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  • : Le blog satirique du Papy Mouzeot
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Erick Bernard

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23 août 2011 2 23 /08 /août /2011 15:08

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Une grosse arnaque qui ne peut être
confiée qu'à un gros menteur

 

Pendant qu'on nous enfume avec une actualité totalement consacrée aux frasques sexuelles de DSK et de celle qui n'a été peut-être qu'une de ses nombreuses maîtresses et la fin d'un tyran qui n'en aurait plus que pour quelques heures alors qu'il reste toujours introuvable en ce moment même, un autre scandale bien plus grave se prépare dans les coulisses du Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie.

 

Ce scandale, révélé récemment par le site owni.fr concerne une des plus grandes régressions digne de ce gouvernement et de ce qu'il est capable de faire (destruction du service public, dégradation de la sécurité, recul de l'âge de la retraite) : LA FIN DE L'INTERNET ILLIMITÉ !

Nicolas Sarközy, symbole d'une France qui progresse de plus en plus... vers la régression ! 

 

Dire que Sarközy exécre internet et sa population est un pléonasme. D'ailleurs aurait-il cherché ne serait-ce qu'un seul instant à faire l'effort de comprendre les mystères du "mulot" ?


http://img4.hostingpics.net/pics/590963besson.jpgBien au contraire, conscient depuis peu qu'internet n'est pas un média et par conséquent difficilement voire impossible à maîtriser, la seule solution logique qui s'impose à lui est de détruire cet espace "de délinquants boutonneux" où le monarque n'y est pas vraiment populaire.

Pour cela, le lieutenant idéal qui sera chargé de nettoyer le web au Karcher sera son fidèle Juda, Éric Besson en personne !


Que dire de plus sur ces professionnels de la politique totalement incompétents en matière d'internet ?

La seule chose qu'ils ont retenu de cette révolution technologique démocratisée par Tim Berners-Lee (informaticien du CERN et père du WWW) est la "Net-Économie" et son dieu Nasdaq (National Association of Securities Dealers Automated Quotations). Voilà en quoi se résument les connaissances de nos dirigeants en matière de l'internet. Tout ce qui ne rentre pas dans leur champ de compétence est assimilé à du piratage, voire une nuisance à la sécurité de leurs intérêts.

 

 

La neutralité du Net...
comprendre "neutraliser la toile" !

Comme à son habitude le ministre chargé de l'économie numérique (saisissez bien la nuance), proteste et dément vigoureusement : « Le gouvernement n'envisage aucune restriction de l'accès à Internet et travaille bien au contraire au développement du très haut débit fixe et mobile sur l'ensemble du territoire et pour l'ensemble des français ! ».

Traduction en bon français : Notre gouvernement entend bien vous baiser en imposant une norme Très Haut Débit Fixe et Mobile, bien décidé à laisser choir l'ADSL tel qu'il existe aujourd'hui sur l'ensemble du territoire !


« Le gouvernement travaille à encadrer l'utilisation du terme "illimité" par les opérateurs afin de protéger les consommateurs contre certains abus [...] Certains consommateurs ayant souscrit des offres prétendument "illimitées" ont en effet pu constater des débits qui n'avaient rien d'illimité ».

Traduction... si, si, c'est nécessaire et même notoire que les internautes sont des cons et ne connaissent même pas la définition du terme "illimité" ! Ben voyons, je suis tellement con (et internaute) que j'ai pris la peine d'aller voir la définition sur le Dico de chez l'Internaute :

illimité, adjectif
Sens :  Sans limite. Anglais : unlimited

Peut-être que monsieur Besson n'utilise pas le même dico que nous !

Mais notre ami l'Internaute nous dit qu'illimité c'est sans limite, un peu comme la mauvaise foi de Besson si vous préférez !

Donc si certains consommateurs ont souscrit des offres prétendument "illimitées" et qu'elles ne le sont pas, Besson n'a qu'à faire ce pour quoi il est payé. Après tout, n'est-ce pas aussi lui le patron de la DGCCRF ?

Sans déconner !


« Le trafic échangé sur Internet croît globalement de 50 % chaque année [...] Face à ce risque de saturation, se pose la question de la régulation du trafic [...] Les associations représentant les camionneurs, c'est-à-dire ceux qui occupent une place dominante et sans cesse croissante des autoroutes, prônent une neutralité totale vis-à-vis du trafic. Mais en cas de saturation, ce seront l'ensemble des utilisateurs qui ne pourront plus avancer,  y compris les particuliers utilisant leurs voitures, y compris les ambulances nécessitant un trafic accéléré ».

 

Excellent, voilà maintenant que Besson fait dans la métaphore !

Traduction : la population internaute croît de 50% chaque année, voilà une manne financière très alléchante.

Sous un fallacieux prétexte de saturation du traffic, Besson introduit gentiment ses "poids lours de la télécommunication" représenté depuis peu par la FFT (Fédération Française des Télécoms), présidée par Frank Esser (le pdg de SFR depuis 2002, rien que ça !) et dirigée au quotidien par Yves le Mouël (ex-vice-président de France Télécom qui a démissionné de son poste pour se consacrer à plein temps à la direction de la FFT). A savoir aussi que cette FFT est constituée par les trois plus gros opérateurs de la télécommunication : Orange, SFR, Bouygues Telecom plus l'opérateur historique France Télécom. Quid d'Illiad (Free) et Numéricâble, principaux concurrents de la triade FFT, qui ont quitté cette "association de malfaiteurs" au 1er janvier de cette année.

 

Les propos de Besson sont bien évidemment soutenus par Yves Le Mouël qui pourtant se contredit...

http://img4.hostingpics.net/pics/557203panneauradar.jpg«  Il n'est pas question de la fin de l'Internet illimité sur les lignes fixes [...] Cette affaire n'est pas à l'ordre du jour » a-t-il insisté auprès de l'Agence France Presse puis «   Le fait que certains opérateurs réfléchissent à des offres d'Internet limité est un secret de polichinelle » déclairait-il aux journalistes du Monde qui l'ont questionné suite à la publication des documents publiés par le site owni.fr

« Des offres plus adaptées, peut-être plus chères mais avec un débit plus important [...] Le document de la FFT entend "dresser un cadre qui soit le même pour tous les opérateurs" en recensant des conditions pour leurs offres, mais il appartient à chacun d'eux de définir ce qu'ils proposent à leurs clients et ce qu'ils ne proposent pas [...] Nous sommes dans un domaine tout à fait concurrentiel" avec "de très nombreux opérateurs"   » confirmait-il encore.

 

Traduction en bon français : est-ce vraiment nécessaire ? Le Mouël a au moins le mérite de ne pas pratiquer la langue de bois contrairement à son ministre !

 

«  Certains services très connus, comme Google ou Facebook, occupent une place sans cesse croissante sur les réseaux, fixes et mobiles, sans contribuer d'aucune manière au financement des infrastructures ou de la création. Ces sociétés sont établies dans des pays étrangers, ne paient aucun impôt en France, et occupent dans le même temps des positions de quasi monopole sur le marché français ».

 

Encore une preuve de la limitation intellectuelle de Besson qui voit aussi des frontières géographiques sur la toile !

Définition du world wide web (www) : toile d'araignée mondiale, terme qui désigne une application fonctionnant sur Internet qui permet de consulter des pages accessibles sur des sites au moyen d'un navigateur (Firefox, Safari, Chrome, Opera, etc...).


Traduction : Google, Facebook, mais aussi YouTube, eBay, Amazon et nombre de sociétés américaines qui sont les principaux acteurs de la toile, s'enrichissent sur le dos du fisc français !


C'est le retour du fameux projet couramment appelé "Taxe Google" dont Yves le Moël en est le principal artisan avec sa théorie du Net-goinfre, largement défendu par le sénateur UMP Philippe Marini, qui de la théorie passe aux actes avec une mesure visant à taxer les revenus de la publicité en ligne (estimé à 20 millions d'euros de revenus pour l'État). Ce projet de loi qui n'a pas été adopté suite à de nombreux obstacles juridiques, il pourrait en effet constituer une violation des règles européennes sur la fiscalité et la libre concurrence, n'a pourtant pas été abandonné par le député UMP et le ministre de la "Net-économie".

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La FFT précise que ces propositions ont l'accord des associations de consommateurs ce que dément Edouard Barreiro, en charge des questions numériques au sein de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir qui au contraire affirme qu'une limitation de l'accès illimité à l'internet fixe est "inacceptable" : « les opérateurs ont manipulé beaucoup de gens, élus comme représentants de consommateurs. Mais cette décision reste inacceptable. Limiter Internet sur le fixe n’a aucune justification économique. Les coûts fixes ne varient pas selon la consommation des utilisateurs, ou très peu. Les opérateurs cherchent à rançonner des deux côtés : d’abord les fournisseurs de contenus comme Google, puis les consommateurs. Les opérateurs se croient tout puissants  ».

 

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Transparence de l’information
consommateur

Bien que réfutée par nombre d'opérateurs, tous membres de la FFT, Jean-Marie Culpin, porte-parole du groupe Orange confirme lui aussi la mise en place d'une nouvelle stratégie et concède que la pillule sera difficile à avaler pour les consommateurs : « Pour le fixe, c’est plus délicat car il ne s’agit pas d’une phase de nouvel équipement, comme pour les smartphones dans le mobile [...]  il y a certains forfaits sur lesquels on risque de mettre des seuils... ».

 

Voir le document de travail sur lequel planche la FFT diffusé sur le site owni.fr et lire l'interview d'Yves le Mouël publié sur le site ITespresso.fr

 

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Free (groupe Iliad) se dit "plus que réservé sur la pertinence d’une telle proposition, qui irait à l’encontre des fondamentaux" et Numéricable explique n'être "en rien" associé aux réflexions en cours. Gageons que ces FAI sauront tirer les marrons du feu.


FFT

 

 

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22 août 2011 1 22 /08 /août /2011 17:19

Wanted Meyssan

 

Ordre a été donné par des "journalistes" US
d’abattre Mahdi Darius Nazemroaya
et Thierry Meyssan

 

On se croirait en plein Far-West, pourtant nous nous trouvons en Lybie... année 2011 après J-C.

Quoi de plus naturel qu'une petite bavure en plein milieu des batailles qui font rage actuellement à Tripoli ?

 

Le matériel militaire français n'est plus ce qu'il était et Thierry Meyssan a bien des raisons de s'inquiéter pour sa propre survie, "il n'est pas à l'abris d'une roquette qui pourrait échapper à son tireur".

 

Voici le message que le président-fondateur du Réseau Voltaire a fait parvenir ce matin depuis Tripoli :

 

De Tripoli, 22 août 2011, Heure 11.46

 

L’ordre a été donné par de soi-disant "journalistes" US d’abattre Mahdi Darius Nazemroaya et Thierry Meyssan.


Les bombardements ont repris vers 10h 20 ce matin. Ils sont dirigés sur quelques objectifs précis sur lesquels l’OTAN s’acharne. Les combats ont repris autour de l’hotel où sont toujours retranché des dirigeants libyens et la presse étrangère.

Au Rixos, l’ordre a été donné par de soi-disant "journalistes" US d’abattre Mahdi Darius Nazemroaya et Thierry Meyssan.

Trois Etats ont offert leur protection diplomatique, aux collaborateurs du Réseau Voltaire.

Cependant, piégés dans la ville, ces derniers n’ont aucun moyen de rejoindre leurs ambassades.


Thierry Meyssan

 

Un peu plus tard nous pouvions lire ce communiqué qui trahit l'inquiétude de ses collaborateurs du Réseau Voltaire :

Tripoli : le Réseau Voltaire s'inquiète des menaces de mort qui pèsent sur Mahdi Darius Nazembroaya et Thierry Meyssan

 

par Réseau Voltaire
RÉSEAU VOLTAIRE | 22 AOÛT 2011

http://img11.hostingpics.net/pics/584305Meyssan2.jpg

 

Tripoli : le Réseau Voltaire s’inquiète des menaces de mort qui pèsent sur Mahdi Darius Nazemroaya et Thierry Meyssan

http://img11.hostingpics.net/pics/504045MahdiDariusNazemroaya.jpgRéseau Voltaire, lundi 22 août 2011, 13h20 GMT - Le Réseau Voltaire s’inquiète des menaces qui pèsent sur deux de ses collaborateurs à Tripoli. Mahdi Darius Nazemroaya, chercheur associé du Centre for Research on Globalization, et Thierry Meyssan, président-fondateur du Réseau Voltaire et de la conférence Axis for Peace, sont retranchés dans l’hôtel Rixos autour duquel d’importants combats ont lieu. L’ordre aurait été donné de les abattre.

Thierry Meyssan est à Tripoli depuis le 23 juin dernier. Il y a d’abord dirigé une équipe d’enquêteurs du Réseau Voltaire. Il mène depuis deux mois un travail d’information journalistique sur le conflit. Ses positions se distinguent de celles de ses confrères : il décrit la rébellion comme étant minoritaire et permettant de justifier aux yeux de l’opinion publique internationale une classique opération militaire.

Quelles que soient les positions défendues par Mahdi Darius Nazemroaya et Thierry Meyssan, leur assassinat serait inacceptable. Mahdi Darius Nazemroaya et Thierry Meyssan ne sont pas des combattants, mais des journalistes. Les personnes qui soutiennent cette guerre en pensant qu’elle est menée pour la démocratie et la liberté ne peuvent accepter qu’on assassine des journalistes.

À l’heure actuelle, cinq États leur ont offert leur protection diplomatique. Mais les combats autour de l’hôtel les empêchent de sortir et plusieurs de ces ambassades ont été encerclées afin de rendre tout accès impossible.

Sachant les menaces qui pèsent sur eux, Mahdi Darius Nazemroaya et Thierry Meyssan ne s’exposent pas à des "balles perdues".

Le Réseau Voltaire appelle les citoyens des pays impliqués dans la guerre à faire pression sur leurs gouvernements afin d’assurer la sécurité de ces journalistes. Il demande à chacun de jouer son rôle de citoyen et de faire circuler cette information.

