Après avoir regardé et écouté Jean-Luc Mélenchon la semaine dernière je me demandais d'où provenait une telle haine envers les banquiers. Aurait-il des problèmes dans le financement de sa campagne ? J'en doute, son programme "L'Humain d'abord" s'est commercialisé à plus de 300 000 exemplaires. A la tête du Front de Gauche il se doit de s'afficher en anti-capitaliste. Soit, mais pas de quoi justifier cette haine vorace envers la finance de haute voltige. C'est en tombant accidentellement sur un article publié sur le site du Monde.fr que j'ai enfin pu comprendre...
L'opération organisée en 2001 par Goldman Sachs pour permettre à la Grèce de réduire sa dette a rapporté la somme de 600 millions d'euros à la banque américaine. Telles sont les conclusions d'une enquête de deux journalistes de l'agence Bloomberg, Nick Dunbar et Elisa Martinuzzi.
Les enfoirés, ils spéculent sur l'incapacité des pays à pouvoir rembourser leur dette !
Mais comment fait-on pour prêter de l'argent à perte qui rapporte encore plus que les intérêts de la dette elle-même ?
Ce sont deux des principaux protagonistes de la dette grecque qui ont dévoilé la recette "Goldman Sach qu'elle s'accomode à toutes les sauces".
Christoforos Sardelis, patron du bureau de gestion de la dette à Athènes entre 1999 et 2004, et Spyros Papanicolaou, son successeur jusqu'en 2010, expliquent ce qui a permis à la Grèce de cacher l'ampleur de son endettement.
La transaction consistait à échanger la dette grecque, libellée en dollars et en yens, en euros en utilisant un "taux de change fictif" permettant de réduire l'endettement de 2 %. Mais, comme le reconnaît Sardelis, ses services n'étaient pas équipés pour comprendre la complexité du contrat signé avec Goldman Sachs en juin 2001. Et imaginer qu'en quatre ans, via un produit dérivé destiné à dissimuler ce prêt, la dette ainsi contractée par la Grèce auprès de Goldman Sachs allait bondir de 2,8 milliards à 5,1 milliards d'euros.
Au moment de la signature, reconnaît Sardelis, le swap lui était apparu profitable pour son pays comme pour la banque d'affaires. A l'écouter, deux événements ont fait exploser le coût de l'opération pour la Grèce. Tout d'abord la chute du marché obligataire après les attentats du 11 septembre 2001 qui, en raison de la formule imposée par Goldman Sachs, a pesé sur les remboursements. Ensuite, le choix par la banque, en 2002, d'un nouvel indice assis sur l'inflation dans la zone euro s'est avéré dévastateur.
Autre révélation, Addy Loudiadis, la banquière de Goldman Sachs en charge de ce dossier, s'était imposée non pas en raison de ses origines grecques, mais parce qu'elle avait alerté Athènes du danger d'un contrat similaire offert par un rival en 1999 !
"Les swaps étaient l'une des techniques utilisées par bon nombre de gouvernements européens pour respecter les critères du traité de Maastricht", répond Goldman Sachs, qui affirme que l'impact combiné de ce swap a été limité à une baisse de 1,6 point de la dette publique grecque, celle-ci passant de 105,3 % à 103,7 % du produit intérieur brut (PIB).
"Pour la première fois, des officiels grecs impliqués dans le swap de Goldman ont évoqué le coût de cette transaction. Goldman n'a jamais contesté les chiffres avancés par son client", explique Nick Dunbar. En 2003, il avait révélé dans le mensuel britannique Risk Magazine le rôle joué par Goldman dans le maquillage des comptes de la Grèce.
(voir ou revoir l'excellent documentaire vidéo sur la GoldMan Sachs)
Greg Smith, directeur exécutif chargé des marchés des produits dérivés en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique pour la banque d'affaires Goldman Sachs, a cru pendant près de douze ans à l'intégrité de son entreprise. Mais aujourd'hui, il démissionne et, démarche rare dans cette institution puissante et secrète, il annonce son départ avec fracas, dans une tribune publiée mercredi par le New York Times, en dénonçant un fonctionnement de l'entreprise "plus toxique et destructif que jamais".
S'il ne dit pas grand-chose des agissements cyniques de la banque révélés lors de la crise financière de 2008, de son système d'influence (lien abonnés), de la coexistence problématique en son sein d'activités de montages financiers classiques et de spéculation immodérée, Greg Smith est inquiet pour ses clients, à tel point qu'il "n'arrive plus à regarder les stagiaires dans les yeux" lorsqu'il leur vante le travail de sa banque. Il accuse les responsables de Goldman Sachs de "mettre de côté" les intérêts de leurs clients, de les considérer comme des vaches à lait imbéciles et de ne plus chercher qu'à s'enrichir sur leur dos. Il blâme directement le directeur général de la banque, Lloyd C. Blankfein, et son président, Gary D. Cohn, pour avoir laissé s'installer cette culture, qui ne peut mener l'entreprise qu'à sa perte, selon lui : « Cela me rend malade de voir la manière dont les gens parlent d'arnaquer leurs clients. Au cours des 12 derniers mois, j'ai entendu cinq responsables différents qualifier leurs clients d'andouilles ». Il accuse le groupe de se focaliser davantage sur ses bénéfices que sur les besoins de ses clients. « Pour résumer simplement le problème, les intérêts du client continuent d'être laissés à la marge dans la manière dont le groupe fonctionne et pense à gagner de l'argent [...] Des gens qui se préoccupent uniquement de faire de l'argent ne peuvent maintenir cette entreprise à flots – ou garder la confiance de leurs clients – pour encore bien longtemps ».
