Le "contre-la-montre" de Copé
Préambule :
Difficile de trouver meilleure introduction pour ce délicat sujet de l'évasion fiscale en France. A l'heure qu'il est vous faites peut-être partie des retardataires qui sont en train de remplir leurs déclarations d'impôts, cherchant vainement une miraculeuse case à cocher qui permettrait d'éviter de vous faire saigner encore un peu plus.
Inutile de chercher ! Il est impossible d'échapper aux ordinateurs inquisiteurs du fisc à moins que vous soyez très riches, puissants et encore mieux, célèbres.
En tant que simples salariés, retraités ou chômeurs vous n'aurez aucune chance de passer au travers des mailles du filet.
Ce sujet m'a été grandement inspiré en regardant l'excellent documentaire diffusé dans l'émission Spécial investigation (Canal +) dimanche dernier, réalisé par Stéphane Malterre et Nicolas Bourgouin, intitulé Riches et célèbres : comment échapper au fisc.
J'ai décidé de vous en faire profiter en le déclinant en deux parties. La première étant consacrée à l'obscur ami de Jean-François Copé, Ziad Takieddine, ce millionnaire libanais qui ne payait pas d'impôts mais qui vient d'être rattrappé par le fisc et la justice. La seconde partie vous expliquera en détail les rouages machiavéliques des vautours de la finance qui s'abreuvent des fortunes de notre pays en soustrayant leurs clients à la loi française.
Ziad Takieddine, l'ami encombrant
de Jean-François Copé
C'est encore une fois le site d'information Mediapart qui est à l'origine de cette affaire de "dissimulation de patrimoine" en publiant l'année dernière le résultat d'une partie de leurs investigations ménées sur l'affaire Karachi et qui les avait conduit tout droit à Ziad Takieddine (pour plus de détails lire : "Karachigate : l'affaire à 350 millions d'euros qui plombe Sarkozy").
Une information judiciaire a été ouverte en avril pour démarchage illicite et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée. Pour les besoins de l’enquête, Stéphane Malterre et Nicolas Bourgouin se sont donc intéressés à leur tour à la dissimulation du patrimoine de l'homme d'affaires franco-libanais. Un délit qui pourrait valoir à Ziad Takieddine un redressement sur dix ans, une amende d’un million d’euros et une peine de sept ans de prison. Dénoncé par son ex-femme Nicola Johnson, à qui il refusait de verser une pension alimentaire, l’homme d’affaires franco-libanais l’affirme lui-même : « Même mes ennemis, je leur souhaite de ne pas avoir un divorce aussi horrible et difficile ».
La vérité est pourtant là, Takieddine a beau être à la tête d’un patrimoine évalué à 100 millions d’euros (collection de voitures de luxe, résidence au cap d’Antibes, yacht, maison à Londres, château au Liban…), il ne paierait pas d’impôts !
Pire, l’intermédiaire en armement se louerait à lui-même son hôtel particulier de 600 mètres carrés au Trocadéro, via une société civile immobilière. Histoire de minorer d’autant ses déclarations au fisc. Grâce au système dit des poupées russes, impossible de remonter jusqu’à lui. Au mieux, la piste mène-t-elle jusqu’à une société basée au Panamá, qui préserve l’anonymat de son propriétaire grâce à ce qu’on appelle des actions au porteur (donc non nominatives).
Alors, tous égaux devant l’impôt ?
Rien de moins sûr, surtout quand, comme Ziad Takieddine, on est protégé par un ami bienveillant, un certain Jean-François Copé, un temps ministre délégué au Budget.
Voici ce qu'il en coûte aux journalistes un peu trop curieux sur les affaires de cette éminence grise du pouvoir lorsqu'ils le questionnent au sujet des nombreux documents compromettants que son ex-femme a transmis à la justice et qui constituent autant d'éléments à charge...
A ne pas manquer !