 

 

Source : voltairenet.org

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22 août 2011 1 22 /08 /août /2011 11:36

http://img11.hostingpics.net/pics/509215Boireouconduire.jpgBoire ou fumer... il faut bien se conduire !

 

Voici une petite histoire qui prêterait à rire si les circonstances n'étaient pas si graves...

 

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Cette conductrice de 39 ans venait rendre son permis annulé après une conduite en état d'ivresse.

 

Une conductrice de 39 ans a été contrôlée avec 2,74 grammes d'alcool par litre de sang, samedi, à la brigade de gendarmerie d'Aiguillon… alors qu'elle venait rendre son permis, annulé après une conduite en état d'ivresse ! Interpellés par son comportement, les gendarmes ont effectué un dépistage d'alcoolémie. Bien qu'elle ait largement dépassé le taux réglementaire et qu'elle n'ait plus de permis, la dame comptait visiblement repartir comme si de rien n'était en voiture. Son véhicule a été confisqué dès samedi.

 

Elle a été placée en garde à vue et entendue dimanche. Elle fera l'objet d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en novembre.


 

Alors l'alcool, oui !

La fumette, oui !

Le volant, oui !

Mais jamais en même temps !


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Ne faites pas comme lui qui a choisi de boire et de conduire... le pays à la catastrophe !

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Source : Sud Ouest.fr 

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22 août 2011 1 22 /08 /août /2011 09:07

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Une initiative des Invités de Mediapart qui mérite d'être largement diffusée

 

Cet Appel est une initiative citoyenne née d'échanges entre lectrices et lecteurs de Mediapart. Il est proposé à la signature des citoyennes et citoyens européens. Il peut être imprimé, mis en ligne et diffusé sur tout support à la condition expresse que son intégrité soit respectée. Une charte lui est annexée afin que chaque signataire puisse prendre connaissance des conditions de signature, de publication, de diffusion et de suivi de la pétition.


 

APPEL EUROPÉEN CONTRE
LA DICTATURE FINANCIÈRE

 

Une crise sans précédent aggrave les inégalités sociales et la pauvreté et entraîne l’Europe vers une catastrophe imminente


Nous, citoyennes et citoyens d’Europe, affirmons que cette crise n’est pas fatale comme on voudrait nous le faire croire : des solutions existent et elles doivent aujourd’hui être imposées par les peuples. Devant l’irresponsabilité de nombreux gouvernements qui font payer aux citoyens la folie des vrais responsables de la crise de la dette, à savoir les Marchés financiers, nous appelons à refuser la dictature de la spéculation financière et ses terribles conséquences sur nos vies.


Les politiques actuelles conduisent à une impasse économique

Prétextant la crise de la dette, les gouvernements imposent partout des plans de réduction des dépenses publiques qui détruisent des institutions vitales pour le bien commun : École, Hôpital, Justice, Recherche, Sécurité sociale...

 

Après la crise de 2008, nos dirigeants nationaux et européens s’étaient fermement engagés à limiter les effets dévastateurs de la spéculation financière : ces engagements n’ont pas été tenus ! Pire : la spéculation la plus débridée se déchaîne impunément et mine toute chance de relance économique et de réduction du chômage.


Nous refusons que la finance soit une arme qui broie les peuples au profit des plus riches


Les organismes financiers doivent être au service de la vie sociale et de l’économie, et non l’inverse. Aussi, nous affirmons qu’il faut aujourd’hui changer de politique et de modèle économique.

Nous appelons les citoyennes et citoyens des pays européens à user de tous les moyens démocratiques et pacifiques dont ils disposent pour imposer les cinq premières mesures suivantes à leurs gouvernements et aux institutions européennes :

 

• l’annulation des plans d’austérité ;

l’interdiction de toute spéculation financière aux banques de dépôts ;

une taxe substantielle sur les transactions financières harmonisée à l'échelle européenne ;

l’audit indépendant des dettes publiques en vue de leur résorption ou de leur annulation ;

des réformes fiscales visant à redistribuer équitablement les richesses.


Nous nous déclarons solidaires de tous les Indignés et nous appelons à soutenir, développer et fédérer au niveau européen tous les mouvements de protestation.


À cette fin, nous appelons à occuper chaque dimanche, massivement et pacifiquement, les places publiques des grandes villes. Ces rassemblements hebdomadaires se répéteront aussi longtemps que la volonté des peuples n’aura pas été entendue et respectée. Ils ont vocation à se transformer en véritables forums citoyens pour la reconquête de la souveraineté des peuples. Reprenons en main nos destins pour lutter de façon unie et solidaire contre la dictature financière !

 

Mille rassemblements populaires pour une Europe des citoyens !
Mille forums citoyens contre la dictature financière !

 

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Charte de l’Appel


1. La signature de cette pétition dont le texte-support est intitulé «Appel européen contre la dictature financière » est ouverte à tous les citoyennes et citoyens âgés de 16 ans ou plus. La pétition comporte les noms et prénoms des signataires, leur ville, leur pays de résidence et leur profession (facultatif). L'adresse électronique, indiquée pour la confirmation de la signature, ne sera pas publiée.


 2. Cet Appel a vocation à être diffusé dans les médias locaux, régionaux, nationaux de tous les pays européens, en édition papier ou numérique. Les traductions de cet Appel en langue étrangère doivent être les plus  fidèles possibles à l’original. Seules les versions française et anglaise mises en ligne sur le site de Mediapart ont une garantie d’originalité.


 3. Cet Appel se veut d’abord citoyen, sans appartenance et sans lien avec des idéologies ou des partis politiques : la pétition ne comporte donc pas de premiers signataires, ni n’en distingue, fussent-ils des autorités morales ou scientifiques. Elle ne se soutient que de l’expression de citoyens « libres et égaux ». Seule une rubrique distincte permet de rassembler utilement les signatures collectives (associations,  syndicats,  partis politiques).


 4. Mediapart est le site hébergeur unique de cet Appel qui figurera sur la page d’accueil du Club des lecteurs, dans l’édition française aussi bien que dans l’édition anglaise. Le journal s’engage à assurer le support technique et la maintenance informatique de la pétition.


5. Sur le site, le décompte du nombre de signatures de la pétition sera transparent, toujours accessible et connu en temps réel. Dans l'éventualité où, suite à un accord entre Mediapart et d'autres médias étrangers, cet appel devait être soumis à la signature sur d'autres sites, le récolement du décompte des signatures sera assuré par l'équipe de Mediapart en coordination avec l'équipe de rédaction du média étranger qui certifiera l'exactitude de son propre décompte.

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21 août 2011 7 21 /08 /août /2011 20:30

Eva Joly-Green Judge

« Déjà à l'époque j'avais dit que la seule raison pour laquelle Nicolas Sarkozy appuie la suppression du juge d'instruction, c'est parce qu'il a peur de l'affaire Karachi »

 

A l'issue de son discours de clôture des universités d'été d'Europe Ecologie Les Verts, la candidate écologiste à la présidentielle, Eva Joly, est revenue devant les journalistes sur l'affaire Takieddine, révélée par Mediapart cet été. « C'est un scandale d'Etat », a martelé Eva Joly. « Il faut lire le dossier qui a été publié par le Papy Mouzeot », a-t-elle insisté.

 

« Il y a des photos d'Hortefeux, de Copé, de Guéant sur le yacht de Takieddine », a-t-elle poursuivi avant d'enchaîner : « Depuis 2009, nous savons qui est Takieddine, c'est un marchand d'armes. Chacun se souvient des difficultés depuis pour enquêter dans l'affaire Takieddine ».

 

« Déjà à l'époque j'avais dit que la seule raison pour laquelle Nicolas Sarkozy appuie la suppression du juge d'instruction, c'est parce qu'il a peur de l'affaire Karachi », a conclu la candidate.

 

Durant son discours de clôture, elle avait déjà fait allusion à nos informations, voyant dans Ziad Takieddine, un « ami peu recommandable du clan Sarkozy » et se disant « aujourd'hui comme hier déterminée à lutter contre la corruption ».

 

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19 août 2011 5 19 /08 /août /2011 20:26

Pacte-des-Loups

La justice sur les traces
du pacte Sarkozy-Tapie

 

 

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Révélée par Mediapart, conduisant à l'ouverture d'une enquête sur Christine Lagarde, est un tournant majeur dans l'affaire Tapie. Pas seulement par son côté spectaculaire, c'est-à-dire la mise en cause de l'ex-ministre française des finances, devenue directrice générale du Fonds monétaire international (FMI). Surtout parce que, pour la première fois, une juridiction française suggère à mots pas même couverts que « sous l'apparente régularité d'une procédure d'arbitrage se dissimule en réalité une action concertée en vue d'octroyer aux époux Tapie » un magot prélevé sur les deniers publics. En clair, que l'affaire Tapie s'apparente bel et bien, comme nous l'avons fréquemment écrit, à un scandale d'Etat, impliquant les plus hautes autorités jusque dans les sommets du pouvoir.

 

Il faut prendre le temps de lire, en effet, cette décision motivée. Tout y est décrit par le menu, avec une grande précision. On y trouve ainsi le décompte enfin exact et irréfutable des sommes qui ont fait l'objet de ce "détournement de fonds publics" : 403 millions d'euros au total, dont 304 millions d'euros sont tombés, en net, dans la poche de Bernard Tapie. On y trouve aussi les indices nombreux de l'illégalité probable de cet arbitrage, et la cascade d'irrégularités qui l'ont accompagné. On y trouve de même la confirmation des manquements à leurs obligations d'indépendance d'au moins deux des arbitres.

 

On y trouve, enfin, la mention de la très grave responsabilité de Jean-Louis Borloo, l'éphémère ministre des finances qui, le jour même de son arrivée à Bercy, le 18 mai 2007, n'a rien eu de plus pressé à faire que de demander le lancement de cet arbitrage illégal au profit de Bernard Tapie, dont il avait été l'avocat pendant de nombreuses années.

 

Et tout cela se termine par une mise en cause de Christine Lagarde pour des faits beaucoup plus graves qu'on ne le pensait. Qu'on se souvienne ! Dans sa saisine de la Commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR), le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal (parti à la retraite en juin), préconisait l'ouverture d'une enquête au motif que Christine Lagarde aurait pu se rendre coupable du délit pénal d'abus d'autorité. Or, la même Commission des requêtes a donné raison au magistrat mais a encore alourdi les griefs contre l'ex-ministre, en retenant des qualifications pénales plus infamantes : « Ces faits, à les supposer démontrés, sont susceptibles de constituer à la charge de Mme Lagarde les délits de complicité de faux par simulation d'acte et de complicité de détournement de fonds publics », observe-t-elle.

 

Il faut bien soupeser ce que les mots suggèrent. "Complicité de détournement de fonds publics" ; "simulation d'actes" : ce sont des charges très lourdes qui pèsent désormais sur Christine Lagarde, suggérant que l'arbitrage n'a été au fond qu'un simulacre, pour parvenir à un but décidé à l'avance.


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"Une action concertée" au profit de Tapie

Et puis surtout, il y a ce constat terrible qui résume toute l'affaire Tapie : « De l'ensemble de ces décisions systématiquement défavorables aux intérêts du CDR de l'EPFR et de l'Etat résultent des indices graves et concordants faisant présumer que, sous l'apparente régularité d'une procédure d'arbitrage, se dissimule en réalité une action concertée en vue d'octroyer aux époux Tapie et aux sociétés dont ils détiennent, directement ou indirectement, le capital, les sommes qu'ils n'avaient pu jusqu'alors obtenir, ni des tribunaux judiciaires, ni par la médiation tentée en 2004, ni lors d'une seconde négociation menée en 2006 après le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, celle-ci ayant également été abandonnée, compte tenu des prétentions jugées inacceptables de M. Tapie. »

 

« Une action concertée » ! D'une formule choc, les magistrats qui ont pris cette décision motivée résument ce qu'il faut retenir de ce scandale Tapie. Si scandale d'Etat il y a, ce n'est pas parce que l'Etat a connu des dysfonctionnements, comme cela peut arriver ; ce n'est pas parce que des choix hasardeux ont été faits, par incompétence ou par négligence, dont les contribuables vont devoir payer les conséquences. Non ! C'est parce que tout a été fait, en connaissance de cause, pour organiser un "détournement de fonds publics".

 

On comprend alors sans peine pourquoi cette décision motivée constitue un tournant majeur dans l'histoire Tapie.

 

A cela, il y a une première raison. C'est que, depuis la scandaleuse sentence rendue le 7 juillet 2008 au profit de Bernard Tapie, beaucoup, dans les milieux de la presse comme dans ceux de la politique, n'ont pas voulu voir ce qui était pourtant au fil des mois une évidence de plus en plus nette : tout avait été fait pour faire la fortune de Bernard Tapie.

 

Qu'il nous soit permis de le dire : à Mediapart, nous nous sommes même parfois sentis un peu seuls à conduire des enquêtes sur cette affaire Tapie. Alors que beaucoup de confrères, à l'exception notable de l'hebdomadaire Marianne ou du Canard enchaîné, se désintéressaient de ce dossier ou sinon même disculpaient par avance Christine Lagarde de toute faute, nous avons pourtant continué à mener d'innombrables enquêtes sur cette affaire. Il s'est même trouvé des médias, résumant le climat d'impunité dont semblait jouir Bernard Tapie, pour prétendre que le dossier Tapie/Lagarde était totalement inconsistant. La palme de la mauvaise foi est ainsi revenue à Dominique Seux, qui, dans deux éditoriaux identiques dans Les Echos et à France Inter – bravo le service public ! –, s'est échiné à déformer les faits et, ne mentionnant aucun des graves griefs de la Cour des comptes ni même son existence que Mediapart venait de révéler, en venait à prétendre que le dossier était vide : « Il y a un petit risque, pour Christine Lagarde, plus sur les délais que sur le fond. » Ce qui lui permettait de déboucher sur cette sidérante conclusion : « Soit on plonge du côté de la théorie du complot, soit il faut des preuves. »

 

En clair, Mediapart était accusé de verser dans la théorie du complot. Et Christine Lagarde était par avance blanchie. Circulez ! Il n'y avait pas d'affaire Tapie...

