Cesare Battisti "aurait dû être arrêté et restitué à l'Italie" au lieu d'obtenir le droit d'asile en France, affirme Antonio Tabucchi. Mais, aujourd'hui réfugié au Brésil, l'ex-membre du groupuscule des Prolétaires armés pour le communisme continue d'être "sanctifié par quelques intellectuels français", poursuit l'écrivain. "Nous poursuivons le même but, puisque vous clamez votre désir que la vérité historique voie le jour", lui répond Fred Vargas. Mais votre texte est "truffé d'erreurs : Battisti n'a joué aucun rôle important durant les années de plomb", poursuit-elle. Les mensonges, ce sont les "amis de l'assassin Cesare Battisti" qui les font, rétorque le substitut du procureur de la République de Milan Armando Spataro : "En tant que ministère public qui s'est occupé des phases initiales du cas Battisti, je souhaite rétablir une vérité profondément manipulée", conlut-il.
Emprisonné en 1979 et condamné en 1981 pour appartenance à une bande armée, Cesare Battisti s'évade et se réfugie alors au Mexique. En 1988, il est jugé par contumace par la Cour de Milan et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du surveillant de prison Antonio Santoro (Udine, 1978), et de l'agent de police Andrea Campagna (Milan, 1979), et pour complicité dans les assassinats le 16 février 1979 du boucher Lino Sabbadin (Santa Maria di Sala, Vénétie) et du bijoutier Pierluigi Torregiani (Milan).
Il s'installe en France en 1990 et bénéficie de la "doctrine Mitterrand". Une demande d'extradition vers l'Italie est refusée en 1991. Il séjourne librement en France, devient gardien d'immeuble puis publie plusieurs romans noirs à partir de 1993.
Battisti déclarait en 2001, à propos des crimes lui ayant valu sa condamnation, « Politiquement, j'assume tout ». Il a commencé à affirmer son innocence à partir de 2004, quand la situation judiciaire lui est devenue défavorable en France.
En 2004, le gouvernement français s'apprête finalement à l'extrader en Italie, ce qui nourrit un débat français sur l'opportunité de cette extradition. Cesare Battisti s'enfuit alors, jusqu’à son arrestation au Brésil le 18 mars 2007.
La Cour européenne des droits de l'homme déclare le 19 mars 2007 que sa demande est irrecevable. La cour motive sa décision par le motif qu'il avait « renoncé d'une manière non équivoque à son droit de comparaître personnellement et d'être jugé en sa présence » en étant en fuite. La Cour note également que « le requérant, qui avait délibérément choisi de rester en situation de fuite après son évasion en 1981, était effectivement assisté de plusieurs avocats, spécialement désignés par lui durant la procédure » à Rio de Janeiro. Dès les premiers jours, la presse a relayé qu'il avait été arrêté en compagnie d'une femme, Lucie Abadia, membre de son comité de soutien, prise en filature depuis la France, et qui allait lui apporter 9 000 €, mais cette version a été par la suite contestée. L'opération était appuyée par des policiers français, présents lors de l'arrestation.
L'Italie a appelé immédiatement à son extradition, mais la justice brésilienne doit elle-même se prononcer, auparavant, sur la légalité de cette procédure, c'est-à-dire déterminer si le jugement italien, y compris la procédure de jugement par contumace, est en conformité avec la procédure criminelle brésilienne.
Le 20 mars 2007, la Cour suprême brésilienne donne quarante jours à l'Italie pour présenter une demande formelle d'extradition de Cesare Battisti. Suite à quoi, la cour pourra statuer dans un délai non précisé. Si la Cour conclut que les crimes dont il est accusé constituent des actes de terrorisme, il pourra être extradé, mais s'il demande et obtient le statut de réfugié politique, l'extradition ne pourra pas avoir lieu. La cour devra également prendre en compte le fait que le Brésil n'extrade pas pour des peines de plus de trente ans de prison et que les lois brésiliennes ne reconnaissent pas les jugements prononcés en absence de l'accusé (alors qu'il est condamné à perpétuité par contumace).
Les autorités judiciaires italiennes se disent satisfaites de cette arrestation. Romano Prodi, président du Conseil a félicité Giuliano Amato, ministre de l'Intérieur, de l'arrestation de Battisti. En effet, des membres de la police antiterroriste italienne, l'Ucigos, se trouvaient depuis le mois d'octobre au Brésil à la recherche de l'ex-membre des Prolétaires armés pour le communisme.
Suite à son arrestation, Piero Fassino, secrétaire Général des Démocrates de gauche (Democratici di sinistra, DS) et porte parole du plus important parti de la coalition au pouvoir, déclara qu'il était temps « que les responsables de graves actes de terrorisme ayant fait des victimes innocentes et bouleversé la vie de ce pays paient leur dette envers la justice ». Cesare Battisti a obtenu le soutien de quelques rares personnalités italiennes, comme l'écrivain Valerio Evangelisti. Des personnalités et des groupes se sont manifestées et réclament une amnistie pour cette période de l'Histoire de l'Italie, mais ils sont une minorité en Italie, et sont face à une opposition virulente de la part des associations de victimes. Maurizio Puddu, Président de l'Association Italienne des victimes du terrorisme a déclaré que la grâce et l'amnistie ne peuvent pas être appliquées envers qui a commis des crimes de terrorisme et de massacre. De nombreux terroristes se sont réfugiés en France et ont reconstruit leur vie mais nos proches ne peuvent pas le faire, car ils sont dans des cimetières.
