Les chaînes de télévision seraient-elles des militantes de l'UMP ? A en croire les nombreux spots publicitaires partisans, diffusés sous forme de "flash info" sur quasiment toutes les chaînes d'info, on vient de dépasser le stade de l'overdose. Ce n'est plus du matraquage c'est du bourrage de crâne...
Les chaînes d'info en continu de la TNT, BFM TV et iTélé, pour ne citer qu'elles, tissent les destins électoraux en jabotant comme des perruches. Ce sont les colporteuses électroniques, sur lesquelles tablent le monarque et ses équipes pour imprimer la cadence UMP, donner le "LA" droitier en une France scotchée devant de tels postes.
La journée du 28 février fut un modèle du genre. Il y eut cette interminable visite de François Hollande au salon de l'agriculture. « Dix heures », soupirent les présentateurs et présentatrices. L'envoyé d'i>Télé sur place, Clément Meric, finira par lâcher, à 12 heures : « François Hollande progresse lentement, très lentement ». Non seulement il traînasse et nous casse notre cadence, semblent se plaindre les journalistes numériques terrestres, mais en plus il n'a rien à gagner puisque les agriculteurs votent à droite !
François Hollande en visite au salon de l'agriculture
Comme pour défier le "déjà-candidat-de-2007-président-des-riches-candidat-de-2012-du-peuple", François Hollande oppose le jet d'eau au Kärcher du "déjà-candidat-de-2007".
On joue une comédie proche d'un spectacle de marionnettes. Tel Guignol étourdi, le Corrézien s'étire entre fromages et fumier, alors que des commandos sarkozystes le canardent sans faillir : « Attention ! Hollande ! », s'écrie une partie du public. Mais que voulez-vous, la veille au soir, sur TF1, le socialiste s'est pris pour un socialiste. Il a joué avec le fisc comme avec le feu. Il a décrété que les émoluments dépassant le million d'euros par an seraient, à partir de cette somme astronomique, assujettis à un impôt doré sur tranche : 75 %.
Fabuleux tour de bonneteau linguistique sur les chaînes jumelles : ce n'est plus le salaire qui devient mirobolant, mais le taux d'imposition ! Chacun voit soudain se refermer sur son mollet la mâchoire de ces horribles 75 % ! Tandis que François Hollande trace son petit bonhomme de chemin à la porte de Versailles, le voici très vite affublé d'un bonnet d'âne, ce benêt attardé parmi les charcuteries : « Hollande veut moins de riches alors que Sarkozy veut moins de pauvres », cisèle, la mine gourmande, le ministre Chatel. Le ministre Juppé, avec l'air important de celui qui se retient, parle simplement de "confiscation fiscale". Les imprécations font mouche. Trois petites phrases et puis s'en vont.
Alain Juppé lâche une phrase lourde d'impression, à propos du prétendant PS : « Il rame pour suivre le flux de Sarközy ». Le message est massage, il s'inscrit, synchrone, dans ce bain bouillonnant d'infos des deux chaînes hystériques spécialisées : d'un côté le socialo ramollo qui s'égare, de l'autre le Speedy Gonzalès de l'Élysée.
Pauvre Hollande si peu enclin à changer d'époque : il patine, il « perd pied » (dixit l'UMP Éric Ciotti). Il n'a rien appris et tout oublié. Il nous appauvrit puisqu'il s'attaque aux riches. Le chroniqueur Emmanuel Lechypre, sur BFM, qui croyait exécuter à lui seul le député de la Corrèze : « ce genre de mesure coûte plus cher qu'elle ne rapporte : trop d'impôt tue l'impôt », se fait voler la vedette par Bernard Tapie, deus ex machina, Jupiter tonnant contre ces 75 % scélérats : « Quand on fait maigrir les gros, on fait mourir les maigres ». Sur la lancée de son prétendu proverbe chinois, l'ancien ministre, estampillé radical de gauche largement renfloué par la Sarkozie, poursuit sa démolition de François Hollande : « Il a lancé son venin. Être soucieux des pauvres, c'est faire en sorte que les riches restent en France pour créer de la richesse ».
