Malgré les récents événements médiatiques qui font la Une des journaux "print and web", il existe un combat qui ne peut tomber dans l'oubli. Ce combat est celui de Philip Sion, surnommé le "Julian Assange frenchie", accusé d'avoir violé le sacro saint "devoir de réserve" par son employeur le CG 13 et pour cause ! Pourtant, depuis son lit d'hôpital Philip Sion ne baisse pas les bras et continue son combat pour dénoncer la corruption qui régne au sein de nos administrations dans notre pays et plus particulièrement dans la région marseillaise. Lui-même victime de harcèlement sur son lieu de travail, il décrit le calvaire de nombreux salariés qui endurent cette souffrance sans ne pouvoir dire mot, qu'il s'agisse de la fonction publique ou privée.
Il est grand temps que les français réagissent et fassent connaitre à leur tour la révolte du Jasmin aux nombreux dictateurs quels qu'ils soient, du plus simple chef de bureau en passant par les directeurs de grandes surfaces jusqu'au plus haut niveau de l'état de notre pays.
5ème mode de management caché derrière les classiques modes participatifs, délégatifs, persuasifs et directifs, le management coercitif existe bel et bien dans nos collectivités.
Pourtant, le sujet est rarement abordé de façon directe, et se retrouve au mieux déguisé sous des «enquêtes» cherchant à prouver l’existence pourtant connue d’une «souffrance au travail», corollaire d’un harcèlement moral qui ne dit pas son nom.
Pourquoi existe t-il, comment est-il exercé et quels sont ses effets, telles sont les questions auxquelles nous allons essayer de répondre de façon simple et directe, même si certains auraient préféré qu’elles ne soient pas posées.
Empêcher de nuire ou réduire au silence
Empêcher un agent de nuire au bon fonctionnement de sa collectivité par une incompétence assumée pourrait être la seule excuse «valable» à l’utilisation d’un management coercitif.
Pourtant, dans la majeure partie des cas, ces agents se retrouvent, au contraire, promus à des postes de «pseudo-responsables» :
Cet état de fait, connu sous le nom de principe de Dilbert et qui se retrouve dans toutes les structures où l’efficience n’est pas évaluée, permet de confier des postes nécessitant une réelle compétence à ceux qui en ont vraiment, tout en se débarrassant adroitement de ceux qui n’en ont pas, satisfaits de leur «promotion».
Mais dans la pratique, l’objectif généralement reconnu du management coercitif est de réduire au silence les agents qui, trop candides ou trop expérimentés, se révèlent trop bavards ou trop entreprenants.
Les managers de ces «empêcheurs de tourner en rond», appartenant parfois au premier groupe cité, pensent en effet être de leur devoir de réduire au silence tous ceux qui auraient osé mettre en évidence leurs erreurs, leur incompétence, et globalement tout ce qui pourrait «faire des vagues».
Alors que l’énergie de ces forces vives aurait pu être employée pour faire avancer la machine ou pour corriger le cap, il s’avère hors de question pour leurs supérieurs trop frileux de se (faire) mouiller alors qu’ils sont en train de se faire dorer la pilule sur le pont du navire de croisière qui doit les ramener à bon port, la retraite venue, après avoir visité toutes les strates de l’administration.
Une mécanique bien rodée
Généralement, la peur suffit à empêcher d’avoir à entrer en mode de management coercitif :
Cela commence habituellement par un entretien en tête-à-tête, non-officiel et uniquement oral auquel le supérieur hiérarchique convoque l’agent trop remuant.
Il débute en soulignant les qualités de l’agent, puis évoque sa «carrière», qui reste à construire, et sa «famille», à laquelle il doit penser.
Usant d’un ton à la fois paternaliste et rassurant, il en vient ensuite à la nécessité de comprendre que les choses fonctionnent «comme cela», de comprendre qu’il est inutile, et pourrait même s’avérer contre-productif pour lui de faire des vagues et de risquer des choses aussi importantes que son avenir ou celui de ses enfants…
Cela fait généralement son effet, et l’agent récalcitrant, aussitôt sorti du bureau, regagne le rang.
Mais lorsque ce dernier insiste, ou plus grave, le fait par écrit (propositions d’amélioration à l’attention de sa hiérarchie directe, voire aux niveaux supérieurs), le management passe la vitesse supérieure : le mode coercitif.
Phase 1 : le placard.
Reproduisant inconsciemment le modèle qui a fonctionné pour lui, le supérieur de l’agent trop entreprenant lui supprime ses attributions, les confiant à d’autres, ou les fait purement et simplement disparaître, mais dans tous les cas toujours au détriment de la qualité du service rendu.
Avec un peu de chance, l’agent, isolé et sans travail, se réduira seul au silence.
Phase 2 : l’agression.
Rarement nécessaire, elle attaque directement l’agent concerné, bien évidemment sur des motifs tous autres que sa façon de servir, cette dernière étant bien souvent irréprochable.
L’agent est averti, blâmé, voire suspendu de ses fonctions pour une courte durée.
La proximité de la porte et l’air frais de la planche aux requins fait généralement son Office.
Phase 3 : la mutation.
Lorsque l’agent utilise encore le peu d’espace qui lui reste pour essayer de bouger, on le démet de ses fonctions de façon administrative, vers un poste où il sera le plus incompétent possible ou le moins utile possible, et donc forcément silencieux.
Dans les 3 premiers cas, le traitement de l’agent ne sert plus qu’à assurer son silence, qu’il soit catégorie C ou A+, mais pas dans la dernière phase de coercition.
Phase 4 : la radiation (ou départ anticipé à la retraite selon l’âge).
La planche ayant été consciencieusement savonnée (dossier administratif, conseil de discipline, exclusions multiples…), l’agent est définitivement livré, pieds et poings liés, aux requins du privé.
Les récentes dispositions du départ volontaire de la fonction publique arrivent même à point nommé pour faire faire des économies aux collectivités, qui doivent trouver des moyens d’équilibrer leurs budgets avec moins de ressources et sans augmenter les impôts.
Comble de l’ironie, les économies ainsi réalisées pourront même être réinvesties dans l’embauche de personnels plus «rentables politiquement».
Un management lourd de conséquences
Si quelques femmes et quelques hommes à la mer ne changent pas le cap du navire, le management coercitif n’est pas pour autant exempt de conséquences :
Pour les victimes, elles sont morales tout d’abord, les pressions exercées visant précisément à écraser les trop fortes personnalités : isolement (physique et/ou par absence de communication), perte de compétence par le manque de travail, et stigmatisation (la «chance» d’être «payé à rien faire») amènent le fonctionnaire à douter de sa bonne foi, à culpabiliser, à se rabaisser.
Cette souffrance au travail se transforme alors en stress, qui rejaillit bien souvent sur la vie familiale (irritabilité, disputes, isolement…) ou peut se retrouver somatisée (problèmes digestifs, douleurs de dos, migraines…).
Le suicide n’étant pas dans les habitudes de l’administration, ce sont plutôt des alcooliques que l’on rencontre dans ses couloirs, quelque part entre leurs bureaux et la machine à café, et à tous les étages.
Enfin, pour la collectivité qui cautionne ce mode de fonctionnement, c’est accepter d’utiliser l’argent public à des causes diamétralement opposées à celles qu’il est censé servir, noyant ses personnels trop entreprenants dans l’immensité silencieuse de son obligation de moyens.
On appelle cela le sévice public !