La classe politique et l'opinion française ont aussi réagi. La droite se félicitant de sa capture. Tandis que des responsables de la gauche française et le centriste François Bayrou, appellent le gouvernement français à faire pression sur l'Italie pour que Cesare Battisti soit rejugé (dans l'hypothèse d'une extradition, et en référence au fait qu'il n'aurait pas pu présenter sa défense lors de sa contumace de 1988). Constatant la participation de policiers français présents à l'arrestation, et la proximité avec les élections présidentielles françaises, des observateurs, avec parmi eux les sympathisants de Cesare Battisti, voient dans cette arrestation une manipulation de Nicolas Sarkozy, lui-même candidat. Le quotidien italien La Repubblica a par ailleurs indiqué que Nicolas Sarkozy savait dès 2006 où se trouvait Cesare Battisti. Dans des propos rapportés par Bernard-Henri Lévy, Cesare Battisti raconte comment il était surveillé de près depuis un an par la police.
Nicolas Sarkozy répond en arguant que c'est une coïncidence, et que l'assistance de la police française était un devoir en vertu de la demande de collaboration émise par la justice italienne.
Certains, au Brésil, ont protesté contre l'extradition. Le Groupe Tortura Nunca Mais/RJ69, la Commission des Droits de l’Homme de l’Ordre des Avocats du Brésil (OAB-CE), des groupements sociaux, des partis politiques, des avocats et des enseignants ont initié une campagne contre l'extradition. Ils demandent l'octroi de l'asile politique à Cesare Battisti en s'appuyant sur la tradition d'asile qu'a jusqu'ici accordé le Brésil aux réfugiés italiens des années de plomb (Luciano Pessina ex-militant du mouvement Autonomie Ouvrière, Toni Negri) et sur l’article 5º, alinéa LII de la Constitution : « Il ne sera accordé aucune extradition d’étranger pour crime politique ou d’opinion ».
À l'issue du délai de quarante jours accordé par le Brésil, le ministre de la Justice italienne, Clemente Mastella, a fait une demande formelle d'extradition. Afin d'éviter un blocage dû à la législation brésilienne qui refuse l'extradition pour des peines de plus de trente ans de réclusion, le ministre italien a précisé que la peine de Cesare Battisti ne serait pas nécessairement une perpétuité effective, ce qui a déclenché une polémique en Italie et la colère des victimes des Prolétaires armés pour le communisme (PAC).
Le 5 avril 2008, le procureur général de Brasilia a donné un avis favorable à l'extradition de Cesare Battisti considérant que ce dernier avait bien "des motivations politiques", mais que celles-ci étaient insuffisantes pour justifier "la mise en danger de responsables de l'autorité et de civils sans défense", ses crimes étant marqués par une "certaine froideur et un certain mépris pour la vie humaine". Le procureur a également précisé qu'en cas d'extradition, la condamnation à perpétuité de Battisti devra être transformée en trente ans de réclusion et le temps passé en prison au Brésil décompté de sa peine. La commission nationale pour les réfugiés refuse pour sa part le statut de réfugié politique à Cesare Battisti.
Le 14 janvier 2009, le ministre brésilien de la justice Tarso Genro émet une opinion contraire à celles du procureur général de Brasilia et de la commission nationale pour les réfugiés et donne un avis favorable à l'octroi à Battisti du statut de réfugié politique, arguant d'une « crainte fondée de persécution » dans son pays. La décision revient désormais à la Cour suprême du Brésil. En Italie, l'association « Domus Civitas » regroupant victimes du terrorisme et de la mafia, a qualifié la demande du ministre brésilien d'« humiliation ». Sabina Rossa, députée du Parti démocrate et membre d'une autre association de victimes du terrorisme, dont le père a été tué par les Brigades rouges, a déclaré que la décision du ministre brésilien « démontre encore une fois une insensibilité totale et un manque de respect pour notre démocratie ». Le ministère italien des affaires étrangères a aussitôt demandé au président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva de revenir sur la décision son ministre. Le 27 janvier, l'Italie rappelle pour consultations son ambassadeur au Brésil. Sergio Romano, dans un éditorial du Corriere della sera, commente : « Le Brésil, en ce moment, se sent puissant en vertu de son succès économique et du modèle qu'il représente et il est vraiment dommage qu'il n'ait pas compris qu'il y avait en Italie cette blessure encore ouverte du terrorisme ». Battisti demeure incarcéré en l'attente d'une décision de la cour suprême du Brésil.