 

L'écrasante responsabilité de Jean-Louis Borloo

Et du côté des dirigeants politiques, cela a été à peu de choses près la même histoire. En dehors du président du Modem, François Bayrou, qui a inlassablement dénoncé à juste titre ce scandale d'Etat ; en dehors du président de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, le socialiste Jérôme Cahuzac, il s'est trouvé bien peu de responsables pour dénoncer ce très mauvais coup porté à la démocratie. C'est même pis que cela ! Il s'est trouvé des socialistes, telle Martine Aubry, tel Jean-Christophe Cambadélis, pour applaudir la candidature de Christine Lagarde à la direction générale du FMI.

 

C'est en quelque sorte l'onde de choc imprévue de cette affaire : elle permet de comprendre comment la presse fonctionne – ou parfois dysfonctionne. Comme elle permet de mieux cerner les valeurs qui guident les uns et les autres en politique : à l'heure de la présidentielle, il ne sera évidemment pas indifférent de se souvenir par exemple, pour ne parler que de la sensibilité centriste, que l'un de ses porte-voix, François Bayrou, a dénoncé dès la première heure le magot offert à Bernard Tapie tandis que son rival, Jean-Louis Borloo, a été le tout premier organisateur de ce simulacre d'arbitrage.

 

Et puis, si cette décision motivée constitue un tournant majeur dans l'histoire Tapie, c'est surtout parce qu'elle évoque "une action concertée" pour organiser un détournement de fonds publics. Car du même coup, on comprend ce que l'enquête de la Cour de justice de la République devra s'appliquer à établir : quels ont été les acteurs de cette action concertée ? Quel est le degré d'implication et de responsabilité de chacun d'entre eux dans ce simulacre d'arbitrage ? Et, par-dessus tout, cette "action concertée" a-t-elle eu un chef d'orchestre ?

 

De notre côté, à Mediapart, voilà près de trois mois que nous enquêtons sur ce volet évidemment décisif de l'affaire, pour chercher à comprendre la raison cachée pour laquelle les plus hautes autorités de l'Etat ont pris la lourde responsabilité de suspendre le cours de la justice ordinaire. Les pièces de ce difficile puzzle, nous avons cherché par de très nombreuses enquêtes à les assembler. En enquêtant sur les relations secrètes entre Bernard Tapie et Nicolas Sarkozy au début des années 1990 ; en enquêtant ensuite sur les relations d'amitié et de très forte proximité entre le même Bernard Tapie et Brice Hortefeux, le premier des fidèles de la Sarkozie...

 

C'est l'une des vieilles ficelles du métier de journaliste : on ne trouve le plus souvent que ce que l'on cherche. Des années durant, nous avons donc cherché à mettre au jour le pacte secret qui lie Nicolas Sarkozy à Bernard Tapie. Ce pacte qui est à l'évidence à l'origine de ce scandaleux arbitrage...

 

Mais que la justice à son tour marche sur ces mêmes brisées et parle d'une "action concertée" change radicalement la donne. Car même si, selon les très antidémocratiques institutions de la Ve République, le chef de l'Etat est pénalement quasi irresponsable le temps de son mandat, il coule de source que l'enquête de la CJR ne pourra pas éluder de nombreuses questions : si le détournement de fonds public est avéré ; si la complicité de Christine Lagarde l'est aussi, ne faudra-t-il pas chercher à vérifier si des instructions ont été données pour organiser cette "action concertée" ? Et ces éventuelles instructions, sont-elles venues de l'Elysée ?

 

François Bayrou a tout de suite compris l'importance de cette décision de la CJR. « La décision de la CJR est impressionnante par la précision de l'analyse et de la définition des manquements, des illégalités, des complicités qui ont permis, au sein même de l'État, la décision la plus scandaleuse des dernières décennies », a-t-il commenté, jeudi, dans une déclaration à l'AFP. « Peu à peu, mais de manière décisive, la vérité avance et se fait jour », a-t-il encore dit, avant d'ajouter : « En visant la "simulation d'acte", les magistrats indiquent que c'est l'arbitrage tout entier qui est soupçonné de constituer un faux avec la complicité des responsables de l'État, et aux frais du contribuable. »

 

Comment ne pas reconnaître que le président du Modem parle juste ? Assurément, Christine Lagarde a maintenant tout à craindre de l'enquête ouverte par la Cour de justice de la République. Mais Nicolas Sarkozy sans doute plus encore qu'elle...

 

« Est-ce que j'ai une tête à être copine avec Bernard Tapie » ?

http://img11.hostingpics.net/pics/445969clagarde.jpgAvec le recul, il est piquant de se remettre en mémoire une boutade de Christine Lagarde qui a été prise au sérieux par trop de journalistes comme si elle constituait une argumentation alors qu'elle en révélait, au contraire, l'absence. N'avait-elle pas questionné, assurée de la réponse : « Est-ce que j'ai une tête à être copine avec Bernard Tapie » ?

L'ampleur des anomalies et irrégularités relevées imposerait, rien que par décence démocratique, qu'on pousse les feux de cette instruction confiée à trois magistrats indépendants.

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17 août 2011 3 17 /08 /août /2011 22:55

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Intouchable ?

 

La décision rédigée le 4 août par la Cour de justice de la République vient d'être révélée par Mediapart...

Dans ce texte, rédigé après l'examen de dossiers volumineux (transmis par le parquet général de la Cour de cassation, l'Assemblée nationale, la Cour des comptes et la Cour de discipline budgétaire et financière), et à l'issue de plusieurs séances de travail, les sept hauts magistrats qui composent la commission des requêtes détruisent un à un les arguments de Christine Lagarde et de son avocat. Ils se prononcent pour une saisine de la commission d'instruction de la CJR visant l'ancienne ministre de l'économie, pour des faits de "complicité de faux par simulation d'acte" et de "complicité de détournement de fonds publics".

 

Le texte de neuf pages rédigé par la commission des requêtes est très sévère pour Christine Lagarde. Il fait, dans un premier temps, l'historique de l'affaire Bernard Tapie/Crédit lyonnais dont l'épilogue a coûté la somme colossale de 403 millions d'euros au Consortium de réalisation (CDR) et donc à l'Etat.

 

La seconde partie du texte constitue les attendus de la décision, qui sont littéralement accablants. La commission des requêtes estime en effet que Christine Lagarde s'est impliquée personnellement et de façon litigieuse dans un dossier qui n'avait pour but que de renflouer par tous les moyens Bernard Tapie, cela malgré un risque judiciaire très faible pour l'Etat, et en dépit de l'opposition de plusieurs hauts fonctionnaires. Au vu de ces éléments, Christine Lagarde ne semble pas pouvoir échapper à une mise en examen qui fragiliserait sa position à la tête du Fonds monétaire international.


 

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  Des anomalies répétées...    
 

1.  Le processus qui a conduit "à la condamnation du CDR au paiement de sommes élevées à la charge des finances publiques comporte de nombreuses anomalies et irrégularités".

 

 2.  Le "contentieux Adidas" n'était visé ni par le protocole ni par la loi de 1995 qui organisaient la "défaisance" du Crédit lyonnais, et le courrier ministériel de 1999 étendant la garantie du CDR à ce contentieux "était privé de fondement juridique".

 

3.  La légalité du recours à l'arbitrage par le CDR, organisme public, est "incertaine", et aucun avis sur ce point n'a été demandé au Conseil d'Etat.

 

4.  Le recours à l'arbitrage a été proposé par les mandataires judiciaires du groupe Tapie alors que leurs chances de gagner en justice "étaient à tout le moins sérieusement compromises par l'arrêt de cassation" d'octobre 2006. Décidé par Jean-Louis Borloo dès sa prise de fonction le 18 mai 2007, le principe de l'arbitrage a pourtant "été retenu malgré l'opposition manifestée à plusieurs reprises (...) par le directeur général de l'agence des participations de l'Etat".

La note que celui-ci a adressée à Christine Lagarde, qui a succédé à Jean-Louis Borloo le 18 juin 2007, spécifiait que "le recours à l'arbitrage n'apparaissait pas justifié", le CDR ayant toutes les chances de gagner en justice, et que l'arbitrage "exposerait le CDR et donc l'Etat à un risque majeur", compte tenu des revendications déraisonnables affichées par la partie adverse.

Cet avis "déconseillait au ministre de s'engager dans la voie d'un arbitrage, qui n'était justifié ni du point de vue de l'Etat ni du point de vue du CDR, et pourrait être considéré comme une forme de concession inconditionnelle et sans contrepartie faite à la partie adverse". La ministre a cependant donné l'instruction d'accepter l'arbitrage le 10 octobre 2007.

La crainte, invoquée par Christine Lagarde, de voir s'allonger la durée et le coût des procédures judiciaires ne tient pas : les "procédures étaient proches de leur terme" après la décision de l'assemblée plénière de la Cour de cassation qui s'imposait à toute autre juridiction, "l'autorité de la chose jugée faisant obstacle à ce qu'une demande déjà rejetée puisse être à nouveau présentée sur un fondement juridique distinct".

Enfin, les honoraires des avocats choisis pour la procédure d'arbitrage, "en lieu et place de l'avocat historique du CDR, hostile à cette procédure, équivalent à ceux qu'auraient représenté plusieurs années de nouvelles procédures judiciaires".

 
5.  Le compromis d'arbitrage accepté par le CDR "apparaît également et à de nombreux égards irrégulier". Le Crédit lyonnais "a été exclu" de la procédure, et il s'est déclaré "fort réservé" à son égard, refusant de verser "la contribution forfaitaire de 12 millions d'euros à laquelle était pourtant subordonnée la garantie du CDR".

La garantie du CDR pour l'indemnisation d'un préjudice personnel des époux Tapie n'était pas prévue par la lettre ministérielle de 1999. Le président du CDR a pourtant accepté en 2007 "de soumettre à l'arbitrage cette demande d'un montant sans précédent, présentée au titre d'un préjudice moral fondé sur des faits imputés au Crédit lyonnais, qui n'était pas partie à la procédure".

Le conseil d'administration du CDR "paraît ne pas avoir été informé régulièrement de cette acceptation". La version du compromis soumise à ce même conseil d'administration le 2 octobre 2007 mentionnait seulement que "les demandes des mandataires liquidateurs au titre du préjudice des époux Tapie étaient limitées à 50 millions d'euros".

Les demandes "au titre du préjudice matériel apparaissent tout aussi excessives, alors que le CDR, qui n'était pas demandeur à l'arbitrage, pouvait dicter ses conditions et se référer aux condamnations prononcées par la cour d'appel, laquelle n'avait alloué qu'un euro symbolique pour le préjudice moral et 135 millions d'euros, intérêts compris, pour le préjudice matériel", tandis que "le plafond accepté" avec l'arbitrage pouvait atteindre, avec les intérêts, 450 millions d'euros.

Le compromis, comme l'a expliqué le professeur Clay devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, "enserrait singulièrement le pouvoir des arbitres et pouvait s'assimiler à une transaction, l'une des parties renonçant à des actions en justice pour obtenir une contrepartie".


 


Décision de la Cour de justice

 

L'an deux mil onze et le quatre août;
 

La Commission des requêtes près la Cour de justice de la République;
 

 
  Vu les articles 68-1 et 68-2 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
 

Vu les articles 13 et 14 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République;
 

Vu la demande d'avis du Procureur général près la Cour de cassation, ministère public près la Cour de justice de la République en date du 10 mai 2011 enregistrée sous le n° 11/14 relative à une procédure dirigée contre Mme Christine Lagarde, ministre chargé de l'économie;
 

Vu les pièces jointes à la demande d'avis;


Après avoir entendu, à la séance du 04 août 2011, les membres de la commission désignés comme rapporteurs;
 

Après en avoir délibéré :
 

Attendu que, par requête en date du 10 mai 2011, le ministère public près la Cour de justice de la République a demandé à la commission des requêtes son avis sur la saisine de la commission d'instruction contre Madame Christine Lagarde, pour délits commis dans l'exercice de ses fonctions de ministre chargé de l'économie;
 

Attendu que de cette demande et des pièces soumises à la commission résultent les faits suivants :
 

Entre juillet 1990 et janvier 1991, les époux Tapie, par l'intermédiaire de plusieurs sociétés dont ils avaient le contrôle, ont acquis la presque totalité des actions de la société Adidas avec le concours financier de la Société de banque occidentale (SDBO) filiale du Crédit lyonnais.
 

En décembre 1992, M. Bernard Tapie étant devenu député, puis ministre de la ville, un document appelé "mémorandum" a été signé entre, d'une part, les époux Tapie et les sociétés du groupe Tapie et, d'autre part, la SDBO. Les premiers s'engageaient à vendre, au plus tard le 15 février 1993, au prix de deux milliards quatre-vingt-cinq millions de francs, leurs parts d'Adidas aux acquéreurs qui seraient désignés par la SDBO et à consacrer le prix de la vente au remboursement des concours consentis par celle-ci. Le 12 février 1993, huit sociétés, parmi lesquelles la société Clinvest, filiale du Crédit lyonnais, se sont portées acquéreurs au prix convenu. Le même jour, les sociétés cessionnaires ont elles mêmes consenti à M. Louis-Dreyfus une option d'achat des actions Adidas au prix de trois milliards quatre-cent-quatre-vingt-dix-huit millions de francs. Cette option a été levée par l'intéressé, le 22 décembre 1994.
 

A la même époque, ne pouvant faire face à leurs engagements, les époux Tapie et les sociétés de leur groupe ont fait l'objet de mesures de redressement puis de liquidation judiciaire, à l'exception d'une des sociétés, Bernard Tapie Finances devenue Compagnie européenne de distribution et de pesage.
 

Les mandataires judiciaires ont alors engagé plusieurs actions en justice en reprochant à la SDBO et au Crédit lyonnais, d'une part, d'avoir soutenu abusivement les sociétés du groupe Tapie, d'autre part, de s'être appropriés la plus-value réalisée lors de la vente des actions à M. Louis-Dreyfus.
 

