Le procès de l'ancien président de la République a été reporté à une date qui n'a pas encore été fixée. Pour Me Veil, avocat de Jacques Chirac, le procès pourrait avoir lieu en septembre ou octobre.
C'est étrange comme la justice semble fuir à l'approche de Jacques Chirac ! On croyait bien pourtant cette fois qu'elle l'avait rattrapé. Encore raté ! Une question prioritaire de constitutionnalité renvoie l'affaire aux calendes grecques. « Aux alentours du 20 juin », a annoncé le président du tribunal. Et déjà, un des avocats de Jacques Chirac fait observer que l'on sera alors en « période pré-électorale ». Voudra-t-il demander un report ?
Le 20 juin, se tiendra une "audience relais pour savoir si la Cour de cassation a ou non saisi le Conseil constitutionnel" d'une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), portant sur la prescription d'une partie des faits.
Après 2012 ? Ou, à y être 2017, car la France est toujours, plus ou moins, en période pré-électorale…
Pourtant, depuis 30 ans, cette justice a joué à cache-cache avec Jacques Chirac. Elle lui a tourné autour, l'a observé, l'a flairé, l'a humé. Cela fait belle lurette que, sans y toucher, elle lui cherche des poux dans la tête. Bien sûr, il y a cette procédure pour les emplois fictifs à la mairie de Paris, qui aurait dû aboutir aujourd'hui à la comparution devant le tribunal correctionnel. Mais auparavant, il y avait eu l'affaire des chargés de mission à la mairie de Paris, autre casserole d'emplois fictifs. Il y a eu un soupçon de favoritisme autour de la Sempap, société d'impression des documents pour la mairie de la capitale. Il y a eu les HLM de la ville de Paris, avec l'abracadabrantesque cassette de Jean-Claude Méry, épisode jugé sans qu'aucun politique ne se soit retrouvé sur le banc des prévenus. Il y a eu l'affaire des lycées d'Ile-de-France, où tous les partis ont été arrosés. Il y a eu les frais de bouches de la mairie de Paris, témoignant d'un féroce appétit, au-delà des limites du raisonnable. Des faits depuis longtemps prescrits. Et autrefois, le Canard Enchaîné faisait ses choux gras sur les conditions de l'achat du château de Bity en Corrèze… Aujourd'hui, l'entourage de Jacques Chirac assure que l'ancien président souhaitait comparaître, voulait en finir avec cette galère. On observera simplement qu'entre-temps, il avait réussi à fausser compagnie à des générations de juges d'instruction. Chapeau, l'artiste !
Alors, évidemment, aujourd'hui, près de deux décennies après les faits, on se demande s'il est bien nécessaire de traîner cet homme-là devant un tribunal. Les Français n'ont jamais été dupes des pirouettes de Jacques Chirac, et globalement, ne lui en tiennent pas rigueur. Il conserve un capital de sympathie qui fructifie avec la nostalgie. On lui pardonne beaucoup parce qu'il a collé aussi à son époque. Un autre temps, où l'on faisait de la politique « autrement », «à l'ancienne». Où ces petits arrangements avec le diable et avec la loi étaient le lot commun de l'arrière-cuisine des partis politiques. Spécialement au RPR.
Mais les temps changent. Il y a des pratiques sur lesquelles une démocratie qui se respecte ne peut pas fermer les yeux. Le tribunal dira peut-être, un jour prochain ou lointain, si Jacques Chirac était coupable ou non. Mais cette comparution est vraiment nécessaire. Pour solde de tous comptes.
"Déni de justice"
Pour Me Karsenti, l'avocat de l'association Anticor, constituée partie civile, la décision de reporter les deux volets de l'affaire Chirac est "un déni de justice".
Les emplois fictifs du RPR (en cours)
Entre 1988 et 1995, des salaires d'employés permanents du RPR auraient été pris en charge par des entreprises privées et la mairie de Paris. C'est dans cette affaire qu'Alain Juppé a été condamné en 2004 à 14 mois de prison avec sursis et 1 an d'inéligibilité, en tant qu'ancien secrétaire général du RPR et adjoint à la mairie de Paris chargé des finances. En tant que fondateur du RPR et maire de Paris, Jacques Chirac est lui aussi visé par cette affaire car il apparaît improbable pour les juges qu'il n'ait pas été au courant de ces agissements. Jacques Chirac pourrait être entendu par la justice.
