Octobre 2010. Une série de vols très suspects frappait les locaux du Monde, de l'hebdomadaire Le Point, du site d'information Mediapart et le domicile de Gérard Davet, journaliste au Monde. Le mystérieux gang des Pieds Nickelés semblait être attiré uniquement par des ordinateurs appartenant à des journalistes qui enquêtaient tous sur l'affaire Bettencourt. Quelle étrange coïncidence !
Mediapart nous révélait que les ordinateurs qui avaient été subtilisés étaient dans un bureau mitoyen des journalistes Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme qui suivent l'affaire Bettencourt. Après une rapide vérification les journalistes constataient qu'un disque dur externe contenant certaines données confidentielles et les archives du site, ainsi que deux cédéroms contenant l'intégralité des enregistrements effectués clandestinement au domicile de Liliane Bettencourt par son ancien majordome avaient disparu !
Témoignage audio de Fabrice Lhomme
Mediapart soulignait aussi un détail important. La veille des cambriolages au Point et chez le journaliste du Monde, Maître Georges Kiejman, avocat de Liliane Bettencourt, avait publiquement reproché à la juge Isabelle Prévost-Desprez d'organiser des fuites auprès de trois journalistes, citant Gérard Davet et Jacques Follorou du Monde, Hervé Gattegno du Point et les journalistes de Mediapart suivant l'affaire. "Point commun de tous ces journalistes : leurs articles ont fortement déplu au pouvoir".
Franz-Olivier Giesbert, le directeur du Point, est beaucoup plus prudent dans sa version des faits et dénonce l'illustration d'un climat malsain...
Ajoutons que les enquêtes de la police pour identifier les voleurs conduiront les enquêteurs à remonter la piste de la fuite et parviendont à identifier la taupe : David Sénat, un collaborateur de Michèle-Alliot Marie lorsqu'elle était encore Garde des Sceaux. Quelques semaines plus tard MAM était débarquée de son ministère pour se retrouver à la tête des Affaires Étrangères et le haut fonctionnaire était limogé.
Le procureur de la République de Nanterre, Philippe Courroye, démontra un zèle déconcertant allant jusqu'à franchir les limites de la loi qu'il n'est pas censé ignorer, en faisant éplucher les "fadettes" de deux journalistes du Monde, exécutant ainsi la basse besogne ordonnée par l'Élysée (voir l'article "Le juge Courroye "hors la loi" mis en examen").
Mars 2012. Le directeur et le rédacteur en chef du Point ont été mis en examen, jeudi 29 mars à Bordeaux, pour atteinte à l'intimité de la vie privée, en raison de la publication par l'hebdomadaire en 2010 d'extraits des écoutes réalisées au domicile de Liliane Bettencourt par son majordome.
Au terme d'environ une heure et demie d'audition, Franz Olivier Giesbert et Hervé Gattegno ont été mis en examen chacun par un des deux juges chargés de ce dossier, Jean-Michel Gentil et Valérie Ramonatxo.
Le Point, comme d'autres médias, avait publié d'abondants extraits des enregistrements réalisés par le majordome de Liliane Bettencourt au domicile de cette dernière entre la mi-2009 et la mi-2010, quand cet employé cherchait à prouver que la milliardaire octogénaire et affaiblie intellectuellement était entourée de personnes qui la manipulaient.
Trois autres journalistes, Fabrice Lhomme, journaliste au Monde et ancien du site Mediapart, Edwy Plenel et Fabrice Arfi, respectivement directeur et journaliste de Mediapart, sont convoqués devant le juge pour les mêmes raisons le 5 avril.
Fabrice Lhomme, co-auteur du brûlot "Sarko m'a tuer" avec Gérard Davet, s'est confié au journaliste de La Voix de la Russie, Alexandre Artamonov.
