Il n'aura pas fallu attendre longtemps pour que le gouvernement PS mette tout en œuvre afin d'éviter de se faire voler la vedette par José Bové, après les déclarations fracassantes du député européen écologiste, qui milite de son côté pour raccourcir la chaîne alimentaire entre le producteur et le consommateur, tout en fustigeant la fermeture des abattoirs en France qui favorise ces "systèmes mafieux".
Dès samedi dernier le député européen écologiste avait annoncé qu'il demanderait l'ouverture d'une enquête européenne sur la fraude à la viande de cheval.
« C'est clair, il va falloir qu'il y ait une enquête dans chaque pays mais il faut qu'on aille beaucoup plus loin... Il faut une enquête européenne" de l'Olaf, le service anti-fraude de l'Union européenne, sur cette affaire ! »
Notre fin limier altermondialiste "anti-malbouffe" a aussitôt flairé l'arnaque : « Il faut être très prudent dans ce genre d'affaire mais tout est possible. Je n'exclus pas du tout une magouille très mafieuse ».
Sur la piste des charrettes
Pour José Bové la piste s'oriente autour de la récente interdiction de circulation des charrettes en Roumanie. Celle-ci aurait provoquée un effondrement des cours de la viande de cheval en Roumanie (note du papy : vendue à moins d'un euro le Kg)... « Certains ont-ils voulu acheter de la viande pas chère parce que les prix de la viande de cheval se sont effondrés et que cela permettait peut-être de faire un bon coup financier sur le dos des consommateurs ? »
Voilà une question intéressante et très pertinente, à laquelle le ministre délégué à la consommation ne tardera pas à y répondre : « Nous avons remonté la filière. Nous avons aussi évalué le bénéfice tiré de ce qui semble être une fraude : 300 000 euros environ. Ce qui laisse penser que cette pratique remonte à plusieurs mois, depuis août, semble-t-il » dixit Benoit Hamon.
Un sacré flaire ce José ! Mais le député européen écologiste pousse son raisonnement encore plus loin. Pour lui, cette affaire est la résultante du choix d'une alimentation à bas prix qui fait que les industriels cherchent à avoir les coûts de production les moins chers possibles : « Je ne crois pas du tout dans ce cas de figure qu'on soit sur une erreur, puisqu'on retrouve ça en grande quantité en Grande-Bretagne, en Irlande, en Suède visiblement. Il y a quelque chose qui est "orchestré et le mode d'alimentation par la grande surface et les plats tous faits permet facilement de maquiller ce genre de business ».
Les industriels de l'agroalimentaire nous tromperaient sur la marchandise pour augmenter leurs bénéfices ?
C'est malin ! Depuis c'est la panique générale dans les milieux politiques et leurs fidèles servants, c'est à dire la presse.
On en vient presque à se demander si Benoit XVI n'aurait pas choisi délibérément d'annoncer aujourd'hui qu'il renonçait à son pontificat afin que la presse occulte ce scandale ! Allez savoir...
Le ministre délégué à la consommation prend l'affaire très au sérieux, soutenu par son collègue du ministère de l'Agriculture, Stephane Le Foll, et de Guillaume Garot (ministre délégué à l'agroalimentaire), il a donc convoqué tous les acteurs de la filière viande à Bercy pour tenter de démêler cet imbroglio européen de la barbaque qui transite par la Roumaine, le Luxembourg, la France, Chypre, les Pays-bas et le Royaume-Uni et dénoncé par José bové comme "une magouille très mafieuse". Il faut reconnaître que depuis que l'Europe régit la politique agricole, les pauvres bœufs parcourent un véritable parcours du combattant avant de terminer dans vos assiettes. Autant dire que les mesures de traçabilité sont plutôt malmenées au travers de ce marathon européen qui est parti d'une commande de plats surgelés de la part du Groupe Findus auprès de son fournisseur Comigel, établi à Metz, qui a lui-même sous-traité cette commande auprès de sa filiale luxembourgeoise Tavola SA, qui elle est passée par la société Spanghero, basée à Castenaudary (Aude). L'industriel Spanghero quant à lui s'est adressé à un trader chypriote pour passer un ordre de commande de viande (probablement du bœuf) et ce trader de Chypre a transmis le relais à un autre trader basé au Pays-Bas qui a finalement passé un autre ordre de commande d'achat de viande auprès d'un abattoir et d'un atelier de découpe situés en Roumanie.
Rien de plus limpide, surtout quand c'est Benoît Hamon qui nous décrypte l'arnaque...
Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, en plein brouillard...