Le message, itératif, est clair : nous avons besoin d'un nerveux qui s'agite en faveur des riches, garants de notre prospérité. Et que voyons-nous, de flash en flash ? Un mou qui prend son temps parmi les péquenots.
L'heure n'est pas aux pépères qui prétendent ne jamais dévier de leur route, mais aux hybrides têtes à claques qui osent tous les tête-à-queue. Regardez ce chroniqueur à l'écharpe rouge, censé, par ailleurs, diriger la rédaction de L'Express. Il étrille, à gauche (surtout) comme à droite, dans sa séquence intitulée « le zap politique ». Un agité du bocal de première, ce Christophe Barbier. Au point que l'animateur de la tranche matinale ose un suspect : « À quoi marche-t-il ? » Au rythme ambiant, pardi !
Un autre chroniqueur tente de réduire à son tour Hollande à néant, mais il aura 84 ans le 1er mars. Ça commence à se sentir. C'est Philippe Tesson. Il n'arrive pas à prononcer, ni même à repérer, le nom de Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parole du candidat socialiste, qui eut le toupet intolérable de traiter Sarközy de « produit de contrebande imaginé par des cerveaux d'extrême droite ».
Le spectacle continue et laisse Tesson à ses hésitations. Pendant que Hollande « joue la proximité » (Clément Meric sur i>Télé), ou « esquive un lancer d'œuf » (Valérie Beranger sur BFM), Sarközy se profile sur des fronts moins folkloriques. Aux dires des chaînes jumelles, il va tout faire pour sauver Arcelor Mittal « s'il obtient gain de cause » totalement amnésiques de la promesse identique fait le 4 février 2008 à Gandrange.
Le président est absent mais omniprésent. On apprend qu'il s'est moqué du blocage des taxes sur l'essence imaginé par son rival et qu'il a vanté, en l'énergie nucléaire, une « véritable ressource alternative » – personne, bien entendu, pour persifler que le locataire de l'Élysée « joue la proximité » de l'atome : respect !
D'ailleurs les sondages volent au secours du candidat Sarközy. Mines réjouies à propos des projections concernant le premier tour : l'écart se resserre avec Hollande. Et toujours ce soupir, qui n'exclut pas un espoir encore à venir, au sujet du second tour : « Là, mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarközy, ça ne bouge pas : 42 % contre 58 % à François Hollande ». Un peu plus tard dans l'après-midi, l'impression que, sous nos yeux, la partie s'affine : 43 % pour Sarközy et 57 % pour Hollande, selon une autre étude tout juste dévoilée...
Le président candidat se téléporte « internat d'excellence » à Montpellier, avant de tenir le « quatrième grand meeting » de sa campagne au Zénith de la ville. Il tacle Hollande (toujours enlisé au salon de l'agriculture), il « tape vite et fort » (ainsi parlait BFM). Sur le coup de 17 heures, voici le point d'orgue présidentiel à propos des 75 % d'impôts à partir de 1 million d'euros : « Improvisation, précipitation, pour tout dire amateurisme ».
Le président candidat se vante de l'exfiltration réussie vers le Liban de la journaliste Édith Bouvier, blessée à Homs, en Syrie. Puis il fait machine arrière en arguant de nouvelles contradictoires du fait d'une « situation complexe ». Ni improvisation, ni précipitation, ni pour tout dire amateurisme, bien entendu : il a de si lourdes responsabilités.
Tout est possible. Tout s'accélère. Le refrain victorieux de l'an 2007 reprend ses droits, lors de la réunion du candidat sortant avec la claque de l'UMP à Montpellier : « Faire travailler les enseignants plus longtemps en les payant davantage ! ». BFM TV c'est "Retour vers le futur".
François Hollande est sorti du salon de l'agriculture. Il y sera remplacé le lendemain par Jean-Luc Mélenchon. En ce jour ultime du mois, on trouvera le candidat du PS à Londres, nous annonce BFM. Bref, un socialiste erratique et un président sur le pont. Chacun fera son choix, en toute connaissance... objective, forcément objective ! Après ça vous continuerez de croire dans l'impartialité des médias...
Source : Mediapart