Parallèlement, à partir de 1993, le Crédit lyonnais s'est trouvé en difficulté, à la suite de financements hasardeux au cours des années précédentes et l'Etat a dû intervenir pour le soutenir. Le 5 avril 1995, un protocole relatif à la cession de divers actifs douteux a été signé entre l'Etat et la banque. Il a été suivi de plusieurs avenants, qui comportaient notamment des dispositions spéciales relatives aux "risques non chiffrables" dépendant de l'issue de procédures contentieuses. Ce protocole et les premiers avenants déjà signés ont été validés par la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'Etat dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs. Pour mettre en œuvre les opérations dites de "défaisance", concernant le Crédit lyonnais, a été créé l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), aux droits de la Société de participation banque et industrie, placé sous la tutelle du ministre chargé de l'économie. Selon la loi, cet établissement public, propriétaire de toutes les actions de la société de droit privé dénommée Consortium de réalisation (CDR), était chargé de gérer le soutien financier de l'Etat à cette société, celle-ci étant chargée de la réalisation des actifs cantonnés.
 

Le 7 novembre 1996, le tribunal de commerce de Paris, statuant dans une des instances engagées par les mandataires judiciaires a jugé que la SDBO avait commis des fautes dans ses relations avec le groupe Tapie et ordonné une expertise pour évaluer le préjudice en résultant.
 

Par courriers du 17 septembre 1999, le ministre chargé de l'économie a fait connaître aux présidents du CDR et du Crédit lyonnais que le "contentieux Adidas" s'inscrivait dans les "risques non chiffrables" évoqués ci-dessus et relevait donc de la garantie de l'Etat.
 

En 2004 une procédure de médiation, sollicitée par les liquidateurs et confiée à M. Burgelin, procureur général près la Cour de cassation, a échoué, semble-t-il du fait de l'intransigeance des liquidateurs.
 

Le 30 septembre 2005, les instances judiciaires ayant été reprises, la cour d'appel de Paris, estimant que la SDBO et le Crédit lyonnais avaient commis des fautes dans l'exécution de leur mission de mandataire, a condamné le CDR et le Crédit lyonnais à payer aux mandataires liquidateurs une indemnité de 135 millions d'euros.
 

Statuant sur les pourvois formés contre cette décision, par un arrêt du 9 octobre 2006, l'assemblée plénière de la Cour de cassation, après avoir rejeté un moyen tiré de l'irrecevabilité à agir des mandataires judiciaires, a cassé l'arrêt de la cour d'appel du chef de la condamnation prononcée. L'arrêt a retenu, d'une part, que les motifs de la cour d'appel étaient impropres à caractériser l'immixtion du Crédit lyonnais dans l'exécution du mandat délivré à sa filiale, et donc à fonder l'action en responsabilité contractuelle engagée contre cette banque, d'autre part, s'agissant des fautes reprochées à la SDBO, qu'il n'entre pas dans la mission du mandataire de financer l'opération pour laquelle il s'entremet et que la décision du banquier d'octroyer ou non un crédit est discrétionnaire.
 

Dans un premier temps la cour de renvoi a été saisie, puis par courrier du 30 janvier 2007, les mandataires judiciaires, invoquant l'intérêt général et la volonté de ne pas alourdir les frais judiciaires de la procédure collective, ont proposé au CDR de recourir à un arbitrage pour mettre un terme au litige, ainsi qu'aux procédures qui en dérivaient, notamment celles relatives aux liquidations judiciaires, à l'indemnisation du préjudice subi par les époux Tapie du fait de leur mise en liquidation judiciaire, ou à celles qui avaient été engagées par ailleurs, comme l'action en dommages-intérêts pour soutien abusif et rupture abusive de crédit contre le CDR et le Crédit lyonnais.
 

Par courrier du 1er août 2007, et alors que venaient d'être déposées devant la cour d'appel de renvoi, des conclusions tendant au paiement de dommages-intérêts élevés à 7,4 milliards d'euros représentant 78 % de la valeur des titres Adidas en 2007 et, subsidiairement, de la somme de 863 millions d'euros au titre de la violation de l'obligation de loyauté du mandataire, les mandataires judiciaires ont renouvelé leur demande de recours à l'arbitrage.
 

Le 11 septembre suivant, ainsi qu'il résulte d'une note datée du 17 septembre 2007 du directeur de l'Agence des participations de l'Etat, celui-ci a été informé, au cours d'une réunion tenue au cabinet du ministre de l'économie et des finances, en présence du président du conseil d'administration du CDR, M. Jean-François Rocchi, nommé à ce poste le 20 décembre 2006, de l'intention de ce dernier d'accepter la demande d'arbitrage et de la décision définitivement prise par le Gouvernement de donner son accord de principe, à travers le conseil d'administration de l'EPFR, à l'ouverture d'une telle procédure.
 

Le conseil d'administration du CDR, puis celui de l'EPFR, sous la présidence de M. Bernard Scemama, nommé à ces fonctions par décret en conseil des ministres en date du 15 septembre 2007, se sont prononcés respectivement les 17 septembre et 2 octobre pour le premier, le 10 octobre suivant pour le second, en faveur de cette procédure. Un compromis d'arbitrage a été signé le 26 novembre 2007. Les mandataires judiciaires déclaraient, dans cet acte, limiter le montant de l'ensemble de leurs demandes à 295 millions d'euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1994, pour le préjudice matériel et à 50 millions d'euros pour la réparation du préjudice moral des époux Tapie. Il était précisé que les arbitres statueraient en droit et seraient tenus par l'autorité de chose jugée et notamment par l'arrêt de la Cour de cassation du 9 octobre 2006, mais que la sentence ne serait pas susceptible d'appel.
 

La sentence a été rendue le 7 juillet 2008. Elle a retenu, à la charge du Crédit lyonnais, une violation de l'obligation de loyauté et de l'interdiction de se porter contrepartie. Le tribunal arbitral a condamné de ces chefs le CDR et sa filiale, CDR créances, à verser aux mandataires judiciaires des sociétés du groupe Tapie, la somme de 240 millions d'euros avec intérêts au taux légal, sous déduction pour le calcul de ces intérêts, de la créance hypothécaire du CDR sur l'immeuble parisien de la rue des Saints-Pères occupé par les époux Tapie. Le CDR et sa filiale ont été également condamnés à payer à ces mêmes mandataires judiciaires se « substituant » à M. et Mme Bernard Tapie la somme de 45 millions d'euros au titre du préjudice moral.
 

La sentence ayant été revêtue de l'exequatur, le 17 juillet suivant, et les conseils d'administration du CDR et de l'EPFR ayant renoncé, par délibérations du 28 du même mois, à tout recours en annulation, un protocole d'exécution a été signé le 16 mars 2009. Suite à ce protocole le CDR s'est trouvé devoir une somme totale de 403 millions d'euros aux parties adverses et, après compensation avec diverses créances, il aurait versé un montant net de près de 304 millions d'euros.


Dès septembre 2008, la commission des finances de l'Assemblée Nationale a entrepris une série d'auditions destinées à éclairer les conditions du recours à la procédure d'arbitrage et les raisons pour lesquelles il avait été décidé de ne pas former de recours en annulation contre la sentence. Le rapport de la commission a été publié en avril 2011. Il concluait que le recours à l'arbitrage, décidé par le ministre qui avait donné des instructions en ce sens était une faute, que la représentation nationale n'aurait pas dû être tenue à l'écart et qu'étant donné les montants considérables de l'indemnisation, l'abandon du recours en annulation, après instruction du ministre, constituait une autre faute.
 

Plusieurs parlementaires ont alors dénoncé, par courriers des 1 er et 6 avril 2011 adressés au procureur général près la Cour de cassation, les nombreuses anomalies qui avaient entouré l'arbitrage et pouvaient faire soupçonner que Mme Lagarde avait commis des faits pouvant être qualifiés d'abus d'autorité, faux, usage et complicité de détournement de fonds publics dans l'exercice de ses fonctions ministérielles.
 

Le 8 avril 2011, le procureur général près la Cour des comptes a fait parvenir à celui de la Cour de cassation les résultats des contrôles effectués sur la gestion de l'EPFR et du CDR pour les exercices 2007, 2008 et 2009.
 

Le 11 avril 2011, le ministère de l'économie des finances et de l'industrie a transmis au procureur général près la Cour de cassation, les documents en sa possession relatifs à l'arbitrage.


Le 25 mai 2011, le procureur général près la Cour des comptes a renvoyé le dossier devant la Cour de discipline budgétaire et financière pour qu'il soit instruit sur les nombreuses irrégularités, relevées dans la gestion du CDR et de l'EPFR notamment à l'encontre de leurs présidents, Messieurs Jean-François Rocchi et Bernard Scemama, irrégularités susceptibles de constituer l'infraction prévue à l'article L 313-4 du code des juridictions financières.


Le 9 juin 2011, ce même magistrat a dénoncé au procureur de la République de Paris, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, des faits susceptibles de constituer des abus de pouvoirs ou de biens sociaux, qui auraient été commis dans la gestion du CDR à l'occasion du litige avec le groupe Tapie.


Enfin, à plusieurs reprises, et spécialement les 27 mai et 8 juin, Maître Repiquet, avocat du ministre, a spontanément adressé à la commission des notes en défense
.

 

 

 

Sur ce :

 

Attendu que le processus, qui a conduit au prononcé de la sentence du 7 juillet 2008 et à la condamnation du CDR au paiement de sommes élevées à la charge des finances publiques comporte de nombreuses anomalies et irrégularités;

 
Attendu que le "contentieux Adidas" n'était visé ni par le protocole du 5 avril 1995 ni par la loi du 28 novembre 1995; que, selon le référé au Premier ministre de la Cour des comptes, du 12 novembre 2010 relatif à la "défaisance" du Crédit lyonnais, le courrier ministériel du 17 mars 1999, qui a étendu, sans validation législative, la garantie du CDR au contentieux lié à la cession des participations de la société Adidas, était privé de fondement juridique ; qu'en outre les raisons de cette décision n'apparaissent pas clairement;

 
Attendu que la légalité du recours à l'arbitrage par le CDR, propriété de l'EPFR qui assume ses risques de pertes en application de la loi du 8 novembre 1995, apparait, incertaine au regard des dispositions de l'article 2060 du code civil, selon lequel on ne peut compromettre sur les contestations intéressant les organismes publics, et plus généralement dans toutes les matières intéressant l'ordre public, que cependant, aucun avis n'a été demandé au Conseil d'Etat;

 
Attendu qu'en opportunité le recours à la procédure d'arbitrage était tout aussi contestable ; que ce sont les mandataires judiciaires du groupe Tapie qui en ont eu l'initiative, alors que les chances de succès de l'instance judiciaire engagée par eux douze ans plutôt, étaient à tout le moins sérieusement compromises par l'arrêt de cassation; que le principe du recours à l'arbitrage, qui aurait été arrêté au moment de la prise de fonction, le 18 mai 2007, du nouveau ministre chargé de l'économie, M. Jean-Louis Borloo, ainsi qu'il résulte de l'audition de son directeur de cabinet par la Cour des comptes le 20 juillet 2010, a été retenu malgré l'opposition manifestée à plusieurs reprises, et dès le 27 février 2007, par le directeur général de l'Agence des participations de l'Etat; que, selon la note établie par celui-ci le 1er août 2007 à l'intention de Mme Lagarde, qui a succédé à M. Borloo le 18 juin 2007, le recours à un arbitrage n'apparaissait pas justifié, le CDR étant sorti renforcé de l'arrêt de cassation et disposant de solides moyens de droit devant la cour d'appel de renvoi; que cette note soulignait les inconvénients et les aléas d'un arbitrage, qui exposerait le CDR et donc l'Etat à un risque majeur, compte tenu des revendications déraisonnables affichées par la partie adverse dans les conclusions déposées en juin 2007, conclusions qui pourraient être prises en compte par les arbitres, malgré leur absence de fondement juridique, dans un souci de conciliation ; que cet avis déconseillait au ministre de s'engager dans la voie d'un arbitrage, qui n'était justifié ni du point de vue de l'Etat, ni du point de vue du CDR, et pourrait être considéré comme une forme de concession inconditionnelle et sans contrepartie faite à la partie adverse; que le ministre, dans sa note, en date du 10 octobre 2007, aux administrateurs représentant l'Etat au conseil d'administration de l'EPFR, a cependant donné instruction à ceux-ci de se prononcer en faveur de la proposition qui lui avait été soumise pour avis par le CDR; que la crainte, invoquée par le ministre devant la commission des finances de l'Assemblée Nationale, de voir s'allonger la durée des instances judiciaires et s'accroître le montant des honoraires d'avocat déjà exposés par le CDR, explique mal l'abandon de ces procédures; que celles-ci étaient proches de leur terme, l'article 131-4 du code de l'organisation judiciaire disposant que, lorsque le renvoi est ordonné par l'assemblée plénière de la Cour de cassation, la juridiction de renvoi doit se conformer à la décision de cette assemblée sur les points de droit jugés par elle, et l'autorité de la chose jugée faisant obstacle à ce qu'une demande déjà rejetée puisse être à nouveau présentée sur un fondement juridique distinct ; qu'ainsi que le relève les réquisitoires de renvoi de MM. Scemama et Rocchi devant la Cour de discipline budgétaire et financière, pour les fautes qui auraient été commises dans la gestion de ce contentieux, les honoraires versés aux conseils choisis pour défendre à l'arbitrage, en lieu et place de l'avocat historique du CDR, hostile à cette procédure, équivalent à ceux qu'auraient représenté plusieurs années de nouvelles procédures judiciaires;

