Clémence en détresse.
Clémence éphémère.
Clémence en tendresse,
Jetée céleste :
Perchée en pensées
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Quel univers hétéroclite que celui de l'internet...
Lorsque j'ai créé ce blog il y a quelques mois j'étais bien loin de penser que celui-ci vivrait aussi longtemps et qu'il me donnerait l'occasion de communiquer avec autant de monde, tous d'horizons différents, avec leur joie, leur humour mais aussi leur peine, leurs souffrances et aussi ce dégoût majeur de la politique en général.
Telle cette rencontre fortuite avec le scientifique Alain Le Pourhiet, au détour d'un commentaire publié sur le blog de nos amis de Cafardages où était justement cité une parodie d'Alain Le Pourhiet en rapport avec Madame de Sévigné.
Le hasard n'est que la mesure de notre ignorance (Henri Poincaré, mathématicien, physicien et philosophe, auteur notamment de la théorie du chaos).
Avant qu'Alain Le Pourhiet ne m'adresse un courriel, je dois avouer humblement que je ne connaissais pas même l'existence de
cet homme exemplaire, aujourd'hui retraité, qui fût ingénieur à l'ONERA-Toulouse et professeur à l'Ecole Nationale Supérieure de l'Aéronautique et de
l'Espace, mais surtout un père exemplaire comme nous en rencontrons que trop rarement dans notre vie.
Au cours de nos récents et fugaces échanges, Alain, si je peux me permettre de le nommer par son prénom, m'a glissé subrepticement quelques liens qui m'ont conduit
sur son site et m'ont permis de découvrir non seulement le
guetteur de lumière qu'il est, mais aussi le philosophe empreint d'une grande souffrance que la vie n'a pas épargné.
Quelle plus grande souffrance que de perdre un être cher, la chair de sa propre chair, cet enfant que l'on chérit comme la prunelle de ses yeux et qui vous est enlevé par la folie et
l'inconscience assassine de l'être humain ?
Comme cité plus haut, le hasard n'est que la mesure de notre ignorance, et le message qu'Alain m'a adressé est tellement émouvant, pour ne pas dire bouleversant, qu'il s'est mué en une leçon de vie que je tenais à vous faire partager.
Alain Le Pourhiet témoigne de sa souffrance au travers de Cueille la nuit, le journal intime de sa douleur mais aussi le combat d'un père à la fois tendre et bouleversant, qui accompagne les quatres dernières années de la vie de Clémence, sa fille, victime d'un cancer lié aux conséquences dramatiques de la catastrophe de Tchernobyl d'avril 1986. Alain est doublement victime de cette catastrophe car non seulement la cruauté humaine lui a arraché Clémence, cette jeune et innocente fille, mais il a été lui-même atteint d'un cancer thyroïdien. Durant ces quatres années, cette famille s'est engagée dans un terrible combat afin d'essayer à tout prix que Clémence s'en sorte. Ce témoignage nous ouvre les yeux sur les terribles conséquences du nuage radioactif qui s'était arrêté aux frontières de notre pays selon les responsables de l'État au moment des faits (Président : François Mitterrand; Premier ministre : Jacques Chirac; ministre des Affaires sociales et de l’Emploi : Philippe Seguin; ministre de l’Industrie : Alain Madelin). Une version totalement fantasque et pourtant honteusement confirmée par la Cour d'Appel de Paris qui s'est finalement prononcée sur un non-lieu général au terme du procès Pellerin qui aura duré 25 ans !
Mon journal comporte 418 pages et commence au début du mois de janvier 1988, le jour même de l'annonce de la maladie de Clémence.
Pour commander un des
derniers exemplaires avant une future réédition vous pouvez contacter directement Alain Le Pourhiet par mail en cliquant ici. |
Michèle Rivasi, députée européenne EELV, conteste l’aboutissement de cette longue enquête et s’indigne de la décision prise par la Cour d’Appel de Paris.
Fondatrice de la Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité (CRRIIRAD, créée en 1986 au lendemain de Tchernobyl), elle avait déjà gagné différents procès contre le
professeur Pellerin qui l’accusait de diffamation. La CRIIRAD avait effectué de nombreux relevés d’échantillons révélant une contamination radioactive avérée des aliments consommés par la
population française, et ce afin de dénoncer le mensonge d’Etat entourant le nuage radioactif de Tchernobyl.
