Vendredi dernier je suis tombé par hasard sur un documentaire diffusé sur LCP intitulé "La double mort de Pierre Bérégovoy" qui était déjà passé à l'antenne sur France3 en 2008 mais que je n'avais pas eu l'occasion de voir.
Ce documentaire de 90 minutes, signé Francis Gillery, jette le trouble sur les circonstances mystérieuses qui entourent le "suicide" de Pierre Bérégovoy. Plutôt que d'apporter des réponses que le public n'obtiendra jamais, Francis Gillery pose des questions qui ébranlent sérieusement la thèse officielle du "suicide". Ceux qui n'ont pas encore vu ce documentaire découvriront les incohérences et les non-dits qui entourent la disparition de Pierre Bérégovoy, cet autodidacte qui est parvenu jusqu'à Matignon avec son simple CAP d'ajusteur. Il avait fait de la corruption affairiste et politique son cheval de bataille créant un tollé général au sein de l'Assemblée nationale le 8 avril 1992 en déclarant :
« [...] Urgence, enfin, dans la lutte contre la corruption. [...] Avec le garde des sceaux, M. Michel Vauzelle, je veux publiquement apporter mon soutien aux juges qui poursuivent la fraude, sans autre passion que le droit. On soupçonne certains hommes publics de s'être enrichis personnellement de manière illégale. S'ils sont innocents, ils doivent être disculpés ; s'ils sont coupables, ils doivent être châtiés ; dans tous les cas, la justice doit passer. [...] J'apporte également mon soutien aux policiers qui travaillent consciencieusement sous le contrôle des juges pour traquer les corrupteurs. [...] Toutes les procédures seront conduites à leur terme, dès lors qu'elles révèleront des actes frauduleux commis à des fins d'enrichissement personnel. [...] S'il est des dossiers qui traînent, croyez-moi, ils ne traîneront plus. [...] Croyez-vous que je prendrais la responsabilité de tels propos devant la représentation nationale — que je respecte — et devant l'opinion publique, si je n'avais pas l'intention d'honorer tous les engagements que je prends devant vous ? »
Panique générale des députés, de gauche comme de droite, qui crient au scandale !
En réponse aux invectives des parlementaires Pierre Bérégovoy leur répondit ceci :
« Comme je suis un Premier ministre nouveau et un homme politique précautionneux, j'ai ici une liste de personnalités dont je pourrais éventuellement vous parler. Je m'en garderai bien ! [...] S'il existe encore des élus qui, à quelque niveau que ce soit et à quelque parti qu'ils appartiennent, ne respectent pas les nouvelles règles de financement de l'activité politique, qu'ils le sachent : le gouvernement sera impitoyable ».
A son tour, Pierre Bérégovoy sera entâché par une affaire de prêt d'un million de francs dévoilée par le Canard Enchaîné en février 1993. Dès lors le Premier ministre sera la proie du juge Thierry Jean-Pierre et de la presse qui finiront par miner politiquement celui qui représentait le "Eliot Ness" de la politique française.
Ce documentaire de Francis Gillery dresse le portrait d'un homme aux ambitions présidentielles intactes mais un homme gênant politiquement...
Le réalisateur s’est intéressé à cette affaire dès 2001. Il rencontre, dans le cadre d’une autre enquête, le commissaire Hubert Marty Vrayance des Renseignements Généraux, alors chargé de rassembler des éléments sur les circonstances de la mort de Pierre Bérégovoy.
Francis Gillery a également recueilli les propos de Pascal Mornac, témoin direct des événements, qui était présent sur les lieux au moment du drame. Ce témoin n’avait encore jamais parlé.
Des noms planent autour de ce mystère, Mitterrand, Pasqua... Des affaires aussi, telles que celles des frégates de Taïwan, Urba, Magny Cours, les écoutes de l'Élysée. Pierre Bérégovoy dérangeait beaucoup dans un milieu duquel il n'était pas issu.
Cette version ci-dessous a été amputée (censurée) d'une scène où au début l'on voyait un huissier frapper à une porte, dans le silence d'un palais de la République : "Monsieur, excusez moi de vous déranger, mais Pierre Bérégovoy s'est suicidé". L'autre personnage répond : "Ah ? Il est déjà 18 heures ?" Cette introduction accusait trop clairement François Mitterrand d'avoir trempé dans un assassinat : la chaîne publique a demandé qu'elle soit coupée ; Gillery a accepté.
Suicide ? Meurtre ?
C'est à vous de voir...