Voici le témoignage, d'une victime de la répression franquiste qui sévit au Pays basque depuis de nombreuses années. Son parcours est assez similaire à celui qu'Aurore Martin est en train de subir.
Pour des faits similaires à ceux reprochés à Aurore Martin, Xarlo Etxezaharreta a passé six mois en prison. Il a été blanchi après huit ans de procédure.
Xarlo Etxezaharreta, très inquiet du sort d'Aurore Martin
Photo © Jean-Daniel Chopin
C'était il y a neuf ans. Bien avant que l'interpellation et l'extradition vers l'Espagne d'Aurore Martin ne soulèvent une vague de colère et d'indignation, dépassant le microcosme basque. À l'époque, cet homme au béret noir avait, lui aussi, défrayé la chronique. Malgré lui.
Du fait de son militantisme politique au sein de l'association Udalbiltza - regroupant des élus municipaux de nationalités espagnole et française, siégeant de part et d'autre de la Bidassoa - Xarlo Etxezaharreta, un ancien conseiller municipal d'Hasparren, a risqué jusqu'à quinze années de prison.
Rencontré au petit matin, dans un café de son village, l'abertzale de gauche au regard franc se souvient : « J'ai passé six mois enfermés dans une cellule près de Madrid, pour rien. Sans même être interrogé une seule fois. Mais que vouliez-vous qu'on me demande ? Ils n'avaient rien à me reprocher ».
Indépendantiste convaincu, Xarlo Etxezaharreta n'a alors commis aucun délit. « Notre travail au sein d'Udalbiltza était strictement politique. Il n'y avait rien de secret, rien de clandestin ». Néanmoins, en 2003, l'Audiencia nacional espagnole l'accuse d'appartenir à ETA. Au total, une vingtaine de membres de cette association d'élus seront ainsi mis en examen. Les faits incriminés sont similaires à ceux reprochés, aujourd'hui, à la militante de Batasuna, Aurore Martin.
Cramponné à son paquet de brunes, l'ancien élu âgé aujourd'hui de 71 ans, décrit un effroyable engrenage judiciaire. Arrêté en septembre 2003, alors qu'il participe aux Journées internationalistes d'Abadiño, en Biscaye, l'Haspandar est immédiatement transféré à Madrid. « Ma comparution devant le juge Baltazar Garzon a duré cinq minutes. Puis, on m'a envoyé pour une durée indéterminée à Soto del Real ». Ce même centre pénitentiaire de la banlieue de Madrid, où est actuellement détenue Aurore Martin.
Pendant les six mois de sa détention provisoire, le grand-père, doté d'une force de caractère certaine, est "encadré" par les autres militants incarcérés. « Quand on débarque dans l'univers carcéral, tout paraît compliqué. Cela doit être terrible de se retrouver isolé. Vous savez si Aurore parle espagnol ? » La mine grave, Xarlo s'inquiète.
L'ex-conseiller municipal est remis en liberté en avril 2004. Contre paiement d'une caution de 60 000 euros, récoltée en quelques heures grâce à un impressionnant mouvement de solidarité. « Et si l'histoire s'était arrêtée là, je n'aurais sans doute pas autant de rancœur ». Durant des années, il sera tenu de "pointer" tous les quinze jours dans un commissariat d'Irun. « Jusqu'au jour où j'ai décidé de ne plus me prêter au contrôle judiciaire et d'attendre le procès ».
Jugement fixé en 2010, mais pour lequel il ne recevra jamais d'assignation. « Ma convocation s'était, semble-t-il, perdue entre Madrid et Hasparren ». Xarlo Etxezaharreta et ses proches vivent alors dans l'angoisse quotidienne d'une nouvelle remise aux autorités espagnoles. À juste titre. Plus tard, ils apprendront que l'ombre d'un Mandat d'arrêt européen a longtemps plané au-dessus du béret de Xarlo.
Finalement, début 2011, après huit années de procédure, l'Audiencia nacional annonce la fin des poursuites à l'encontre des élus d'Udalbiltza. Et il y a quelques semaines, la banque lui a restitué l'intégralité de sa caution. Aujourd'hui, il la redistribue. « La justice espagnole ressemble à une grande loterie. Et nous, nous avons eu beaucoup de chance en tirant le gros lot ! Mais certains ont perdu leur travail, leur magasin, l'hypothèque de leur maison. Tout ça pour rien ». Le militant fulmine. « J'espère qu'Aurore bénéficiera d'un non-lieu et que ce mauvais rêve finira au plus vite ».
Source : Pantxika Delobel pour Sud-Ouest.fr