Nous venons d'apprendre que Sarközy a de nouveau menti (pléonasme) et n'a donc jamais mis les pieds à Fukushima comme il l'avait prétendu, pourtant il vient de se faire irradier par Anne Lauvergeon, l'ex-patronne d'Areva. Interrogée par Christine Kerdellant, Directeur adjoint de la rédaction de L'Express suite à la sortie du livre "La Femme qui résiste" paru aujourd'hui, Anne Lauvergeon balance du lourd sur ses relations tendues avec Henri Proglio, le PDG d'EDF et Sarközy, l'actuel monarque pour encore quelques jours.
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Anne Lauvergeon |
« Henri Proglio est arrivé en se proclamant capitaine (de l'équipe de France nucléaire) , en refusant systématiquement de passer le ballon et en taclant ses coéquipiers [...] A peine nommé, il a critiqué publiquement la filière, qu'il connaissait fort peu, prônant le démantèlement d'Areva ». C'est par ces mots qu'Anne Lauvergeon entame le portrait du PDG d'EDF.
L'ex-patronne d'Areva évoque aussi ses propres relations avec Sarközy, elle confie avoir décliné en 2007 une offre du monarque, alors nouvellement élu, de la nommer au ministère de son choix. « Il ne composait pas un gouvernement, il recrutait pour un casting ! » confirme-t-elle. « Je crois au volontarisme du temps long, pas au volontarisme de l'instant, prétexte à une agitation médiatique ». Selon Anne Lauvergeon, Sarközy, aujourd'hui candidat à un second quinquennat, lui avait confié au début de 2007 « qu'il ne ferait qu'un mandat, puis qu'il irait gagner de l'argent chez Bouygues » . C'était sans compter sur le lot de casseroles qui ont refait surface et l'opiniâtreté de quelques juges incorruptibles qui n'attendent que la fin de son mandat pour lui poser quelques questions embarassantes. Bouygues devra attendre, le monarque tient à sauver ses fesses.
Anne Lauvergeon reproche entre autre au monarque d'avoir « laissé s'organiser un système de clan, de bandes et de prébendes » dans la filière nucléaire française. « Ce système a fait la promotion d'un nucléaire bas de gamme à l'international et proposé de transférer nos droits de propriété intellectuelle mondiaux aux Chinois et de vendre du nucléaire à des pays où ce n'est pas raisonnable » ajoute-t-elle. Elle cite en particulier le cas de la Libye, à laquelle Sarközy avait proposé en juillet 2007 de vendre un réacteur nucléaire, notamment pour désaliniser de l'eau de mer, après la libération d'infirmières bulgares détenues par les autorités libyennes. Anne Lauvergeon se serait opposée vigoureusement à la vente d'équipements nucléaires à la Libye. « Nous jouions à fronts renversés [...] l'Etat, censé être plus responsable, soutenait cette folie. Imaginez, si on l'avait fait, de quoi nous aurions l'air maintenant ! Pourtant, quelle insistance ! A l'été 2010, j'ai encore eu, à l'Elysée, une séance à ce sujet avec Claude Guéant et Henri Proglio » , ajoute-t-elle, en citant les noms du secrétaire général de l'Elysée de l'époque et du PDG d'EDF, avec qui ses relations sont notoirement mauvaises.
A la question de Jean-Michel Bezat, du journal Le Monde : « Vous engagerez-vous en politique si la gauche revient au pouvoir ? » Anne Lauvergeon rétorquait : « Ce n'est pas un secret, que j'apprécie François Hollande. Mais le monde qui me tient à cœur, c'est celui des entreprises » .
Le candidat du parti socialiste exprime toutefois ses réticences : « Tant que les Français ne se sont pas prononcés, je ne forme aucune équipe. Et Anne Lauvergeon que je connais et apprécie est d'abord une dirigeante d'entreprise. Je note d'ailleurs que les personnalités issues de la société civile, aussi talentueuses soient-elles, ont eu souvent des difficultés pour accéder aux fonctions politiques » .
Message reçu de la part de l'intéressée qui s'exprime sur les ondes de France Inter...
