Stéphane Hessel, très sage agitateur Comment expliquez-vous le succès de votre texte «Indignez-vous!» ? Ce livre est apparu à un moment où moi et d'autres nous nous préoccupons de ce qu'il reste des valeurs du Conseil national de la Résistance, pour qu'elles ne soient pas oubliées, qu'elles continuent d'animer notre vie politique. Et voici que ce petit texte, qui est un appel à la mobilisation autour des grands problèmes du siècle, est tombé dans un contexte général, tant en France qu'au Maghreb, où il a trouvé un certain écho. Le livre a alors fait un énorme schproum ! Que répondez-vous à ceux qui qualifient votre livre de "pamphlet naïf et bien pensant" ? Je suis, en effet, bien-pensant, naïf si l'on veut. Mais c'est plutôt avec candeur que je cherche à rappeler des valeurs qui n'en restent pas moins valables et nécessaires. Ce texte ne se borne pas à un appel à l'indignation. On indique aussi très clairement les périls auxquels nous sommes confrontés, les grands enjeux planétaires: l'extrême pauvreté et la destruction de la planète. Et ça, pardon, mais ça n'est pas de la petite bière ! Votre compréhension du recours à la violence par les Palestiniens vous a valu des critiques. Pouvez-vous nous expliquer votre point de vue ? Je considère que la non-violence en réponse à une oppression subie est la meilleure voie mais je dis que la tentation de recourir à la violence est parfois insurmontable. La violence des Palestiniens est même très limitée par rapport à celle qu'ils subissent. C'est donc compréhensible, on peut même la pardonner mais ça n'est pas efficace. Dans une tribune parue dans Le Point, Bernard Henri-Lévy considère l'appel au boycott des produits israéliens, que vous soutenez, comme "une saloperie". Il explique "qu'on boycotte les régimes totalitaires, pas les démocraties". Qu'en pensez-vous ? Je suis en désaccord complet avec cette personne. Ça se voit, d'ailleurs, qu'elle connaît très mal le Proche-Orient. Israël est, en effet, une démocratie sur le plan intérieur, avec une assemblée, une opposition en droit de s'exprimer. Mais, depuis 1968, Israël bafoue le droit international en occupant une terre qui ne lui appartient pas. J'ai toujours considéré et considère toujours que la création d'un État pour les juifs qui avaient subi les atrocités que l'on sait, sur les terres où ce peuple a vécu un passé glorieux, était souhaitable, indispensable et logique. Je répète qu'il ne s'agit pas d'attaquer cet État qui est évidemment légitime mais le gouvernement dans sa politique de colonisation et d'occupation. Beaucoup de jeunes se détournent des partis politiques. L'engagement peut-il se passer du mouvement collectif ? Non car l'engagement porte toujours sur des ensembles, des groupes, des partis politiques, des ONG (organisations non-gouvernementales), sur des projets communs. Les partis politiques sont traditionnellement les lieux où l'on s'engage. La diversité actuelle des partis peut désorienter les jeunes. Pour ceux qui ont le sentiment que les partis ne portent pas suffisamment leurs convictions, il existe d'autres organisations comme Amnesty international ou la Fédération internationale des Droits de l'Homme. Quel est, aujourd'hui, l'homme politique français qui incarne, selon vous, le mieux cet "esprit de résistance" ? Je suis un ami de longue date de Michel Rocard qui a beaucoup à dire. Mais, actuellement, de ceux qui se préparent à l'élection présidentielle, j'ai personnellement une grande sympathie pour Martine Aubry, de l'admiration pour Eva Joly, du respect pour Dominique Strauss Kahn. Dans tous les cas, je soutiendrai le candidat élu lors des primaires socialistes. |