 
Attendu que le compromis d'arbitrage, tel qu'accepté par le CDR apparaît également et à de nombreux égards irrégulier; que le Crédit lyonnais, ainsi qu'il résulte d'une lettre du président de son conseil d'administration, en date du 16 novembre 2010 au président de la première chambre de la Cour des comptes, a été exclu de la procédure d'arbitrage; que, par courrier adressé le 28 septembre 2007 au président du CDR, il s'était déclaré fort réservé à l'égard de cette procédure compte tenu de l'arrêt très favorable de la Cour de cassation et qu'il a, en conséquence, refusé de verser la contribution forfaitaire de 12 millions d'euros à laquelle était pourtant subordonnée la garantie du CDR; que la lettre ministérielle du 17 mars 1999 ne prévoyait pas la garantie du CDR pour l'indemnisation d'un préjudice personnel des époux Tapie au titre de leur mise en liquidation judiciaire; que le président du CDR a cependant accepté, en signant le compromis du 16 novembre 2007, de soumettre à l'arbitrage cette demande, d'un montant sans précédent, présentée au titre d'un préjudice moral fondé sur des fautes imputées au Crédit lyonnais, qui n'était pas partie à la procédure; qu'en acceptant de voir figurer ce poste de préjudice dans le compromis, M. Rocchi pourrait au demeurant, selon le ministère public de la Cour des comptes, avoir commis un abus de ses pouvoirs sociaux; que le conseil d'administration du COR paraît ne pas avoir été informé régulièrement de cette acceptation; que, dans la version du compromis soumise au conseil d'administration du CDR le 2 octobre 2007, il était seulement mentionné que les demandes des mandataires-liquidateurs au titre du préjudice des époux Tapie étaient limitées à 50 millions d'euros; que le conseil d'administration n'a pas davantage été informé de la position du Crédit lyonnais sur la procédure envisagée; que les demandes au titre du préjudice matériel apparaissent tout aussi excessives, alors que le CDR, qui n'était pas demandeur à l'arbitrage, pouvait dicter ses conditions et se référer aux condamnations prononcées par la cour d'appel, laquelle n'avait alloué qu'un euro symbolique pour le préjudice moral et 135 millions d'euros, intérêts compris, pour le préjudice matériel, tandis que le plafond accepté de ce chef pouvait atteindre, avec les intérêts, 450 millions d'euros; qu'alors qu'il prévoyait que le tribunal statuerait en droit et en respectant les décisions judiciaires déjà rendues, le compromis, selon la formule de M. le Professeur Clay devant la commission des finances de l'Assemblée Nationale, enserrait singulièrement le pouvoir des arbitres et pouvait s'assimiler à une transaction, l'une des parties renonçant à des actions en justice pour obtenir une contrepartie;

 
Attendu que le choix des arbitres n'apparait pas conforme aux pratiques habituelles; que les trois arbitres, dont les noms étaient connus dès la réunion du 11 septembre 2007 au cabinet du ministre, ont été choisis d'un commun accord entre les parties, avant même la rédaction du compromis, alors que l'usage aurait voulu que les modalités de cette désignation soient fixées dans cet acte et que chaque partie choisisse son propre arbitre, ceux ainsi désignés nommant à leur tour un président; que les liens de l'un des membres du tribunal arbitral avec le conseil de l'une des parties et l'appartenance d'un autre aux instances dirigeantes du parti politique auquel adhérait M. Tapie, ont permis à la Cour des comptes de considérer, dans son rapport délibéré le 27 octobre 2010, que la composition de ce tribunal était d'emblée défavorable au CDR;

 
Attendu que la sentence rendue a presqu'entièrement fait droit aux demandes des époux Tapie et des mandataires judiciaires; qu'elles ont été satisfaites à hauteur de 80 % pour le préjudice matériel et de 90 % pour le préjudice moral; que la somme de 45 millions d'euros a été allouée de ce dernier chef, sur le seul fondement d'un acharnement exceptionnel de la banque à l'égard des époux Tapie en vue de briser chez eux tout avenir professionnel et toute réputation, sans que le Crédit lyonnais ait pu faire valoir ses arguments en défense, et après que le CDR avait renoncé à soulever l'irrecevabilité de cette demande des mandataires judiciaires, se satisfaisant de l'assurance que les époux Tapie verseraient cette somme pour couvrir l'éventuelle insuffisance d'actif de leur liquidation judiciaire;

 
Attendu qu'alors que des consultations de sociétés d'avocats spécialisés pouvaient laisser espérer une chance d'annulation de la sentence, le ministre a, sans attendre l'expiration du délai d'un mois suivant la signification de la décision, dont disposait le CDR pour se prononcer, demandé par écrit aux administrateurs représentant l'Etat de s'exprimer en défaveur d'un recours en annulation; que des instructions orales auraient même été données à M. Scemama pour que celui-ci, contrairement à la pratique de ses prédécesseurs, participe lors de la délibération du CDR du même 28 juillet, au vote en défaveur de ce recours, acquis par trois voix contre deux;

 
Attendu que de l'ensemble de ces décisions systématiquement défavorables aux intérêts du CDR de l'EPFR et de l'Etat résultent des indices graves et concordants faisant présumer que, sous l'apparente régularité d'une procédure d'arbitrage, se dissimule en réalité une action concertée en vue d'octroyer aux époux Tapie et aux sociétés dont ils détiennent, directement ou indirectement, le capital, les sommes qu'ils n'avaient pu jusqu'alors obtenir, ni des tribunaux judiciaires, ni par la médiation tentée en 2004, ni lors d'une seconde négociation menée en 2006 après le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, celle-ci ayant également été abandonnée, compte tenu des prétentions jugées inacceptables de M. Tapie;

 
Attendu que la sentence rendue a permis aux époux Tapie et aux sociétés du groupe Tapie dont la situation était, selon certains observateurs, irrémédiablement compromise dès 1992, d'échapper aux conséquences des procédures collectives dont ils étaient l'objet et de se constituer un patrimoine important;

 
Attendu que l'exécution de la décision a entraîné le règlement par l'EPFR, en sa qualité de garant du CDR, de sommes dont la charge sera en définitive supportée par l'Etat;

 
Attendu que ces faits, à les supposer démontrés, sont susceptibles de constituer à la charge de Mme Lagarde les délits de complicité de faux par simulation d'acte et de complicité de détournement de fonds publics, prévus et réprimés par les articles 121-7, 432-15 et 441-1 et suivants du code pénal; qu'en effet le ministre parait avoir personnellement concouru aux faits notamment en donnant des instructions de vote aux représentants de l'Etat dans le conseil d'administration de l'EPFR, voire au président de cet établissement public en sa qualité de membre du conseil d'administration du CDR;

 
Qu'il y a lieu, en conséquence, d'émettre un avis favorable à la saisine de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République aux fins d'instruire contre Mme Christine Lagarde;

 
Ainsi décidé, par la commission des requêtes composée de M. Gérard PALISSE, président, M. Hervé PELLETIER, Mme Françoise CANIVET, M. Serge DAEL, M. Philippe MARTIN, Mme Martine BELLON, membres titulaires, et M. Bruno REMOND, membre suppléant, en présence de Mme Assia BELLIER, adjoint administratif faisant fonction de greffier.

 
Dit que la présente décision sera notifiée par le greffe au Procureur général près la Cour de cassation ministère public près la Cour de justice de la République

 
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président et le greffier.

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17 août 2011 3 17 /08 /août /2011 06:15

Cameron-NoIPMan

Bienvenus en Oceania

 

La Grande-Bretagne nage en pleine dystopie lorsque David Cameron décide d'imposer son "No I.P. Land". Acculé (oui, il y a bien un "A") par les médias suite à sa mauvaise gestion des émeutes qui découlent de sa politique totalitaire et des casseroles, que dis-je, des énormes gamelles qu'il traîne avec lui dans le scandale des écoutes de ses généreux bienfaiteurs Rupert et James Murdoch, le premier ministre britanique le plus décrié depuis Margaret Thatcher envisage de bloquer l'accès aux réseaux sociaux.

Selon lui :

« La libre circulation de l'info peut être utilisée pour le mal »

« Nous travaillons avec la police, les services de renseignement, les industriels pour voir s'il est possible d'empêcher les gens de communiquer via ces sites et services internet lorsqu'on sait qu'ils planifient des actes criminels. »

 

La Chine applaudit des deux mains

Profitant de l'aubaine, Pékin y voit une légitimité pour sa censure implacable : « David Cameron a enfin compris ! ».

Le très officiel et nationaliste Global Times écrit dans son article intitulé "Riots lead to rethink of Internet freedom" :

« La proposition de Cameron de bloquer les réseaux sociaux détruit le concept de liberté d'expression de l'Occident qui a toujours présenté une supériorité morale en critiquant les développements hésitants de la liberté sur Internet dans les pays en développement […] Concernant la Chine, les défenseurs d'un développement sans limites d'Internet devraient réfléchir à deux fois à leurs idées. Sur Internet, il ne manque pas de posts et d'articles incitant à la violence. Ils ne manqueraient pas de créer des dégâts immenses s'ils étaient autorisés à être diffusés sans contrôle. Dans ce cas, tous les gouvernements n'ont pas d'autre choix que de fermer les sites qui les diffusent et d'arrêter les agitateurs. »

 

Le Net, "plus grande saloperie" inventée par les hommes ?

Toutefois la réaction de David Cameron n'est certes pas isolée, en France, à chaque controverse mettant en jeu Internet, les médias sociaux et les nouvelles technologies en général, il y a une tendance à les rendre responsables de tous les maux de la société. Telle l'attitude du publicitaire Jacques Séguéla comme le démontre cet extrait de l'émission "On n'est pas couché" d'octobre 2009" :

 

... C'est Dieu vivant ! Parce que le net permet à tous
les hommes de communiquer avec les autres hommes !

 

Quelle chienlit ce Web tout de même !

La tentation de réguler, de surveiller le Web au-delà des législations existantes (Internet est soumis aux mêmes lois que le monde réel, sur la diffamation, l'incitation à la violence, le racisme…) est présente dans tous les pays, dès lors que les dirigeants politiques ont le sentiment de perdre le contrôle. En France, Hadopi et la loi Loppsi ont ouvert la voie d'une surveillance du Web, et font des émules à l'étranger.

Difficile, quand le premier ministre britannique évoque la possibilité de "perturber les services internet" , de ne pas immédiatement penser à l'Egypte de Hosni Moubarak qui a coupé Internet pendant quatre jours entiers, une mesure sans précédent, pour tenter d'étouffer la révolte populaire qui a fini par l'emporter.

 

Plusieurs autres pays arabes, ainsi que l'Inde, ont fait pression sur BlackBerry pour obtenir sa coopération avec les services de sécurité en leur fournissant les clés de son système de cryptage.

C'est ce cryptage qui provoque aujourd'hui la sortie de Cameron, même s'il met dans le même sac l'ensemble des services internet.


En attendant, Internet sert de bouc émissaire à une violence que nul n'avait vue venir dans l'establishment britannique, avec toutes les menaces de restriction des libertés que cela induit.


La Grande Muraille électronique

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Le Yakexi symbole de la censure chinoise

Une chose est certaine, le pouvoir Chinois se réjouit des propos tenus par le premier ministre britannique. La Chine a adopté, le 29 avril 2010, un amendement à la loi sur les secrets d’État, qui impose aux entreprises du secteur d’Internet et des télécommunications de collaborer avec les autorités sur les questions liées à la sécurité nationale. Les sociétés du Net doivent désormais bloquer la transmission de secrets d’État, définis de manière très vague, conserver les données de connexions et alerter les autorités compétentes. Elles peuvent être contraintes de supprimer certains contenus.

 

Fang Binxing, le concepteur de la Grande Muraille électronique, qui est aussi président de l’université des Postes et Télécommunications de Pékin, a défendu sa création début 2011, déclarant au journal Global Times que la censure répondait à un besoin “urgent”.

 

Le régime utilise parfois l’excuse de la pornographie et de la lutte contre la “diffusion de fausses informations” pour justifier le filtrage (un "Hadopi chinois" ?).

 

Les principaux sites d’informations, tout comme les médias chinois, reçoivent régulièrement des directives orales et écrites du département de la Propagande rebaptisé auhourd'hui département de la Publicité, qui précisent les sujets à couvrir ou non. Les directives de janvier 2011 imposaient par exemple le silence sur les problèmes sociaux et économiques, notamment la hausse des prix, les manifestations antigouvernementales ou le marché de l’immobilier, afin de "rassurer" le peuple et de défendre l’idée de croissance juste.

 

http://img11.hostingpics.net/pics/540231juntao.jpg

 

 

 

Source : rue89.com (en partie) 

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 14:57
Julian AssangeBâillonné... mais pas muet !

 

http://img11.hostingpics.net/pics/357266HansUlrichObrist.jpgIl y a quelques semaines Julian Assange accordait un entretien à Hans Ulrich Obrist, critique d'art, historien et célèbre commissaire d'exposition. Il est actuellement le co-directeur de la Serpentine Gallery de Londres. Fort d'un carnet de relations bien garni, HUO a réalisé des entretiens avec à peu près tout le gratin mondain y compris hors milieu de l'art.

L'intégralité de cet interview est disponible sur le site e-flux.com (version US).

 

Voici la traduction pour les anglophobes de cet interview fleuve :

 

Hans Ulrich Obrist : Comment est-ce que tout a commencé ?

Julian Assange : j’ai grandi en Australie dans les années 70. Mes parents étaient comédiens, dans le théâtre. J’ai donc vécu un peu partout, dans plus de cinquante villes différentes. J’ai fréquenté trente sept établissements scolaires différents. Beaucoup de ces villes étaient situées dans un environnement rural, alors j’ai vécu comme Tom Sawyer – je montais à cheval, j’explorais les grottes, je péchais, je plongeais et je pilotais ma moto. De ce point une vue, j’ai eu une enfance plutôt classique. Mais il y a eu d’autres évènements, comme dans la ville d’Adélaïde, où ma mère était impliquée dans l’exfiltration d’informations de Maralinga, le site de tests de la bombe atomique britannique situé dans l’arrière pays. Elle et moi et un coursier avons été détenus toute une nuit par la police fédérale australienne, qui lui ont dit qu’elle était une mère indigne pour être en de telle compagnie à 2 heures du matin, et qu’elle ferait mieux de rester en dehors de la politique si elle ne voulait pas s’entendre dire de telles choses.