![]() Fabrice Lhomme : Nous, notre analyse avec Gérard Davet qui a écrit le livre avec moi sur le caractère de Nicolas Sarkozy, c’est d’abord quelqu’un qui est extrêmement rancunier. C'est-à-dire quelqu’un qui n’oublie jamais ce qu’on lui a fait ou ce qu’on lui a manqué de faire, quand on lui a fait du mal. Il a tendance à vouloir se venger ce qui, à mon avis, est un problème quand on est le chef de l’Etat. Par ailleurs, c’est quelqu’un aussi qui a du mal à supporter non pas la critique mais simplement le fait qu’on puisse à un moment ou un autre se mettre en travers de sa route même involontairement. Et nous ce qu’on a expliqué dans notre livre, c’est qu'il essaie de détruire les gens qui à un moment ou à un autre l’ont gêné. Et là encore je pense que quand on est le chef de l’Etat, on doit prendre de la hauteur et être plus tolérant ! Je pense qu’effectivement beaucoup dans son caractère et de ce qu’il fait, explique, sans doute pourquoi beaucoup de Français se détachent de lui parce qu’ils ont le sentiment qu’il n’a pas été à la hauteur qu’exige la Présidence de la République. Nadine Morano, ministre de l’Apprentissage, qui a pris la défense de Nicolas Sarközy, croit que les suspicions sur le compte du Président (dixit) peuvent déstabiliser la République. Pouvez-vous lui donner raison ou croyez-vous que toute lumière doit être faite sur les circonstances de la vie d’une personne qui entend diriger la nation ? Eh bien, je dirais que Nadine Morano a encore manqué une occasion de se taire et c’est un problème avec elle puisqu’elle parle très souvent et, malheureusement, pas toujours à bon escient. En l’occurrence, ce qu’elle nous dit c’est que publier les informations qui sont gênantes pour la République, c’est mettre la République en danger. Ce qui veut dire qu’elle n’est pas pour la démocratie. Puisque dans une démocratie digne de ce nom, la presse, les journalistes doivent publier les informations qui sont dérangeantes pour les pouvoirs en général, d’ailleurs. C'est-à-dire les grands Groupes, les grandes entreprises, les responsables des grands journaux et bien sûr les hommes politiques et encore plus le Président de la République. Donc, Nadine Morano a tort ou, en tout cas, elle n’a pas la même conception que moi de la République. Je crois que dans une République digne de ce nom les journalistes, la presse doivent multiplier les enquêtes, les investigations sur le pouvoir et celui qui est le plus haut représentant du pouvoir, c'est-à-dire le Président de la République. Elle a manifestement une conception assez curieuse de la démocratie. Vous qui êtes un expert du monde politique français, croyez-vous qu’on peut s’attendre à de nouvelles révélations sur le comportement des politiques de l’UMP ? L’affaire Bettencourt est-elle à classer ou tout de même l’image du Président va en pâtir et il y aura encore des révélations ? Quelle est votre opinion, s’il vous plaît ? A mon avis l’affaire n’est pas terminée. Il y aura forcément d’autres révélations qui seront à mon avis très-très gênantes pour Nicolas Sarközy ! Maintenant si toutes ces révélations interviendront avant l’élection présidentielle ? Peut-être pas ! Cela dépend beaucoup de la justice, cela dépend de la presse, cela dépend de nous. On fait notre travail, on essaie de vérifier les informations et il est clair que l’affaire Bettencourt – mais il y en a d’autres, ah ? – mais rien que l’affaire Bettencourt qui est la plus importante, qui met en cause le Président actuel, va connaître d’autres développements qui sont forcément très gênants pour Nicolas Sarközy. |
Extrait :
![]() Récit de la rencontre « Et là, il a commencé à me décrire, avec un aplomb invraisemblable pour un type de son âge, ce qu'il pensait que serait son parcours politique. Il m'a dit qu'une fois élu député il serait secrétaire d'Etat, puis ministre. Ensuite, bien sûr, il viserait Matignon. Et enfin, pourquoi pas, l'Elysée ! Je n'en revenais pas, j'étais soufflé [...] Il m'a dit : "Vous le savez, pour une carrière politique d'envergure, il faut de l'argent, beaucoup d'argent." Il a enchaîné par cette phrase que je n'oublierai jamais : "Il y a deux catégories de personnes : celles qui vont m'aider, qui seront mes amies, et celles qui ne vont pas m'aider, qui seront mes ennemies." Il a poursuivi : "J'ai un cabinet d'avocats. Prenez-moi comme avocat-conseil et tous les mois je vous enverrai une facture." Je lui ai répondu : "Mais notre société a déjà des avocats, vous ferez quoi ?" Il a souri et m'a lancé : "Allons, vous comprenez bien ce que je veux dire, non ?" Bien sûr que j'avais compris. Il voulait une convention d'honoraires pour des prestations fictives ». D'un geste du bras, Jacques Dupuydauby mime Sarközy : « Il a sorti un papier de sa poche : il avait préparé un projet de contrat ! J'ai été stupide, j'aurais dû le garder. Mais j'ai été tellement choqué que je ne l'ai pas pris. Il y avait un montant mensuel inscrit dessus, c'était très élevé [...] Je lui ai dit que je ne mangeais pas de ce pain-là, que quand je payais des avocats, c'était pour qu'ils travaillent. Il l'a très mal pris, le repas s'est fini là-dessus. Avant de partir, il m'a lâché : "Je m'en souviendrai !" Il a tenu parole, effectivement, il s'en est souvenu ! Ce déjeuner m'a coûté cher, il m'a même pourri la vie ! ». |
Sources : LeMonde.fr, Voix de la Russie