Jean-François Copé au cœur d'une
enquête sur une étrange faveur fiscale
Nicola Johnson |
Parmi les nombreux documents que Nicola Johnson, l'ex-épouse de Ziad Takieddine, a découvert dans son domicile londonnien, se trouvait aussi le dossier fiscal d'un autre riche homme d'affaire franco-libanais lié à une affaire qui porte sur l'effacement des deux tiers de la dette de Gérad Achcar (le monsieur "Y" dans la vidéo ci-dessous). L'intervention de Ziad Takieddine auprès de Jean-François Copé aurait permis à Gérard Achcar de bénéficier d'une étrange ristourne de 4 millions d'euros sur les 6,2 millions que le fisc lui réclamait !
Le 9 décembre dernier, Nicola Johnson a été priée de livrer son explication sur ces documents : « Je me rappelle qu'une fois Nicolas Bazire est venu voir Ziad Takieddine pour que Ziad l'aide par rapport à Gérard Achcar. Ziad a accepté d'aider monsieur Achcar, à la demande de Nicolas Bazire. Ziad a ensuite contacté Jean-François Copé qui était ministre du budget à ce moment-là ». (pour plus de détails lire : "Le généreux Copé accorde une ristourne fiscale de 4 millions d'euros à un "contribuable")
Jean-François Copé :
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Etre riche à millions et ne pas payer un centime d'impôts, ou presque, c'est possible grâce à l'UMP de Jean-François Copé !
Chaque année, entre 30 et 50 milliards d’euros échapperaient encore à l’Etat. Un chiffre pas tellement surprenant, surtout dans un pays où se soustraire à l’impôt relève presque du sport national pour tous ceux qui en ont les moyens. |
A défaut d’être tous concernés, c’est l’occasion de comprendre enfin la différence entre l’exil et l’évasion fiscale ou ce qu’est une SCI. En 2009, Sarközy déclarait qu’“à Londres, la France s’était battue pour que les paradis fiscaux, le secret bancaire, la fraude organisée, ça soit terminé”, pourtant il existe bien des astuces pour se soustraire à l'impôt, dans certains cas, il s'agit de fraudes.
Première combine, a priori la plus simple : placer son argent dans des paradis fiscaux (il en existe une quarantaine) comme Panamá, les îles Caïmans, les îles Vierges britanniques, les Seychelles, le Luxembourg ou Singapour. A voir Isabelle, qui interpète une candidate à l’évasion fiscale dans ce documentaire, il suffit de contacter des conseillers via un des nombreux sites internet qui proposent leurs services en la matière, de les rencontrer (de préférence, pas sur le territoire) puis de créer une société off shore et une autre qui fait office de paravent, chaque fois avec un prête-nom. Filmé en caméra cachée, le conseiller explique ensuite que, pour rapatrier l’argent, sa “cliente” doit seulement ouvrir un compte dans un pays protégé par le secret bancaire et effectuer des retraits sur ce compte à l’aide d’une carte de crédit sans nom. La prestation est facturée 5 000 euros. Mais c’est peu au regard des quelque 80 000 euros d’impôts économisés par une entreprise qui réaliserait 250 000 euros de bénéfices !
Sans compter que, de l’aveu même d’un fiscaliste, il est rare d’être pris la main dans le sac.
Johnny Hallyday, Charles Aznavour, Alain Delon, Amélie Mauresmo ou Emmanuelle Béart ont, eux, préféré s’exiler fiscalement en Belgique ou en Suisse, un procédé tout à fait légal, à condition de vivre six mois par an sur place. Pourtant, ce n’est pas toujours le cas. L’ancien roi du textile Maurice Bidermann est ainsi soupçonné de ne pas résider au Maroc mais dans le 7e arrondissement de Paris. Or l’octogénaire est membre du Premier Cercle, le club des donateurs les plus généreux de l’UMP. D’où l’embarras de Bercy dans ce dossier. Détenir un compte secret en Suisse est une autre manière de se jouer de l’administration fiscale. Si cette technique est largement médiatisée depuis l’affaire Bettencourt, les agissements de banquiers suisses venus démarcher politiques, people, sportifs ou industriels français le sont moins. Selon d’anciens cadres d’UBS, qui témoignent à visage caché, la banque helvète aurait à elle seule permis la fuite de 70 à 100 millions d’euros par an ces dernières années.
Retrouvez ci-dessous l'intégralité de cette enquête réalisée par Stéphane Malterre et Nicolas Bourgouin...
comment échapper au fisc
Source : Spécial investigation - Canal+