Enfant, j’étais curieux de tout, je demandais toujours "pourquoi", je voulais toujours dépasser les barrières de l’ignorance. Du coup, à quinze ans j’étais déjà en train de décoder des systèmes cryptés qui servaient à empêcher les gens de dupliquer des logiciels. Ensuite, j’ai fait pareil sur des systèmes qui servaient à cacher des informations sur les ordinateurs du gouvernement. L’Australie était très provinciale avant l’arrivée d’Internet et c’était un grand plaisir que de pouvoir sortir, intellectuellement, vers un monde plus vaste, de s’y frayer un chemin et de le comprendre. Pour quelqu’un de jeune et de relativement isolé du reste du monde, le fait de pouvoir pénétrer dans les entrailles du 8ème commandement du Pentagone à l’âge de dix-sept ans fut une expérience libératrice. Mais notre groupe, qui se consacrait à un magazine underground que j’avais crée, a subi un raid de la police fédérale. Ce fut une grosse opération. Mais je pensais que je devais partager cette richesse de mes découvertes sur le monde et les gens, partager ces connaissances, alors j’ai ensuite crée la première partie de l’industrie de l’Internet en Australie. J’ai passé quelques années à apporter l’Internet aux gens à travers ma société, un fournisseur d’accès à Internet, et puis j’ai ensuite commencé à chercher un nouveau défi.

HUO : il vous manquait donc quelque chose ?

JULIAN ASSANGE : Il me manquait quelque chose. Ceci m’a amené à m’intéresser à la cryptologie pour protéger les droits humains de manière innovante. Comme résultat de mes travaux en mathématique et physiques et de mon militantisme, les choses semblaient s’emboiter de façon cohérente et montrer qu’il y avait des limites à ce que j’étais en train de faire – et aussi à ce que le reste du monde était en train de faire. Il n’y avait pas assez d’information disponible à notre niveau pour expliquer comment le monde fonctionnait réellement. C’était plutôt une intuition mais qui laissait entendre qu’il y avait quelque chose de plus grand en jeu, à laquelle il fallait apporter une réponse philosophique pour expliquer ce sentiment de manque.

L’histoire repose sur trois types d’information et un de ces types nous échappe. Le premier type est le savoir. Il est généré et entretenu par une industrie ou un groupe - comment fabriquer une pompe à eau, par exemple, ou comme fabriquer de l’acier et d’autres alliages, comment cuisiner, comment transformer les aliments, etc. Ce type d’information est intégré dans des processus courants, il y a un système économique qui fait circuler cette information et qui la rend disponible et la préserve.

HUA : C’est quelque chose d’implicite...

JULIAN ASSANGE : Il y a un système qui la préserve. Il y a ensuite un autre type d’information dans notre mémoire collective (c’est un terme que j’emploie souvent à la place d’archives et qui ne désigne pas seulement ce qui s’est déroulé il y a cent ans mais tout ce que nous savons, y compris de la semaine dernière). Ce deuxième type d’information n’est pas maintenu ou préservé par un système économique. Il est déjà dans les archives de l’Histoire et concerne des affaires d’état qui sont déjà passées. L’information est là, tout simplement. Elle est peut-être en train de moisir lentement quelque part, en train de tomber en poussière. Avec le temps que passe, les exemplaires d’un livre se raréfient. Mais le processus est lent parce qu’il n’y a pas quelqu’un qui tente de faire disparaître volontairement cette information.

Il y a ensuite le troisième type d’information, celui auquel je m’intéresse. C’est le type d’information que certaines personnes veulent empêcher de voir figurer dans les archives. Ce troisième type d’information est supprimé avant ou après sa publication. Si ce type d’information commence à circuler, on assistera à des tentatives pour le retirer de la circulation.

Parce que les deux premiers types d’information sont diffusés par des systèmes économiques ou ne font pas l’objet de tentatives volontaires de censure, ils m’intéressent moins. Le troisième type nous a toujours été caché, et de tous temps. Si vous comprenez que la vie civilisée repose sur une compréhension du monde, sur une compréhension de l’autre, sur une compréhension des institutions et ainsi de suite, alors vous vous rendez compte que notre connaissance souffre d’une grande lacune, celle qui représente le troisième type d’information. Et nous aspirons tous à un monde plus juste et civilisé – et par civilisé je n’entends pas "industrialisé", mais un monde où les gens ne font pas des choses stupides, où ils se comportent plus intelligemment.

HUO : un comportement plus subtil...

JULIAN ASSANGE : exact, plus subtil, plus nuancé. On peut trouver de nombreuses analogies pour illustrer mon propos, mais je n’en donnerais qu’une, qui est celle du rituel de l’eau. Si vous êtes avec un ami, assis à une table sur laquelle se trouve un pichet d’eau et deux verres, vous allez d’abord remplir le verre de votre ami avant de remplir le votre. C’est un rituel très simple, mais c’est mieux que faire le contraire, remplir votre propre verre avant celui de l’autre. Si on arrive à projeter cette idée, le rituel de l’eau est une manière plus intelligente de distribuer l’eau à table. C’est ça que j’appelle la civilisation – l’accumulation de processus et de connaissances qui nous évitent des comportements négatifs entre nous ou contre l’environnement.

Alors en ce qui concerne toute cette information censurée, nous n’avons jamais pu la comprendre parce qu’elle n’a jamais été mise à notre disposition. Et si nous pouvions découvrir le véritable comportement d’institutions humaines complexes, alors nous aurions plus de chances de leur imposer un comportement civilisé. C’est pour cela que j’affirme que toutes les théories politiques sont en faillite, parce qu’on ne peut pas bâtir une théorie qui tienne la route si on ne connait pas les rouages du monde sur lequel on prétend théoriser. Tant que nous n’aurons pas une connaissance de la marche du monde, aucune théorie politique ne sera suffisamment complète pour nous indiquer le chemin.

HUO : Ce qui explique clairement votre parcours. Puisque beaucoup de gens vous citent comme un héros, je me demandais quelles étaient vous propres sources d’inspiration. Par exemple, les gens vous appellent souvent le nouveau John Wilkes, ce journaliste du XVIII ème siècle et membre du Congrès qui était un précurseur de la liberté d’expression.

JULIAN ASSANGE : Il y a eu des gestes héroïques que j’ai appréciés, ou certains systèmes de pensée, mais je pense qu’il vaut mieux dire qu’il y a eu certaines personnes avec lesquelles je me suis senti des affinités, comme Heisenberg et Bohr. Ca arrive lorsqu’on fait des mathématiques. Les mathématiques de Heisenberg et Bohr sont une branche de la philosophie naturelle. Tous deux ont développé un système ou une épistémologie pour comprendre la mécanique quantique. Mais au sein de cette tradition intellectuelle sont intégrées des méthodes pour réfléchir sur les phénomènes de cause à effet. En mathématiques, votre esprit doit franchir des étapes intellectuelles - dans le cas présent, les étapes de Heisenberg et Bohr. Parce que tout bon raisonnement provoque une grande créativité, il faut mobiliser toutes les ressources de son cerveau pour passer d’une étape à l’autre. Tout votre esprit se trouve concentré sur une idée précise et vous réalisez que votre démarche est identique à celle de l’auteur lorsqu’il a rédigé ses lignes. Il se produit donc un fort sentiment d’identification à l’auteur.

La mécanique quantique et son évolution moderne m’ont inspiré sur la notion de changement et comment comprendre les rapports de causes à effets. J’ai ensuite adapté cette pensée et je l’ai appliqué dans un autre contexte. Il y a d’abord un état auquel nous aspirons, que nous voulons atteindre. Je commence par examiner tous les changements nécessaires pour y arriver à partir de la situation actuelle. Je propose cette analogie pour expliquer comment l’information peut circuler à travers le monde et provoquer certains changements. Si l’état auquel nous aspirons est un monde plus juste, alors la question est : « quelles sont les actions nécessaires pour engendrer un monde plus juste ? Quelles informations provoquent de telles actions ? En enfin, où trouver ces informations ?

Une fois que vous comprenez ça, vous comprenez qu’il ne s’agit pas de partir d’un point A pour arriver à un point B, mais que les causes et les effets s’enchaînent ; nous sommes ici et nous voulons arriver là, par le biais de nos actions. Nous agissons et en agissant nous créons une nouvelle situation que nous pouvons considérer comme notre nouveau point de départ. Et puis le cycle observation, réflexion, d’action se reproduit.

HUO : C’est fascinant parce qu’on retrouve dans votre travail la science, les mathématiques et la théorie quantique. En lisant sur vos débuts, avant Wikileaks, on découvre que vous avez non seulement joué un rôle dans l’introduction d’Internet en Australie, mais que vous étiez aussi un des premiers grands hackers. Geert Lovink me parlait souvent de ce livre intitulé « Underground : Tales of Hacking, Madness and Obsession on the Electronic Frontier » (Underground : contes de piratage et obsession sur la frontière électronique), un livre très important auquel vous avez aussi participé. J’aimerais en savoir plus sur votre passé de pirate, et sur ce livre aussi car il semble avoir été à l’origine de nombreuses choses.

JULIAN ASSANGE : A la fin de mon adolescence, et jusqu’à l’âge de 20 ans, j’étais un pirate informatique et un étudiant à Melbourne. J’avais un magazine underground appelé "International Subversive". Nous faisions partie d’une communauté internationale de pirates informatiques clandestins. C’était avant que les continents ne soient connectés entre eux par l’Internet, mais nous avions d’autres moyens pour établir des connexions internationales. Chaque pays avait en quelque sorte son propre Internet, mais le monde lui-même était intellectuellement balkanisé avec des systèmes et des réseaux distincts.

HUO : Comme The Well aux Etats-Unis ?

JULIAN ASSANGE : Exact, ce genre de chose, ou ARPANET qui connectait les universités aux Etats-Unis. Et quelque chose appelée x.25, gérée par les entreprises de télécommunications, que les banques et les grandes sociétés utilisaient pour relier des systèmes. Parfois, parmi ceux de l’underground, nos chemins se croisaient par hasard dans les profondeurs de ces réseaux informatiques. Ou nous nous rencontrions autour de points d’eau clandestins, comme QSD en France ou ALTOS en Allemagne.

Mais nous étions très peu nombreux, peut-être une vingtaine de personnes, à faire partie de cette élite qui pouvait se déplacer librement et régulièrement à travers la planète. Cette communauté était petite, active et militante juste avant l’apparition d’Internet. Elle s’est ensuite investie dans le réseau Internet encore embryonnaire de l’époque, lorsqu’il était encore réservé aux départements de recherche des universités, aux sous-traitants de l’armée américaine et au Pentagone.

C’était un magnifique terrain de jeu international où on pouvait croiser des scientifiques, des pirates ou le pouvoir. Pour quelqu’un qui voulait comprendre le monde, qui développait sa propre philosophie sur le pouvoir, c’était une époque très intéressante. Puis un jour nous avons été mis sur écoute et les descentes de police se sont multipliées, ce qui m’a valu six années de batailles juridiques. Le livre parle de moi mais mon rôle a été délibérément minimisé pour entraîner toute la communauté, aux Etats-Unis, en Europe, en Grande-Bretagne et en Australie.

HUO : Je crois que c’est cela qui explique son importance, parce que le livre a crée pour la première fois une sorte de réseau entre toutes ces scènes locales, n’est-ce pas ? A cette époque, vous aviez une réputation de pirate éthique.

JULIAN ASSANGE : Exact, mais je pense que la plupart des pirates informatiques de l’époque avaient une éthique, parce que ça faisait partie des principes des meilleurs d’entre eux, ceux qui étaient engagés. Rappelez-vous, il s’agissait d’une frontière intellectuelle, et les participants étaient très jeunes. Il fallait être jeune d’ailleurs, pour avoir la capacité d’adaptation intellectuelle. Et parce qu’il s’agissait d’une frontière intellectuelle, on y trouvait toute une variété de gens extrêmement brillants, même s’ils n’avaient pas tous reçu une éducation formelle.

HUO : Y’avait-il des connexions aux Etats-Unis, aux débuts de The Well, avec Stewart Brand, Bruce Sterling, Kevin Kelly, à ce genre de personnage ?

JULIAN ASSANGE : Non, pratiquement aucune. The Well avait eu une influence sur certains pirates informatiques, aux Etats-Unis, mais nous étions clandestins, alors la plupart de nos connexions n’étaient pas divulguées et nous étions fiers de cette discipline. Ceux qui savaient ne parlaient pas. Ceux qui parlaient ne savaient pas. Du coup il s’est instauré une perception du milieu du piratage informatique qui était fausse et centrée sur les Etats-Unis. Aux Etats-Unis, en particulier, il y avait des pirates tout à fait marginaux qui donnaient des conférences, mais les pirates qui étaient engagés dans des actions véritablement sérieuses étaient pratiquement totalement invisibles, à cause des risques encourus, et on n’en entendait parler qu’au moment de leur arrestation.

Les portes d’entrée à l’époque étaient les forums de discussion (bulletin boards) – qui étaient des points de ralliement, comme P-80 aux Etats-Unis, et Pacific Island en Australie. C’était des forums à la fois publics et privés. Mais arrivé à un certain niveau, on utilisait uniquement des forums totalement clandestins. Il y avait des endroits sur les réseaux x.25, comme ALTOS à Hambourg, où nous pouvions échanger. ALTOS était un des premiers, sinon le premier, système de discussion en ligne. Mais pour y accéder il fallait avoir les autorisations d’accès à x.25. Certains employés de banque ou de sociétés de télécommunications disposaient d’un accès mais un adolescent, lui, devait être soit un pirate informatique digne de ce nom, soit être le fils d’un de ces employés.

HUO : Y’avait-il des rapports avec les anarchistes ? Dans un ancien numéro de e-flux journal, j’ai interviewé Hakim Bey, et nous avons beaucoup discuté de l’histoire de l’anarchie et de la piraterie informatique. Lorsque vous étiez pirate, étiez-vous inspiré par les idées anarchistes ?

JULIAN ASSANGE : Non, pas personnellement. La tradition anarchiste qui tourne autour de figures telles que Proudhon ou Kroptkin ne faisait pas partie de mon monde. J’étais plutôt influencé par des figures politiques telles que Soljenitsyne, les antistaliniens dans "Le Dieu des Ténèbres" et la tradition radicale des Etats-Unis, jusqu’au Black Panthers.

