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Photo © Jean-Daniel Chopin |
Le soleil n'était peut-être pas au rendez-vous de la marche pacifiste qui s'est déroulée aujourd'hui à Bayonne mais il était dans le cœur des milliers de personnes venues de tous les horizons, du Pays Basque (Nord et sud), de Bretagne, de la Corse et de l'hexagone, dépassant de loin tous les espoirs de Gabi Mouesca (Herrira) pour cette manifestation prévue de longue date qui a obtenue un immense succès. Entre 10 000 et 15 000 participants, (3 000 selon certains organes de presse) puis finalement la police reconnaîtra en fin de journée le chiffre de 14 500 personnes, bien au-delà des 7 000 manifestants qui s'étaient rassemblés lors de la précédente édition du 12 mars 2000 dans la même ville de Bayonne.
Le cortège en faveur des prisonniers basques, des exilés et du processus de paix est parti vers 15h30, Place des Basques sous une pluie battante, avec à sa tête les familles de prisonniers arborant des portaits des prisonniers basques dont bien évidemment celui d'Aurore Martin, incarcérée depuis 10 jours suite à la trahison du gouvernement "socialiste", faisant la joie du ministre de l'Intérieur franco-espagnol (selon le quotidien El Pais). Derrière suivaient quelques Joaldun qui précédaient le reste de l'impressionnante foule qui constituait ce cortège œucuménique. Parmi eux quelques élus et personnalités politiques dont l'adjointe au maire de Bayonne Martine Bisauta (EELV), Philippe Poutou (NPA), les députés socialistes Colette Capdevielle et Sylviane Alaux, la sénatrice socialiste Frédérique Despagnac, Olivier Dartigolles (porte-parole du PCF des Pyrénées-Atlantiques), Peio Etcheverry Ainchart (porte parole d'Abertzaleen Batasuna), Xabi Larralde et Nagore Garcia (actuelle porte-parole de Batasuna), Kotte Ecenarro et Alain Iriart (conseillers généraux), Alice Leiciagueçahar (EELV), Émilie Martin (la sœur d'Aurore) ainsi que des élus et citoyens du Pays Basque sud (environ 8 000), une délégation corse, des occitans et des bretons.
La manifestation très bien organisée et bien encadrée rejoindra le Petit Bayonne via Saint Léon pour se conclure Place Saint-André.
Outre l'origine de l'appel à cette manifestation par Herrira pour le rapprochement des quelques 620 prisonniers répartis dans les prisons espagnoles mais aussi françaises, l'organisation demande des "mesures d’urgence" en matière de politique pénitentiaire.
Celles-ci sont les suivantes :
La libération des prisonniers malades, celle des prisonniers ayant accompli les 2/3 ou les 3/4 de leurs peines dans l’Etat espagnol, ceux à qui toujours de l’autre côté des Pyrénées, a été appliquée la doctrine 197/2006 (alias doctrine “Parot”) et ceux qui dans l’Etat français seraient en droit d’obtenir une libération conditionnelle.
Parmi ces derniers trois citoyens du Pays Basque nord condamnés à perpétuité et incarcérés depuis près de 23 ans : Txistor Haranburu, Jakes Esnal et Jon Kepa Parot. Ce dernier s’est déjà vu rejeter trois fois sa demande de liberté alors que les arguments utilisés portaient simplement sur le fait qu’il parle basque ou lise des revues abertzale telles qu’Enbata.
Selon Herrira, 624 prisonniers basques sont incarcérés, dont 4 ailleurs qu'en France ou en Espagne, les 137 prisonniers en France sont dispersés dans 32 prisons, en moyenne à 808 km du Pays basque et les 483 prisonniers en Espagne sont dispersés dans 47 prisons et se trouvent en moyenne à 632 kms du Pays basque. Il y aurait aujourd’hui 14 prisonniers gravement malades ou souffrant de maladies incurables (cancer, diabète sévères, problèmes cardiaques, etc...), sans compter tous ceux qui ont de graves problèmes psychologiques.
Toujours selon Herrira, 67 détenus se voient appliquer la doctrine 197/2006. Celle-ci est une nouvelle jurisprudence qui en faisant un décompte différent des remises de peine que celui en vigueur au moment de leur condamnation permet de les maintenir en détention jusqu’à plus de dix ans supplémentaires. Parmi eux au moins 32 auraient déjà dû être libérés.