« Ce non-lieu est un non-sens : la justice a eu les moyens – preuves à l’appui –
de démontrer la tromperie aggravée du professeur Pellerin, qui a mené à la consommation d’aliments dont les niveaux de contamination dépassaient les normes fixées par l’UE. J’invite
l’Association des victimes de la thyroïde à se pourvoir en cassation afin de poursuivre leur quête de justice et de vérité. Nous irons jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme
s’il le faut.
Un rapport d’experts, commandé par la juge Bertella-Geoffroy et cosigné par les professeurs
Pierre-Marie Bras et Gilbert Mouthon, est parvenu à démontrer le lien de cause à effet entre le nuage radioactif et l’augmentation des troubles thyroïdiens. Cette étude a pu s’effectuer
grâce au travail réalisé par le premier endocrinologue installé en Corse et a permis de comparer les troubles avant et après le 24 avril 1986: elle a démontré une hausse de 44 à 100% des
troubles thyroïdiens après le passage du nuage radioactif. Si l’Etat avait informé la population des conséquences du nuage radioactif, ces troubles auraient pu être évités par la non-consommation d’aliments contaminés. C’est donc une véritable double-peine pour les victimes et un déni de démocratie résultant d’une volonté politique inhumaine: jusqu’à quand le nucléaire civil bénéficiera d’une telle impunité ? C’est exactement la même situation qu’au Japon actuellement : la population vit dans la désinformation et continue à consommer des aliments contaminés. L’Histoire se répète mais aucune leçon n’est tirée : l’Homme doit rester au centre de l’action politique, il serait temps que nos élites s’en préoccupent à nouveau. »
Michèle RIVASI, députée européenne EELV
On invite tout le monde |
N'allez pas vous imaginer que je tente de faire de la propagande écolo ou pire encore, comme faire de la récupération en exploitant la souffrance des victimes de Tchernobyl.
Ceux qui me connaissent savent bien que j'ai toujours pensé que l'écologie ne doit pas être un parti politique, car en admettant cela, c'est dédouaner les autres familles politiques de leurs
responsabilités. Selon moi, l'écologie est un devoir essentiel et vital pour chaque citoyen de cette planète.
Cependant nous avons tous un rôle important à jouer pendant cette période pré-électorale qui est un des rares moments où tout
ce que nous pouvons revendiquer a plus de poids. Dénoncer les mensonges de l'État qui couvre les méfaits des lobbies du nucléaire, manifester et combattre le nucléaire est un devoir que nous
devons mener en mémoire de Clémence et de toutes les autres victimes de la radioactivité. Qui sait, combien de proches autour de vous, sinon vous-mêmes, sont déjà atteints par de nombreux cancers
?
photo © Alain Le Pourhiet
Refermons cette parenthèse écologique et revenons sur la leçon de vie que nous a transmis Alain Le Pourhiet au travers de son émouvant journal intime Cueille
la Nuit.
De par sa fonction professionnelle, Alain Le Pourhiet (ingénieur à l'ONERA) auteur aussi d'un essai scientifique intitulé Résolution numérique des équations aux dérivées partielles - une première approche, a eût accès à certaines informations cachées à la population qui démontrent entre autre, la multiplication brutale par 10 ou 100 de certains types de cancer.
Tchernobyl et Fukushima
Le plan français de sécurité relatif aux accidents nucléaires, qui sera appliqué prochainement après l'accident de Fukushima, est un produit politicien qui a déjà été mis à l’épreuve avec succès lors de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Il avait consisté alors à interdire autoritairement au nuage radioactif de pénétrer au-dessus de notre territoire national. Qu’aurait pu faire un simple nuage, fût-il intelligent et délétère, face à un ordre aussi radical ? Rien. Obéissantes et craintives de nos frontières hostiles, les particules radioactives sont donc passées en Suisse et en Italie, elles ont ensuite docilement contourné la Corse, puis elles sont allées achever on ne sait où leur course meurtrière.
Juste un problème pour moi et ma famille qui avions résidé (en France) là où il ne fallait pas résider en ce mauvais moment. Ma fille Clémence, âgée de 12 ans au début de sa maladie en décembre 1987, est morte en 1992 d’un rhabdomyosarcome (cancer des muscles) après quatre années d’un martyre effroyable que j'ai décrit dans mon livre Cueille la Nuit. Moi-même, âgé alors de 48 ans et en parfaite santé avant cela, c’est par miracle que j’ai survécu en 1993 à un grave et rarissime cancer thyroïdien dont la soudaine prolifération dans notre pays n’avait de cause possible (et admise ensuite) que le survol soi-disant inobservé du même méchant et fugace nuage.