Les clients de Greg Smith ne sont pas des petits porteurs. Il dit avoir conseillé, au fil de sa carrière, deux des principaux hedge funds de la planète, cinq des plus grands gestionnaires de portefeuilles américains et trois des plus importants fonds souverains du Moyen-Orient et d'Asie : « Mes clients représentent un portefeuille total de plus d'un millier de milliards de dollars » .
Cela ne suffit pas à faire la fierté de ce banquier "à l'ancienne", selon ses propres mots, originaire d'Afrique du Sud, ancien boursier de l'université américaine de Stanford, qui dénonce le comportement de rapace de ses collègues promus aux plus hauts postes de direction. « Aujourd'hui, si vous faites gagner assez d'argent à la firme (et si vous n'avez assassiné personne à l'aide d'une hache) vous serez promu à un poste influent » .
Et de lister trois façons de grimper vite dans la maison : refourguer à ses clients des actions et des produits financiers dont Goldman Sachs cherche à se débarrasser, les pousser à investir dans des produits qui ne sont peut-être pas les meilleurs pour eux, mais qui rapporteront le mieux à Goldman Sachs, et « s'asseoir dans un fauteuil d'où vous ferez commerce de n'importe quel produit opaque et non liquide avec un acronyme en trois lettres » .
Le directeur général de Goldman Sachs, Lloyd C. Blankfein
A quoi joue la Goldman Sachs en trahissant ses clients si l'on en croit les propos de Greg Smith ? C'est la question que s'est posé Marc Roche, journaliste économique pour Le Monde.
Perdue dans un conflit d'intérêts inhérent au casino spéculatif planétaire, pariant sur tout et n'importe quoi, obsédée par sa puissance, la super banque d'affaire américaine n'a plus d'états d'âme, avançant ses pions sur l'échiquier mondial par le truchement d'un réseau de pouvoir politique inégalé et d'un système ultra-sophistiqué de collecte et de partage de l'information.
De surcroît, la culture de cette institution, qui prétend, selon son DG, Lloyd Blankfein, "faire le travail de Dieu", a dérivé, l'amenant trop souvent à faire passer ses intérêts avant ceux de ses clients. Le recrutement des meilleurs et la pression maximum du Kill or die ("Tue ou meurs") conduisent l'institution à franchir trop souvent la ligne blanche de la morale.
Qu'importe le service aux clients puisque, au nom du culte de la victoire à tout prix, tous les coups sont permis, quitte à "plumer" ces derniers pour remplir les caisses et gonfler les primes de fin d'année !
Marc Roche a raison de préciser aussi que ces critiques sont valables pour l'ensemble du secteur financier, comme l'atteste la crise des crédits subprimes de 2007-2008 ou le cataclysme de la dette souveraine. Si Goldman Sachs, aujourd'hui joli bouc émissaire des affres des seigneurs de l'argent, n'existait pas, il aurait fallu l'inventer. Après tout, les clients qui lui ont acheté des produits "pourris" n'étaient pas des enfants de choeur, mais des investisseurs sophistiqués, disposant d'équipes de spécialistes pour évaluer ce qu'on leur proposait.
Le journaliste du Monde arrive à cette conclusion : pour sortir de l'ornière, Goldman Sachs doit revenir au premier principe de sa charte, "les intérêts de nos clients priment". Pour ce faire, la banque doit se recentrer sur ses deux points forts, les activités de conseil et la gestion de patrimoine au détriment des activités spéculatives. C'est pourquoi les traders qui détiennent le pouvoir, Lloyd Blankfein et son numéro deux, Gary Cohn, doivent partir. Seule la nomination d'un banquier d'affaires traditionnel à sa tête permettra à "la Firme" de retrouver son aura.
Quoi qu'il en soit la réputation de Goldman Sachs est entachée par différentes affaires (faillite de Lehman, comptes publics grecs), dans lesquelles ses liens avec les gouvernements (aux Etats-Unis ou en Europe) sont ambigus. Les accusations de Greg Smith surviennent alors que la succession de Lloyd Blankfein est ouverte. Elles pourraient fragiliser les favoris, tels Michael Sherwood, patron de Greg Smith, et Gary Cohn, le président opérationnel, montré du doigt par Greg Smith.
Source : Le Monde.fr