Les chargés de mission de la mairie de Paris (en cours)
Entre 1983 et 1998, des chargés de mission dont le salaire était pris en charge par la mairie de Paris auraient en fait travaillé pour le compte du RPR. Il s'agit de la deuxième affaire d'emplois fictifs qui touchent de près ou de loin Jacques Chirac. Dans cette affaire, distincte de la première, les directeurs de cabinets successifs de Jacques Chirac à la mairie de Paris ont tous été mis en examen. L'ancien président de la République pourrait également être entendu par la justice.
La SEMPAP, société d'impression des documents pour la mairie de Paris (en cours)
En 1986, la société qui imprimait tous les documents édités par la municipalité de Paris a été privatisée. Pendant 10 ans, la mairie de Paris a sous-traité ses travaux d'impression à cette société d'économie mixte. Suite à la dissolution de cette structure par Jean Tibéri en 1996, une enquête a été ouverte pour des soupçons de favoritisme, de prise illégale d'intérêt et de détournement de fonds publics. Jacques Chirac pourrait également être convoqué par la justice.
4. Les HLM de Paris (affaire close)
De 1977 à 1995, des détournements fonds ont eu lieu à l'Office HLM de Paris. La mairie de Paris distribuait les marchés publics de construction de HLM à des sociétés en échange de pots de vin pour le RPR. Cette affaire a été découverte en 1994 mais n'a vraiment éclaté qu'en 2000 avec l'épisode de la "cassette Méry". Jean-Claude Méry, responsable de bureaux d'étude au RPR à l'époque des faits, avait enregistré un témoignage vidéo posthume dans lequel il accusait directement Jacques Chirac d'avoir été mêlé dans cette affaire de corruption. C'est le juge Eric Halphen qui a instruit ce dossier jusqu'en 2001. Un procès s'est tenu en juin 2006 mais aucun responsable politique n'était jugé. L'affaire est close.
Les lycées d'Ile de France (affaire close)
Entre 1990 et 1997, 560 millions de francs de commissions se sont évaporées. Tous les partis politiques (du PS au RPR en passant par le Parti communiste) ont trempé dans cette affaire. Le processus de détournement de fonds était assez simple : en échange de l'attribution de la rénovation des lycées d'Ile de France, les sociétés de travaux publics devaient verser des commissions qui étaient répartis entre tous les partis politiques (1,2% pour le RPR, 0,8% pour le PS, etc...). Il s'agit de la plus grande affaire de corruption de l'histoire de la Ve République. 47 personnes ont été mises en examen dans ce dossier et ont été jugées en octobre 2006, dont des proches de Jacques Chirac. L'affaire est aujourd'hui close.
L'affaire des billets d'avion (affaire close)
Au cours de l'enquête sur les lycées d'Ile de France, les juges ont découvert, en perquisitionnant une agence de voyage de Neuilly-sur-Seine, que des règlements en espèce ont été effectués par le chauffeur de Jacques Chirac pour des billets d'avion pour le chef de l'Etat, Bernadette Chirac, Claude Chirac et quelques proches. Le montant de ces versements en espèce avoisinerait environ 2 400 000 francs selon une ordonnance de juin 2001.
A l'époque, un communiqué de l'Elysée avait précisé que ces sommes provenaient de primes de Jacques Chirac qu'il avait cumulé en tant que Premier ministre et président. Les juges n'ont pas donné suite à cette affaire.
En revanche, une autre affaire de billet d'avion est en cours et touche cette fois Bernadette Chirac uniquement. Cette dernière aurait bénéficié de voyages gratuits sur la compagnie Euralair entre 1998 et 1999 pour une valeur d'environ 40 000 euros. L'instruction est toujours en cours.
Les frais de bouche à la mairie de Paris (affaire close)
Entre 1987 et 1995, 14 millions de francs ont été affectés par les services municipaux de la mairie de Paris au règlement de "frais de réception" de Jacques Chirac, selon un rapport de l'inspection générale de la Ville de Paris remis à Bertrand Delanoë. Ces faits étant prescrits, l'instruction a été clôturée.