En raison certainement de ma profession scientifique (quoique non médicale), les médecins qui nous soignèrent, ma fille puis moi-même, m’ont toujours instruit de la réalité de notre mal ; grâce à eux j’ai eu accès aux revues médicales qui décrivaient les causes probables des deux maladies apparues chez nous comme en cascade. J’ai observé les discontinuités des statistiques illustrant les conséquences de l'accident de Tchernobyl quelques années après l'explosion ; sur des courbes savantes, de véritables murs verticaux y traduisaient de manière hallucinante la multiplication brutale par 10 ou 100 de certains types de cancer ! Les analyses mathématiques prouvent et expliquent sans équivoque les relations causales entre l'accident et les maladies probables observées aussitôt après ; et aucun scientifique sérieux, à moins qu'il ne soit aussi un personnage politique, n'oserait nier l'évidence de cette corrélation. On sait la croissance toujours actuelle des cancers d'enfants et celle des maladies thyroïdiennes en général, mais on évite encore de nous renseigner sur leur cause, sur leur prolifération inquiétante, et en particulier sur ce qui arrivera dans 10 ou 20 ans aux femmes des régions de Provence et de Corse qui étaient des jeunes filles en 1986.
Tchernobyl, donc. Tout cela est consigné dans des rapports auxquels le commun du peuple n’a pas accès, écrits aussi en un jargon que seuls les spécialistes peuvent comprendre. Top secret !
Après les conséquences prochaines et inéluctables, en France comme partout, des accidents japonais, je ne doute pas que les autorités de notre pays ne continuent de nous mentir et d'entretenir notre optimisme. Mais c’est pour notre bien qu’elles le feront, car le bonheur du peuple réside d’abord dans l’ignorance des causes de son possible malheur, cela s’apprend dans les grandes écoles. Faisons donc confiance aux politiciens qui savent, ceux-là qui nous rassurent bien plus qu'ils ne se moquent (aussi) de nous.
Alain Le Pourhiet Blog du Figaro 16 mars et 8 septembre 2011 |
Un père écrit
Toulouse, 1987. Portrait de famille. Ingénieur, il enseigne à Sup-Aéro. Elle est professeur au lycée. Les filles, Émilie et Clémence, ont 14 et 12 ans. Leurs études marchent bien, elles aiment aussi les voyages, les vacances en Bretagne et les bandes d'amis. Elles grandissent, elles changent.
Une tumeur, apparue une nuit au bras de Clémence, va inciter Alain Le Pourhiet à tenir le journal qu'il publie aujourd'hui. L'issue en est, le 8 mars 1992, la mort de Clémence, chez elle. Quand, quelques semaines plus tard, son père décide de mettre un terme à son journal, il a l'impression de quitter sa fille une deuxième fois. Mais il sait aussi que ces pages ne reflètent pas seulement cinq ans de sa vie : elles représentent toute sa vie puisque "mon existence désormais n'aura plus de sens qu'à partir de là".
Cueille la nuit est un livre important, dont les qualités littéraires étonnent, naïvement sans doute, sous la plume d'un scientifique. Il explore les ressources de l'être humain devant une tâche à laquelle nul ne devrait jamais être attelé : sauver son entant quand, selon toute vraisemblance, il est perdu. Et pourtant, on le découvre avec l'auteur jour après jour, tout reste à sauver.
L'amour, bien sûr. L'amour pour l'enfant — et les annotations là sont si charmantes qu'on cherche qui, dans la littérature, aura jamais si bien peint les grâces de l'adolescence — mais aussi l'amour conjugal, filial, amical, confraternel.
Au-delà, ou plutôt dans l'amour aussi, il y a le secours de la culture. Ce qui vous a toujours nourri, chiner dans les brocantes, écouter de la musique, lire, continue d'opérer en vous, mais dans l'urgence. Un destin exceptionnel génère des réponses exceptionnelles.
La recherche de l'éternité, enfin. Elle s'installe en écho à une vie dont la brièveté condamne les proches à chercher d'autres dimensions. Et, grâce au livre, les lecteurs, qui ne peuvent qu'en être reconnaissants. |
photo © Alain Le Pourhiet
Toutes les photographies figurant ci-dessus sont la propriété d'Alain Le Pourhiet qui nous révèle aussi ses talents de photographe.
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Article réalisé avec l'aimable autorisation d'Alain Le Pourhiet et avec tous mes respects pour ce grand homme.
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