Peut-être qu'une petite illustration vous aidera à sortir de ce brouillard...
Si vous n'avez toujours rien compris au schmilblick, rassurez-vous même le journaliste de BFMtv en a une migraine !
On notera au passage que la société Spanghero, détenue à 99 % par la coopérative agricole basque Lur Berri, appartient finalement à la holding du groupe français Poujol. A ce stade nous n'assistons plus à un cours de géographie mais plutôt à du capitalisme accomodé à la sauce européenne où les professionnels de la filière viande ne se comportent plus en éleveurs mais en spéculateurs.
Question : pourquoi autant d'intermédiaires sont intervenus dans le déroulement d'une simple commande de plats cuisinés ?
José Bové a déjà répondu en partie à cette question. Je rappelle pour les ceusses qui n'ont pas suivi que le litige porte sur de la viande de cheval qui s'est retrouvée en bout de chaîne dans des plats cuisinés à base de bœuf dans des barquettes à la marque Findus mais aussi aux marques distributeurs.
De fait presque toutes les principales enseignes de distribution françaises ont procédé aux retraits des lasagnes, cannellonis ou spaghettis bolognaise, moussaka, hachis parmentier, qu'ils soient de marque Findus ou de marque de distributeurs vendus dans les magasins Auchan, Match, Casino, Carrefour, Système U, Leclerc, Cora, Monoprix, Picard.
Au terme de la réunion de crise qui s'est déroulée en fin de journée à Bercy, Benoît Hamon annonce que la répression des Fraudes va étendre ses recherches au-delà de Spanghero et Comigel, les deux sociétés prises dans la tourmente du scandale de la viande de cheval estampillée "boeuf", et mettre "sous surveillance" l'ensemble de la filière viande et poisson pendant l'année 2013. La veille le ministre délégué à la consommation avait indiqué au Parisien : « Nous verrons mercredi les premiers résultats de l'enquête. Et notamment si l'entreprise française, Spanghero, savait qu'elle achetait du cheval ou si elle a été trompée. S'il faut engager des sanctions, nous n'hésiterons pas [...] Nous avons aussi évalué le bénéfice tiré de ce qui semble être une fraude : 300 000 euros environ ! »
François Hollande monte au créneau
Le président français a estimé ce lundi que «des sanctions devront être prononcées [...] Il y a eu des manquements, visiblement, des profits, des comportements inadmissibles, des sanctions devront être prononcées, administratives et pénales... si le dossier le justifie »
Note : A savoir que si la tromperie est prouvée les contrevenants s'exposent à "une lourde sanction financière" pouvant aller à jusqu'à la moitié du bénéfice réalisé, voire une sanction pénale en cas de délit, qui peut aller jusqu'à 2 ans de prison et 37 500 euros d'amende.
Marge nette pour le fraudeur après la "lourde sanction financière" : 150 000 euros, car il ne fait aucun doute qu'une telle affaire n'aboutira pas au pénal.
Depuis la fin de semaine dernière nous assistons à une véritable partie de ping-pong ou de patate chaude, c'est au choix dans le menu, où chacun des intervenants rejette la responsabilité sur l'autre.
A commencer par l'État lui-même en la personne de Benoît hamon qui réfute toute défaillance des services de l'Etat dans la surveillance de la chaîne de production : « je ne peux pas mettre un fonctionnaire derrière chaque "pain de viande". Le système repose d'abord sur chaque acteur de transformation et chaque importateur, qui doivent faire les contrôles. Dans cette affaire, la faute a minima, c'est d'avoir réétiqueté la viande importée sans faire les contrôles suffisants ».
Communiqué du groupe Findus France :
Du côté des traders c'est le silence radio.
De son côté Barthélémy Aguerre, président de Spanghero, mais aussi maire (Modem) de Luxe-Sumberraute (64) et Conseiller général du canton de Saint Palais, clamait sa bonne foi affirmant qu’il poursuivrait le producteur roumain auprès duquel il s’était approvisionné. « Nous avons acheté de la viande de bœuf "origine Europe" et nous l’avons revendue. S’il s’agissait bien de cheval, nous allons nous retourner contre le fournisseur roumain » sans pour autant dévoiler le nom de ce fameux fournisseur roumain.
La société Tavola SA, sous-traitant luxembourgeois de Comigel, qui produit les plats cuisinés distribués par la marque Findus a, quant à elle, fait porter la responsabilité sur son fournisseur direct, l'entreprise Spanghero qui elle-même dit avoir des soupçons son fournisseur roumain.