HUO : les mouvements de libération...

JULIAN ASSANGE : Oui, les différents mouvements de libération – pour leur dimension émotionnelle et leur volontarisme, pas pour leur contenu intellectuel. Ceci a eu de l’influence sur des choses que j’ai faites plus tard, comme les CypherPunks (CryptoPunk – crypto au sens cryptologie), en 1993 et 1994. 1994 était probablement le somment du micro-mouvement CypherPunk. CypherPunk était un jeu de mots avec CyberPunk qui lui était perçu comme une absurdité par les véritables pirates informatiques – c’est nous qui étions les véritables cyberpunks alors que les autres ne faisaient qu’en parler et développer des pastiches artistiques autour d’une réalité. Nous considérions les meilleurs ouvrages publiés sur le sujet comme autant de jolies vitrines ouvertes au public. Mais comme pour la plupart des causes élitistes et confidentielles, nous avions du mépris pour les vulgarisations grand-public. Les CypherPunks venaient de Californie, d’Europe et d’Australie. Nous voyions que nous pouvions modifier la nature des relations entre les individus et l’état par le recours à la cryptographie. Je dirais que nous n’étions pas vraiment des libertaires par idéologie mais plutôt des libertaires par tempérament, avec des individus capables de raisonner en termes abstraits mais qui voulaient les traduire en choses concrètes. Il y en avait beaucoup qui étaient à l’aise avec les mathématiques supérieures, avec la cryptologie, la physique et qui s’intéressaient aussi à la politique et qui pensaient que la relation entre l’individu et le gouvernement devait être modifiée et que les abus de pouvoir des gouvernements devaient être contrôlés, d’une certaine manière, par les individus.

HUO : C’est un peu le principe de Wikileaks, non ?

JULIAN ASSANGE : Oui et non... Wikileaks a été le résultat de différents courants de pensée qui n’ont aucun rapport avec les idées qui tournaient autour de la communauté CypherPunk. Mais le recours aux mathématiques et à la programmation pour créer un contre-pouvoir aux gouvernements était bien au cœur du mouvement CypherPunk.

HUO : On peut dire que vous avez été l’un des protagonistes.

JULIAN ASSANGE : Oui. Il n’y a pas eu de fondateur à proprement parler, ou de philosophie, mais quelques précurseurs comme John Young, Eric Huges et Timothy C. May de Californie. Nous avions formé un groupe de discussion un peu comme celui de l’Ecole de Vienne sur le positivisme logique. Certaines idées et valeurs naissaient de nos échanges. L’objet de notre fascination était simple. Ce n’était pas uniquement le défi intellectuel de pouvoir créer ou décoder des messages cryptés et de réussir à connecter des gens entre eux de manière innovante. Notre volonté était mue par une idée du pouvoir qui était assez inhabituelle et qui consistait à penser que quelques mathématiciens doués pouvaient, de manière très simple – ça paraît compliqué en théorie mais simple lorsqu’on sait de quoi les ordinateurs sont capables – permettre à n’importe quel individu de dire non à l’état le plus puissant. Par exemple, si nous échangeons un message suffisamment crypté - que les forces des superpuissances seraient incapables de décrypter – un simple individu aura réussi quelque chose que le gouvernement n’a pas pu empêcher. De ce point de vue, les mathématiques et les individus peuvent être plus forts qu’une superpuissance.

HUO : Cela aurait-il pu être la genèse de Wikileaks ?

JULIAN ASSANGE : Il y en a plusieurs. Wikileaks est le résultat de différentes idées qui ont été assemblées, et de certaines économies lui ont permis d’exister sans trop d’argent. Il y a eu différentes genèses, comme ma théorie sur le changement, une compréhension de ce qui est important dans la vie, une compréhension de la hiérarchie de l’information, des idées sur comment protéger une telle entreprise, et de nombreuses innovations techniques qui ont été trouvées en chemin. Ce sont des blocs de construction pour une vision finale sur les choses. C’est une construction complexe, comme un camion, qui a des roues, une mécanique, qui contribuent à l’efficacité de l’ensemble, mais qu’il faut d’abord assembler si on veut arriver à destination. Alors, dans une certaine mesure, la genèse n’est pas dans la construction du véhicule, parce qu’il est lui même composé de nombreuses genèses, mais plutôt dans la définition de la destination finale et comment y arriver.

HUO : Il y a un chemin à suivre ?

JULIAN ASSANGE : Oui, un chemin à suivre. Il faut donc un moyen de locomotion. Il faut assembler toutes les pièces nécessaires pour ce véhicule, qui est un mécanisme complexe, aussi bien du point de vue technique que logistique, en termes de projet politique et en tant qu’organisation, et comment je peux interagir, à titre personnel, avec l’ensemble. Ce n’est pas simple. Je pense que toute personne ayant bâti une institution autour d’une idée vous le dira – il a des idées sur la destination, mais pour y arriver il faut bâtir une institution. Dans mon cas, j’ai bâti – et je me suis fait aider par d’autres – à la fois la machine et l’institution.

HOU : Alors évidemment, parce que c’est compliqué, je suppose que vous ne pouvez pas le dessiner simplement en quelques traits sur un bout de papier...

JULIAN ASSANGE : Non, parce que ce serait comme dessiner la démocratie – ce n’est pas quelque chose qu’on peut dessiner. Il y a toutes ces pièces différentes, et chacune peut être dessinée. Mais c’est l’ensemble de toutes ces pièces qui font de Wikileaks ce qu’il est. Mais on peut peut-être en parler de certaines.

Il existe tout un monde d’information, et nous pouvons imaginer une sorte d’idéal platonique où nous aurions une masse infinie d’informations. Quelque chose de similaire à la Tour de Babel. Imaginez devant nous un champ composé de toute l’information qui existe – l’intérieur des ordinateurs gouvernementaux, les courriers, tout ce qui a déjà été publié, le flot d’information de la télévision, une somme de connaissances totale et globale, qui serait à la fois accessible et inaccessible au public.

Observons ce vaste champ et posons-nous la question : si nous voulons nous servir de l’information pour provoquer des actions qui produiront un changement dans la bonne direction, comment dénicher ces informations qui provoqueront de telles actions ?

Il faudrait pouvoir faire ressortir ces informations, un peu comme si on les surlignait avec un feutre fluorescent. Mais comment les reconnaître ? Quel est le signe distinctif qui permettra de reconnaître ces informations à surligner ? A quoi les reconnaîtra-t-on ?

Si vous examinez attentivement ce champ, vous remarquerez que certaines informations émettent une faible lueur. Cette lueur, c’est toute l’énergie que quelqu’un a dépensé pour cacher cette information. Et lorsque quelqu’un prétend prendre une information et la placer dans un coffre-fort entouré de gardes armées, en réalité il est en train de la faire disparaître. Et pourquoi dépenser de l’énergie à la faire disparaître ? Probablement – pas certainement, mais probablement – parce que celui qui veut la supprimer estime que cette information pourrait porter atteinte à son pouvoir. Cette information pourrait donc provoquer un changement, ce qui déplairait à la personne concernée. La personne ou organisation concernée tentera donc d’empêcher un changement. Ainsi, c’est la volonté de censure, de suppression, qui est le signe d’une information qui mérite d’être surlignée, donc publiée.

C’est donc cette idée que la censure est le signe d’une possibilité de découvrir une information susceptible de provoquer des actions qui changeraient le monde qui peut être considérée aussi comme étant à l’origine de Wikileaks. Lorsque des organisations ou des gouvernements tentent de cacher une information, ils vous indiquent par là que l’information est importante, c’est donc celle que vous devez connaître, celle qui mérite d’être examinée et éventuellement publiée. Et aussi que la censure est le signe d’une faiblesse et non d’une force.

HUO : Donc, dans le domaine complexe de l’information, ce signal est un révélateur très clair...

JULIAN ASSANGE : Oui, au sein de toute cette complexité. La censure est non seulement un signal utile, c’est aussi toujours une opportunité parce qu’elle révèle une peur, la peur du changement. Et si une organisation craint le changement, ça veut dire que le changement est possible.

Ainsi, lorsqu’on voit le gouvernement chinois prendre toutes sortes de mesures pour supprimer l’information qui entre et qui sort du pays par l’Internet, il est en train de nous indiquer qu’il croit que le changement peut être provoqué par le flux d’information. Et c’est compréhensible parce que la Chine est encore une société politique. Ce n’est pas une société juridiquement encadrée comme les Etats-Unis par exemple. Les principales relations de pouvoir aux Etats-Unis et dans d’autres pays occidentaux sont d’ordre juridique, par exemple lorsqu’une organisation est liée à une autre par contrat, ou lorsqu’elle possède un compte en banque ou qu’elle est engagée dans des investissements. Ces relations ne peuvent pas être modifiées par un simple ajustement politique. Il faut que le changement soit d’une certaine ampleur pour rompre ces contrats ou modifier le sens des flux financiers.

HUO : Et c’est pour cela que vous avez dit la dernière fois que vous étiez optimiste à propos de la Chine.

JULIAN ASSANGE : C’est exact, et optimiste pour n’importe quelle organisation, ou pays, qui se livre à la censure. Nous voyons à présent que le Département d’Etat des Etats-Unis tente de nous censurer. On peut aussi voir les choses sous cet angle : les potins et toutes ces informations anodines qui n’ont aucun effet sur les relations de pouvoir peuvent circuler librement. On ne les touche pas parce qu’elles n’ont aucune importance.

Dans les pays où existe la liberté d’expression, et où il n’y a pas de censure, la société est tellement verrouillée – tellement dépolitisée, les relations de pouvoir tellement figées – que tout ce que vous pourriez dire n’a aucune importance. Et peu importe l’information qui sera publiée. Les possédants continueront de posséder et ceux qui contrôlent continueront de contrôler. Et la structure de pouvoir dans une société est par définition sa structure de contrôle.

Aux Etats-Unis, à cause de l’extraordinaire degré de contraintes juridiques, il importe peu qui accède au pouvoir. Vous n’allez pas d’un seul coup vider le compte en banque d’une personnalité puissante. Son argent restera là où il est. Ses actions ne bougeront pas, à moins d’une révolution suffisamment radicale pour rompre les contrats.

HUO : C’est vers 2007 que Wikileaks a commencé à développer des contacts avec les journaux, et je crois que c’est en 2008 que vous avez publié des documents qui accusaient une banque suisse de blanchiment d’argent. Quel a été votre premier gros coup ?

JULIAN ASSANGE : Nous avions publié un nombre significatif de rapports en juillet 2007. Un d’entre eux était une liste détaillée de 2000 pages sur l’équipement militaire en Irak et en Afghanistan, y compris les assignations des unités militaires et toute la structure. C’était important mais, et c’est intéressant à noter, trop complexe pour être relayé par la presse, alors il n’y a pas eu d’impact direct.

Le premier document à être "reconnu par la presse internationale" était un rapport de renseignement de la société Kroll, une société privée internationale de renseignement. Le rapport était produit par leur bureau à Londres, aux grands frais du nouveau gouvernement Kenyan qui cherchait à savoir où Daniel Arap Moi et ses partisans avaient emporté la trésorerie du Kenya. Ils ont réussi à retrouver la trace d’environ 3 milliards de dollars, le résultat du pillage du pays, dans des banques londoniennes, des banques suisses, un ranch de 10.000 hectares en Australie, des propriétés aux Etats-Unis, des sociétés à Londres et ainsi de suite.

HUO : Et le résultat des élections a été modifié.

JULIAN ASSANGE : Environ 10 pour cent de l’électorat a changé son vote, modifiant ainsi le résultat prévu, ce qui a produit une série d’évènements assez extraordinaires qui ont abouti à une modification de la structure du gouvernement et de la constitution du Kenya.

HUO : On peut dire que pour la première fois, Wikileaks a produit une nouvelle réalité !

JULIAN ASSANGE : Oui. Rappelez-vous que dans cette théorie du changement que j’ai exposé, il faut un point de départ. Nous observons certaines réalités, comme lorsque Kroll observe où Daniel Arap Moi avait planqué l’argent. Puis nous avons eu connaissance de cette information et nous l’avons diffusée, pour produire un effet maximum. Et c’est entré dans les esprits de beaucoup de monde, et provoqué des actions. Le résultat fut une modification du résultat des élections au Kenya qui à son tour a produit d’autres changements.

HUO : Vous avez d’autres exemples de changements provoqués ?

JULIAN ASSANGE : Certains sont difficiles à estimer. Pour une élection, c’est assez simple parce qu’il y a un perdant et un gagnant. Au Kenya, la situation était quelque peu ambiguë, où une opposition avait gagné les élections mais où le gouvernement refusait de céder le pouvoir, à la suite de quoi s’est engagée une lutte pour le pouvoir.

La grande révélation suivante fut la publication de deux séries de manuels de Guantanamo Bay. Le premier que nous avons reçu datait de 2003, soit un an après l’ouverture du camp de détention, et révélait une nouvelle banalisation du mal. Le Pentagone a essayé de répondre en disant « Oui, bon, ça c’était en 2003, sous le commandement du Général Miller ». L’année suivante, le commandement avait changé alors tout était supposé s’être amélioré. Mais le courage est contagieux, alors quelqu’un a pris le risque de nous transmettre le manuel de 2004. J’ai exécuté un programme pour comparer mot à mot le manuel de 2003 et celui de 2004. Nous avons extrait toutes les différences et montré qu’en fait, le manuel s’était nettement empiré.

HUO : Une question que Julia Peyton-Jones voulait vous poser : dans quelle mesure pensez-vous que Wikileaks a déclenché les vagues de protestations au Moyen Orient ?

JULIAN ASSANGE : Au moins nous avons essayé. Nous ne connaissons pas notre impact, mais nous avons jeté pas mal d’huile sur le feu. Il serait intéressant d’en examiner les éventuelles interactions, c’est une histoire qui reste encore à écrire.