Sarközy, Proglio, nucléaire... Anne Lauvergeon dit tout
Vous n'avez pas été reconduite à la tête d'Areva en juin 2011, après avoir failli en être écartée à deux reprises. Ce n'était donc pas une surprise. Pourtant, vous êtes encore étonnée de la manière dont cela s'est passé.
Lui-même vous avait dit dans le passé qu'il n'effectuerait qu'un seul mandat...
Que reprochez-vous exactement au patron d'EDF ?
Qu'avez-vous dit au président lors de ce fameux rendez-vous ?
A qui précisément ?
Et la cinquième erreur de Sarközy ? Il nous fallait une augmentation de capital de 3 milliards d'euros. En 2004, Nicolas Sarközy, ministre des Finances, la décide. Après lui, Hervé Gaymard la confirme, mais n'a pas le temps de la mettre en oeuvre. Puis vinrent Thierry Breton et Dominique de Villepin, qui ont tout suspendu... Enfin, après 2007, il n'y a plus eu de stratégie du tout. On nous a dit qu'il fallait fusionner avec Alstom, puis vendre T & D, puis attendre le rapport Roussely, puis démanteler Areva au profit d'EDF... Toute stratégie cohérente a disparu au profit du court terme et des intérêts d'un clan. Et des intermédiaires ! Je suis passée par l'incrédulité, l'effarement, puis l'indignation...
Une photo de paparazzi à votre sortie de l'Elysée après le rendez-vous vous montre joyeuse. C'était si drôle ?
Nicolas Sarközy vous avait proposé d'être ministre, pourtant, juste avant son entrée en fonctions ?
Quel ministère ?
Pourquoi avez-vous refusé ?
L'accord entre le PS et les Verts n'est-il pas un obstacle à la politique industrielle que vous prônez ?
Dans votre livre, vous parlez de vos rapports avec François Mitterrand. Ecrirez-vous un jour un livre sur lui ?
Vous possédez un étonnant souvenir de lui : le brouillon de sa fameuse phrase, "livrer aux chiens l'honneur d'un homme et finalement sa vie", écrit dans un train en partance vers Nevers, lors de l'enterrement de Pierre Bérégovoy...
Qu'en avez-vous fait ?
La cour autour de François Mitterrand ressemblait-elle à celle qui entoure Nicolas Sarközy aujourd'hui ?
Que faites-vous actuellement ?
Propos recueillis par Christine Kerdellant (L'Express) / Charles Platiau (Reuters) |
Anne Lauvergeon aura dû attendre une dizaine de mois pour obtenir le paiement effectif de ses indemnités de départ qui s'élèvent à 1,5 million d'euros. Le paiement effectif de ces indemnités (1 million d'euros au titre d'une indemnité de départ proprement dite, et 500 000 euros au titre d'une clause de non-concurrence) n'était plus qu'une formalité. Le ministre de l'Economie François Baroin, qui devait donner son assentissement en vertu d'un décret de 1953 sur le contrôle des entreprises publiques, l'avait fait il y a deux semaines.
Ces indemnités avaient été négociées entre Areva et Anne Lauvergeon après son départ du groupe nucléaire public en juin 2011, et son remplacement par son ex numéro deux Luc Oursel. Mais le paiement avait fait ensuite l'objet d'un bras de fer judiciaire entre le groupe nucléaire et son ex-patronne. Areva avait suspendu le versement fin 2011, en refusant de transmettre à Bercy l'accord conclu avec Anne Lauvergeon sur ses indemnités, en attendant les résultats d'une enquête interne sur l'acquisition de la société minière Uramin en 2007. Cette enquête, dont les conclusions ont été publiées en février, a lavé l'ex-patronne d'Areva de tout soupçon de malversation dans cette affaire.
Entretemps, Anne Lauvergeon avait saisi le Tribunal de commerce de Paris pour débloquer le paiement de ses indemnités, et Areva avait fini par accéder à sa demande fin janvier en acceptant de soumettre le dossier à Bercy.
Sources : L'Express.fr, LeMonde.fr