Dans une lettre publiée par ses avocats le 30 janvier 2009, Cesare Battisti nie une nouvelle fois avoir commis les meurtres pour lesquels il fut condamné et dénonce nommément quatre de ses anciens complices des PAC – Gabriele Grimaldi, Sebastiano Masala, Giuseppe Memeo et Sante Fatone, tous condamnés des années plus tôt et dont l'un est décédé en 2006 – comme responsables des assassinats. Les trois ex-membres des PAC répliquent en qualifiant l'attitude de Battisti d'« infamante ».
Le 31 décembre 2010, le président Lula fait annoncer au dernier jour de son mandat son refus de l'extradition. La classe politique italienne s'insurge contre cette décision. Le gouvernement italien rappelle pour consultation son ambassadeur au Brésil, Gherardo La Francesca, et promet des sanctions contre le Brésil, envisageant également un recours devant la Cour pénale internationale de La Haye. Les soutiens français de l'ex-militant italien se sont félicités de la décision du président brésilien. "Je me réjouis de la sagesse du président Lula. C'est une décision avisée. C'est la décision d'un homme qui a pris le temps de se plonger dans le dossier, de vérifier ses nombreuses irrégularités et de prendre la mesure de sa dimension exagérément passionnelle", écrit le philosophe Bernard-Henri Lévy sur son site internet, La règle du jeu. En Italie, des manifestations ont lieu contre la décision du président brésilien, et réunissent des responsables politiques de droite et de gauche. Silvio Berlusconi, tout en promettant la fermeté, déclare ne pas souhaiter que l'amitié entre l'Italie et le Brésil souffre de l'affaire, ajoutant « cette affaire ne concerne pas les rapports entre nos deux pays, c'est une affaire judiciaire ».
Le 6 janvier 2011, le Tribunal fédéral suprême du Brésil rejette la demande de libération présentée par les avocats de Cesare Battisti, et renvoie l'affaire à l'un de ses magistrats, déjà rapporteur du cas Battisti, et partisan de l'extradition devant la cour suprême. Plusieurs juristes brésiliens se déclarent convaincus que l'Italie obtiendrait gain de cause en cas de recours à La Haye. Le 20 janvier 2011, le Parlement européen approuve, avec un seul vote contre, une résolution demandant l'extradition de Cesare Battisti. La Commission européenne estime pour sa part que le différend à ce sujet doit être réglé de manière bilatérale entre l'Italie et le Brésil.
Mini-focus sur Fred Vargas
Fred Vargas, de son vrai nom Frédérique Audoin-Rouzeau, née le 7 juin 1957 à Paris, est une femme de lettres française. Auteur de romans policiers à fort succès, elle a choisi, avec « Vargas », le même pseudonyme que celui de sa sœur jumelle Joëlle, peintre contemporaine connue sous le nom de Jo Vargas. Ce pseudonyme fait référence à Maria Vargas, personnage joué par l'actrice Ava Gardner dans le film La Comtesse aux pieds nus.
Qui est la romancière Fred Vargas ?
• Elle est titulaire d'un doctorat d'Histoire, sur la peste au Moyen-Âge.
• Elle a travaillé comme chercheur au CNRS. Elle est spécialiste d'archéozoologie.
• Elle a travaillé sur des chantiers de fouilles archéologiques, notamment rue de Lutèce (face à Notre-Dame) à Paris.
Auteur de nombreux romans policiers à succès Fred Vargas a notamment réalisé un ouvrage intitulé La Vérité sur Cesare Battisti.
Autres récompenses littéraires
• Les jeux de l'amour et de la mort | Prix du festival de Cognac 1986 |
• L'homme aux cercles bleus | Prix du festival de St Nazaire 1992 |
• Debout les morts | Prix Polar Michel-Lebrun de la Ville du Mans 1995 Prix Mystère de la critique 1996 |
• Salut et liberté (nouvelle, Le Monde, 19/07/1997) | Trophée 813 de la Meilleure nouvelle 1997 |
• L'homme à l'envers | Prix Sang d'Encre des Lycéens 1999 Trophée 813 du Meilleur roman francophone 1999 Grand Prix du roman noir de Cognac 2000 |
• Les quatre fleuves | Prix Alph-Art du meilleur scénario au Festival de BD d'Angoulême 2001 |
• Pars vite et reviens tard | Grand prix des lectrices de Elle 2002 - (catégorie policier) Prix des libraires 2002 Trophée 813 du Meilleur roman francophone 2002 |
• Fliehe weit und schnell (trad. en allemand de Pars vite et reviens tard) | Deutscher Krimipreis 2004 |
• Sous les vents de Neptune | Trophée 813 du Meilleur roman francophone 2004 |
• Dans les bois éternels | Trophée 813 du Meilleur roman francophone 2006 |
• The Three Evangelists (trad. en anglais de Debout les morts) | Duncan Lawrie International Dagger 2006 (for the best crime novel translated into English) |
• Wash this Blood Clean from my Hand (trad. en anglais de Sous les vents de Neptune) | Duncan Lawrie International Dagger 2007 (for the best crime novel translated into English) |
Sources : LeMonde.fr, Wikipédia.org