Selon les ministères de l'Agriculture et de la Santé luxembourgeois, il n'y a plus de doute : « la viande congelée, portant la mention "viande de bœuf", provenait d’un établissement français, la société Spanghero ».
Côté Roumanie, les professionnels du secteur renvoient la balle vers l'importateur, Spanghero : « J'ai du mal à croire qu'un abattoir roumain ait pu livrer du cheval sous l'étiquette de bœuf, en raison des contrôles qui se font systématiquement dans les abattoirs. Si Spanghero n'a pas protesté lors de la réception en constatant que c'était du cheval et pas du boeuf, c'est que soit il était complice avec le producteur roumain, soit il a changé l'étiquette après ! » déclare Dragos Frumosu, le président des syndicats de l'industrie alimentaire roumaine (FSIA). Le premier ministre Victor Ponta en personne réfute toute culpabilité de fraude sur son territoire.
Coopérative agricole du Pays basque Lur Berri : les langues des syndicalistes se délient et dénoncent les tensions qui règnent au sein de leur coopérative.
Sauveur Bacho, militant écologiste et secrétaire du syndicat CFDT de l'Agro-alimentaire du Pays Basque, défend les valeurs et les intérêts de agriculteurs basques : « les agriculteurs et salariés de Lur Berri sont pour une agriculture locale respectueuse du consommateur. Dans cette affaire, nous constatons que chacun essaie de renvoyer la responsabilité sur l'autre. Malheureusement, nous nous trouvons dans la normalité. Car en Europe, la traçabilité n'existe qu'en principe. A force de fermer des abattoirs, on finit par importer une viande dont on ne sait pas vraiment d'où elle vient. Le sigle UE ne donne aucune indication réelle ». Le syndicaliste poursuit en enfonçant un peu plus le clou : « Je ne vois pas comment Lur Berri pourrait éviter d'en subir les conséquences, sur le plan financier (on détient Spanghero à 99 %) ou en matière d'image, ajoute Sauveur Bacho. En théorie, ce sont les agriculteurs qui dirigent Lur Berri. Mais l'expansion de cette coopérative les a dépossédés de cette fonction. Il est temps qu'ils reprennent le contrôle. Ce qui se passe est grave. On peine à comprendre comment il est possible de ne pas contrôler ce que l'on achète. La faute est attribuée par certains à Barthélémy Aguerre (vice-président de Lur Berri et président de Spanghero). Lui, la renvoie sur d'autres. Mais chacun a sa part de responsabilité ».
Le syndicaliste de la CFDT conclut : « Barthélémy Aguerre et moi-même avons ceci de commun que nous voulons savoir qui a commis la faute. Seulement, il se vante d'être agriculteur, mais le système qu'il a contribué à mettre en place ne fait rien pour les agriculteurs, tandis que les salariés de Lur Berri ne sont pas payés plus de 1300 euros, même en fin de carrière... L'affaire de Findus peut concerner sept pays européens. Voilà le problème ».
(Sources : Sud-Ouest - Lasagnes Findus : les syndicalistes réagissent chez Lur Berri)
Ce diplômé de l'Institut de Criminologie et d'Analyse en Menaces Criminelles Contemporaines à Paris II (voir son site crimorg.com), dénonce en détail les dessous des activités mafieuses des filières de l'agroalimentaire, en répondant aux questions de Jean-Baptiste Bonaventure (atlantico.fr).
Lire l'interview complet de Stéphane Quéré sur atlantico.fr : Ce que le scandale Findus révèle de l'infiltration des mafias en Europe
Âmes sensibles s'abstenir !
A lire aussi l'excellent article de Bernard Broustet (Sud Ouest) : Lasagnes Findus : le soupçon pèse sur la filière, du Pays basque à la Roumanie
Pour conclure ce volet en attendant les prochains résultats de l'enquête judicaire en cours, reconnaissons qu'il paraît inconcevable que de nos jours, à aucun moment donné, un seul des intervenants dans la chaîne de transformation ne s'est pas rendu compte de la supercherie, ne serait-ce que par l'apparence de la viande de cheval, sa texture ou son odeur. Durant toute la partie de la négoce, la viande étant conditionnée sous forme de "minerais", seul l'étiquetage détermine la nature et la provenance du produit. A partir du moment où le produit entre en transformation, des professionnels dignes de ce noms sont forcément conscients du produit traité, à moins qu'il ne soit totalement dénaturé ou que l'on ferme délibérément les yeux.
Sources : Sud-Ouest, Le Parisien, RTL, Wort.lu, Atlantico.fr