En tout il serait donc possible de libérer aujourd’hui 186 prisonniers soit près d’un tiers d’entre eux.
Laura Mintegi, élue du groupe de la gauche indépendantiste basque Euskal Herri Bildu, a annoncé pour sa part "sa solidarité avec tous les prisonniers et particulièrement Aurore Martin" : « Nous demandons la libération des prisonniers malades" mais aussi "d'en finir avec la dispersion" des prisonniers basques ». Elle a également souhaité « que les Etats français et espagnol se mettent au service de la feuille de route d'Aiete » (conférence internationale qui s'est déroulée en octobre 2011 à Saint Sebastien ) proposant une résolution du conflit basque tout en soulignant une « grande diversité des opinions parmi les gens présents à la manifestation » affirmant aussi la solidarité de son mouvement avec tous les prisonniers et en particulier Aurore Martin.
Photo © Jean-Daniel Chopin
La député socialiste Colette Capdevielle qui s'affichait derrière la banderole "respect des droits des prisonniers politiques basques" déclarait à son tour que "la question du sort des prisonniers basques est un élément clé de la résolution du conflit". Interrogée sur les propos Manuel Carlos Valls qui réfute la notion de conflit basque, la député a affirmé que « le rôle des parlementaires est d'exercer un contrôle sur l'executif » puis d'ajouter que « les manifestants étaient là "pour lui montrer l'inverse » .
Martine Bisauta, adjointe au maire de Bayonne (EELV) s'est pour sa part dite "ébahie" par les propos de Manuel Carlos Valls : « Ou bien c'est du cynisme, ou bien c'est de l'ignorance mais dans les deux cas, c'est grave » alors que Peio Etcheverry Ainchart, porte parole d'Abertzaleen Batasuna, estimait pour sa part que : « Tant que le gouvernement français aura la même attitude et tant qu'Aurore Martin sera emprisonnée, Jean Marc Ayrault recevra à Bayonne le même accueil que Sarközy ».
Nagore Garcia, porte-parole de Batasuna, a appelé à "continuer à mettre la pression sur Paris et Madrid" en souhaitant que soient "respectés les droits des prisonniers politiques basques".
Quant à Gabi Mouesca, ancien président de l'Observatoire international des prisons et organisateur de cette manifestation à Bayonne, il soulignait l'implication inéluctable du ministre franco-espagnol de l'Intérieur : « Les récentes déclarations du ministre de l'Intérieur Manuel Valls qui tiennent de l'irresponsabilité la plus dramatique, ainsi que les derniers développements de l'affaire Aurore Martin ont contribué à l'évidence à une prise de conscience du déficit démocratique touchant le Pays Basque » rappelant aussi : « Nous demandons à la France et à l'Espagne de respecter la simple application du droit qui est de rapprocher les prisonniers de leurs familles et de libérer les malades ou conditionnables ».
Emilie Martin, la sœur d'Aurore
Emilie Martin, sœur d'Aurore Martin et membre de Herrira, a quant à elle rappelé que les revendications d'Herrira, concernant le rapprochement des prisonniers basques au Pays Basque « ne sont que des demandes liées à la simple application du droit actuel [...] Nous ne demandons à l'Etat français et espagnol que de respecter leur propres lois ! » n'oubliant pas de réclamer la libération immédiate de sa sœur. « Cette manifestation, elle a déjà été énorme. Il n'y a jamais eu une aussi grande manifestation à Bayonne [...] Par rapport à l'arrestation d'Aurore il y a une semaine, cette manifestation a pris une dimension médiatique qu'on espérait pas ».
J'ajouterais en conclusion que le Président de la République et son gouvernement "socialiste" sont maintenant dans l'impossibilité de continuer à ignorer les nombreuses revendications qui ont été exposées à Bayonne. Ce gouvernement "socialiste" se trouve désormais dans une impasse. S'il persiste dans son mutisme et n'agit pas en conséquence des voix qui se sont élevées à Bayonne, en refusant notamment de porter secours aux ressortissants français détenus en Espagne, il prouvera implicitement l'indépendance du Pays Basque livré à lui-même... et aux mains des autorités espagnoles.
Quand un gouvernement est capable de faire preuve d'ingérance dans un pays tel que la Syrie il doit d'abord être en mesure de protéger ses propres citoyens sur son sol !
Photo © Jean-Daniel Chopin
Sources : Xarlo Etchezaharreta, Le JPB, Sud Ouest, eitb.com, le berger des images