais en remplissant strictement notre devoir…

 

(à suivre...)

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