La fondation Claude Pompidou et le château de Bity de Jacques Chirac (aucune information judiciaire)
Lorsqu'il était dans le gouvernement de Chaban-Delmas sous Pompidou, Jacques Chirac avait acheté le château de Bity en Corrèze. Selon le Canard Enchaîné, en 1978, la fondation Claude Pompidou, du nom de la femme de l'ancien président de la République, a racheté 5 hectares de terre à proximité du château, officiellement pour y construire un centre de vacances pour personnes âgées.
Le coût de cette transaction était de 500 000 francs. Mais plus de 20 ans après les faits, aucun centre de vacances n'a été construit et des indices laissent à penser que la mairie de Paris a subventionné la fondation Claude Pompidou à hauteur de 500 000 francs. De là à penser que la mairie de Paris a acquis indirectement un terrain en Corrèze pour la tranquillité de Jacques Chirac...
Aucune affaire judiciaire n'avait été ouverte à l'époque.
L'affaire Clearstream (aucune poursuite)
Cette affaire est la dernière d'une longue série qui touche Jacques Chirac. C'est la seule qui le concerne pour des faits qui se sont déroulés lorsqu'il était président de la République. L'affaire est simple : en 2004, de faux listings d'une société luxembourgeoise circulent. Sur ces listings, des noms d'hommes politiques et des comptes en banque sont mentionnés. Parmi eux, se trouve celui de Nicolas Sarkozy. Ayant entendu parler de l'affaire, Jacques Chirac aurait cherché à mener une enquête parallèle pour vérifier si cette histoire de blanchiment d'argent était vraie, l'implication de Nicolas Sarkozy pouvant entraîner sa chute. D'un point de vue pénal, l'ancien président de la République ne risque rien. Mais les juges auraient pu l'entendre comme simple témoin pour y voir plus clair sur le déroulement des événements. Jacques Chirac vient de leur faire savoir qu'il ne se rendrait à aucune convocation d'affaires qui ont eu lieu lorsqu'il était président de la République. Il ne se sent donc pas concerné par l'affaire Clearstream.
Un retraité qui cumule 30 000 euros de pension
Jacques Chirac perçoit aujourd'hui 6594 euros de traitement en tant que président de la République. A partir du 6 mai, date de son départ, il va percevoir une retraite équivalent à 80% de son salaire, c'est-à-dire 5250 euros.
Mais Jacques Chirac, âgé de 75 ans, cumule déjà plusieurs retraites. Selon le Canard Enchaîné, il perçoit par mois 5322 euros de retraite en tant qu'ancien député de Corrèze, environ 5000 euros de retraite en tant qu'ancien conseiller général et maire de Paris, 2900 euros en tant qu'ancien membre de la Cour des comptes.
Mais il y a mieux, en tant qu'ancien président de la République, Jacques Chirac siège de droit au conseil constitutionnel. A cet effet, il va percevoir un salaire de 12 000 euros bruts. Si on fait les comptes, on approche les 30 000 euros de retraite.
Salaire + retraite : 2,5 millions d'euros depuis 1995
Jacques Chirac a passé 144 mois à la tête de l'Etat. Entre son salaire et ses pensions de retraite, il touchait un revenu d'environ 20 000 euros par mois. Il aurait donc perçu en 12 ans environ 2,5 millions d'euros.
La publication de son patrimoine suscite des interrogations
Chaque président de la République doit faire une déclaration de patrimoine à l'entrée et à la sortie de l'Elysée. Cette déclaration de patrimoine est rendue publique et publiée au Journal Officiel. Le 14 mai 1995, Jacques Chirac déclarait posséder un compte en banque de 130 572 euros, un appartement rue de Seine près du Sénat (valeur 469 000 euros), un château en Corrèze (valeur 500 000 euros), une maison rurale en Corrèze (valeur 60 000 euros) et une 205 Peugeot de 1984.
Douze ans après, Jacques Chirac a cédé son appartement parisien à sa fille Claude Chirac. Son patrimoine foncier reste le même. Mais son compte en banque est crédité de 25 638 euros. Il aurait ainsi dépensé 80% de ce qui figurait sur son compte en banque en 1995. Or, entre temps, il a perçu 2,5 millions d'euros de salaire et de retraite. Non seulement, il n'y a aucune trace de ces salaires, mais son compte en banque a diminué depuis 1995 !
Sources : la dépêche.fr, le canard enchaîné, DailyMotion