Il y a un grand quotidien libanais appelé Al Akhbar qui, au début du mois de décembre de l’année dernière, a commencé à publier des analyses de nos câbles d’un certain nombre de pays d’Afrique du nord, dont la Tunisie, et aussi sur l’Arabie Saoudite. Le résultat fut que le nom de domaine d’Al Akhbar fut immédiatement attaqué – et redirigé vers un site porno saoudien. Je ne pensais pas qu’un tel site pouvait exister d’ailleurs, mais apparemment si ! Quand Al Akhbar a récupéré son nom de domaine, ils ont subi une attaque massive de déni de service (technique qui consiste à bombarder un site de requêtes pour le détruire), puis enfin une attaque plus sophistiquée par des pirates qui ont tout effacé – tout, les articles sur les câbles, les analyses, tout. Dans le même temps, le gouvernement tunisien a banni Al Akhbar ainsi que Wikileaks. Ensuite, des pirates informatiques qui étaient sympathisants avec nous ont redirigé les sites du gouvernement tunisien vers le notre. Il y a un câble en particulier sur le régime de Ben Ali qui expose son opulence et ses abus. Le magazine The New Yorker a publié un article expliquant que tout ceci avait été rapporté par un ambassadeur US.

HUO : Exact, et qu’il avait vu une cage avec un tigre et des abus de pouvoir !

JULIAN ASSANGE : Exact, alors certains ont rapporté que les Tunisiens étaient très indignés par ces abus révélés par les câbles et que cela les a encouragé à se révolter. Je ne sais pas quel est la part de vérité là-dedans, mais toujours est-il que deux semaines plus tard un homme s’est immolé par le feu, un informaticien de 26 ans, apparemment pour une question de licence sur un marché. La colère a explosé dans la rue.

Mais je pense qu’une des grandes différences est que les câbles sur la Tunisie montraient que les États-Unis, une fois mis au pied du mur, choisiraient l’armée contre Bel Ali. C’était un signal, non seulement pour l’armée, mais pour tous les autres en Tunisie, et aussi pour les états voisins qui auraient pu envisager une intervention de leurs services secrets ou armées en faveur de Ben Ali (de nombreux dictateurs dans la région se soutiennent mutuellement).

De même que certaines révélations sur les Saoudiens ont obligé l’Arabie-Saoudite à se recentrer sur des questions internes. Et il est clair que la Tunisie, en tant qu’exemple, a été l’étincelle qui a mis le feu aux autres protestations au Moyen orient. Lorsque nous avons vu ce qui se passait en Tunisie, nous savions que l’Egypte était à la frontière, et nous avons perçu ces protestations en Egypte comme une conséquence de celles en Tunisie. Nous avons tout fait pour publier le maximum de câbles, des centaines, pour montrer les abus de Moubarak, pour donner plus d’arguments aux manifestants, mais aussi pour saper le soutien occidental à Moubarak.

Maintenant nous avons la Libye aux frontières de l’Egypte. En collaboration avec le Daily Telegraph en Grande-Bretagne, nous avons publié environ 480 câbles sur la Libye, qui révélaient de nombreux abus, mais aussi des informations sur le fonctionnement du gouvernement Libyen – nous avons un peu affaibli le soutien de l’occident à la Libye et peut-être un peu celui des pays voisins.

Notre approche sur les manifestations au Moyen orient est de les considérer comme un phénomène pan-Arabe où plusieurs pays voisins se soutiennent mutuellement. Les élites – dans la plupart des cas il s’agit d’une élite dictatoriale – de ces différents pays se soutiennent mutuellement, et nous compliquons leur tâche si nous pouvons les obliger à se recentrer sur leurs affaires intérieures. L’information produite par les révolutionnaires égyptiens sur la manière de mener une révolution se répand à présent à Bahrein. Ca se répand. Des militants pan-arabes se répandent, et une partie de l’occident soutient ces groupes d’opposition, et une partie soutient les dictatures traditionnelles. Et ces soutiens peuvent être influencés par les révélations sur les abus de pouvoirs au sein des régimes, mais aussi par les révélations sur les relations entre les Etat-Unis et ces dictatures.

Lorsque de telles relations sont révélées, on se retrouve dans une situation où le vice-président des Etats-Unis, Joseph Biden, me qualifie, comme il l’a fait l’année dernière, de « terroriste hi-tech ». Cette année, il a dit que Moubarak n’était pas un dictateur, mais un démocrate, et qu’il ne devait pas quitter le pouvoir. Regardez comment l’attitude des Etats-Unis envers Moubarak a changé juste avant sa chute. Après notre publication des câbles révélant les relations entre les Etats-Unis et Moubarak dans le financement de son armée et la formation par le FBI de ses tortionnaires, Biden ne pouvait plus faire ce genre de déclaration. C’était devenu impossible parce que leurs propres ambassadeurs avaient raconté, un an auparavant seulement, les violations massives des droits du peuple égyptien par Souleyman et Moubarak et avec une certaine complicité des Etats-Unis.

Ainsi, si on peut saper le soutien régional et occidental, et si les militants sur place son bons et partagent et diffusent l’information entre eux, alors je pense qu’on peut se débarrasser d’un certain nombre de ces régimes. Nous voyons déjà que le Yémen et la Libye pourraient être les prochains.

HUO : Vous avez des câbles sur ces pays là aussi ?

JULIAN ASSANGE : Oui, il y en avait un gros sur le Yémen qui révélait que le président avait conspiré avec les Etats-Unis pour que les Etats-Unis bombardent le Yémen et pour raconter ensuite que c’était l’oeuvre des forces aériennes yéménites. C’était une grosse révélation qui fut publiée en décembre de l’année dernière. Même si le président est toujours en place, il a fait d’énormes concessions. Cela se passe un peu partout dans le monde arabe en ce moment – certains sont en train de littéralement distribuer de l’argent, et des terres, et des postes ministériels à certaines figures de l’opposition. Ils ont annoncé des élections, en annonçant qu’ils démissionneront après les prochaines élections – toutes sortes de concessions importantes et intéressantes.

Mais même si je pense que nous allons assister encore à quelques chutes de régimes, il importe peu que le dirigeant soit déchu ou pas. Ce qui compte ce sont les changements dans les structures de pouvoir. Si vous faites les concessions que le peuple demande, alors vous n’êtes pas loin de devenir un dirigeant juste et responsable.

HUO : Ils peuvent même devenir des monarchies constitutionnelles.

JULIAN ASSANGE : Exact, ils peuvent garder leur monarchie et avoir une société plus proche des aspirations du peuple, une société bien plus civilisée.

Mais permettez-moi de revenir sur cette question. J’ai reçu des rapports de gens qui étaient sur place en Egypte, à Barhein, et qui sont venus me parler des évènements. Par exemple, il paraît très positif de voir que lorsque Moubarak a été démis, il était à la tête d’un réseau de népotisme qui infiltrait toutes les couches de la société, depuis le président du syndicat des avocats jusqu’aux épiceries, dans l’armée, partout. Après le départ de Moubarak, chaque institution et chaque conseil municipal a connu sa mini-révolution. Je crois que ces changements dans les structures, dans une large mesure, limiteront et imposeront des contraintes à tout successeur.

Cependant, il faut faire attention à ne pas se retrouver avec quelque chose de similaire à la Révolution Orange, où nous avons vu les forces libérales être littéralement payées par les Etats-Unis et l’Europe Occidentale. Elles ont libéralisé l’Ukraine mais le résultat fut que les opportunistes à l’intérieur ont été promus et les opportunistes de l’extérieur sont arrivés et ont détruit le tissu social. Cinq ans plus tard, on a assisté à un retour de balancier et l’instauration d’un régime plus proche du style soviétique et de la Russie.

Un des documents employés par les révolutionnaires du Caire est très intéressant. Après la chute de Moubarak, nous avons assisté à un changement extraordinaire de rhétorique chez Hillary Clinton et la Maison Blanche. Ils sont passés de "Moubarak, un chic type qui devrait rester" à "N’est-ce pas merveilleux ce que le peuple égyptien a réussi ? Et n’est-ce pas merveilleux ce que les Etats-Unis ont fait pour le peuple égyptien ?"

Il y a aussi cette idée que de merveilleuses sociétés américaines, Facebook et Twitter, ont donné la révolution et libéré l’Egypte. Mais le guide le plus populaire pour les révolutionnaires était un document qui s’est répandu au sein des clubs de foot en Egypte, qui eux-mêmes constituaient les communautés révolutionnaires les plus significatifs. Si vous lisez ce document, vous constatez que sur la première page il est indiqué qu’il ne faut pas utiliser Twitter et Facebook parce qu’ils sont surveillés. Sur la dernière page, il est rappelé qu’il ne faut utiliser ni Twitter ni Facebook. Et c’était le guide le plus répandu au sein de la révolution égyptienne. Mais Hillary Clinton tente de nous convaincre que la révolution égyptienne s’est faite grâce à Twitter et Facebook !

HUO : Qu’en est-il de l’Iran ? Avez-vous des documents sur l’Iran ?

JULIAN ASSANGE : Oui. Il y a eu des manifestations là-bas récemment, alors nous avons publié du matériel sur l’Iran de manière constante depuis le mois de décembre. Et la raison de cette constance est intéressante. Nos partenaires dans les médias – comme Der Spiegel, New York Times, Guardian, El Pais, et Le Monde – avaient déjà l’habitude de publier des articles négatifs sur l’Iran, alors ils ont fouillé les câbles à la recherche d’histoires négatives à raconter et ils les ont publiées à partir de décembre à un rythme impressionnant. A part publier les câbles, nous n’avons pas effectué nous-même de travail sur l’Iran. Et ça c’est parce que la grande presse occidentale, pour ce que j’ai pu constater, n’est intéressée que par les histoires négatives sur l’Iran, intérêt qui résulte des influences géopolitiques. Alors nous n’avons pas besoin de les aider.

Mais pour l’Egypte, c’est nous qui avons du faire tout le travail. Nous fournissions tout le matériel à la presse occidentale et ils n’en faisaient strictement rien lorsqu’il s’agissait de l’Egypte. Les choses ont changé lorsque nous avons fait équipe avec The Telegraph, qui a soigneusement écouté nos prédictions.

HUO : Lorsque vous avez commencé à travailler avec ce que vous appelez vos partenaires des médias, s’agissait-il d’une nouvelle stratégie concertée ?

JULIAN ASSANGE : Il s’agissait d’une action concertée pour différentes raisons. Nous sommes partenaires avec environ vingt journaux à travers le monde, pour renforcer l’impact global, et aussi pour encourager ces journaux à faire preuve de plus de courage. Ils sont devenus plus courageux, sauf le New York Times. Par exemple, une des histoires que nous avons trouvées dans les "Afghan War Diaries" concernait le "Task Force 373", un escadron de la mort des forces spéciales US. Cette unité est en train d’exécuter méthodiquement une liste de 2000 personnes en Afghanistan.

Kaboul est naturellement assez mécontent de ces assassinats extra-judiciaires – il n’y a aucune procédure impartiale pour placer un nom sur la liste ou pour le retirer. Vous n’êtes pas prévenu si vous êtes sur la liste, qui est appelée "Joint Priority Effects List" ou JPEL. C’est censé être une liste de noms de gens recherchés morts ou vifs. Mais on constate qu’environ 50% des cas sont morts – il n’y a pas d’option "vif " lorsqu’un drone largue des bombes sur la tête de quelqu’un.

Dans certains cas, l’unité Task Force 373 a tué des innocents, comme dans un cas en attaquant une école et en tuant sept enfants et sans toucher une seule de leurs cibles. Ils ont ensuite tenté d’étouffer l’affaire. Cette histoire a fait la "une" de Der Spiegel et un article dans The Guardian. Un article fut rédigé par Eric Schmitt, le spécialiste des affaires de sécurité nationale du New York Times, mais l’article n’a jamais été publié.

HUO : je suis toujours intéressé par ces projets qui meurent parce qu’ils ont été censurés ou parce qu’ils sont trop gros ou pour toute autre raison. Quels sont les projets de Wikileaks qui n’ont pas vu le jour ?

JULIAN ASSANGE : Il y en a beaucoup. Je ne suis pas certain que ce soit exact de dire qu’ils sont morts parce qu’il faut espérer que beaucoup seront réalisés, ou sont en cours de réalisation. Nous sommes encore trop jeunes pour faire un bilan et dire « ah, ça c’est quelque chose que nous aurions du faire ». Mais nous avons effectivement connu un échec.

J’avais cette idée que le volume d’information à traiter et qui n’avait jamais été rendue publique était bien trop gros pour être gérée uniquement par le Quatrième Pouvoir. Pour prendre un exemple récent, tous les journalistes du monde ne suffiraient pas pour faire une analyse des 400.000 documents que nous avons publiés sur l’Irak et, bien sûr, ils ont aussi d’autres choses à faire. J’ai toujours su que ce serait le cas, j’étais confiant dans le volume d’information que nous allions recevoir.

Nous avons donc pensé à faire appel au bénévolat, à tous ceux qui passent du temps à écrire sur des sujets qui ne sont pas vraiment importants et les orienter vers les documents que nous avions publiés, un matériel qui représente un grand potentiel de changement si les gens s’en saisissent, s’ils l’analysent, le remettent en contexte et le diffusent autour d’eux.

J’ai tout essayé, mais en vain. Je voyais tous ces gens qui écrivaient des articles pour Wikipedia, et tous ceux qui écrivaient dans des blogs, surtout qui traitent des questions de guerre et de paix. Et je pensais à toute cette énergie gâchée. Lorsqu’on demande aux blogueurs pourquoi ils n’écrivent pas des articles originaux, ils répondent « eh bien, nous n’avons pas de sources originales pour écrire un article original ».

Alors je pensais que plutôt que d’écrire pour Wikipedia sur un sujet qui n’aura aucun effet sur la politique, la possibilité d’écrire sur un rapport secret qui venait d’être révélé au monde entier allait être irrésistible. C’est du moins ce que je croyais.

Mais je vais vous donner un exemple de ce que nous avons découvert. J’ai publié un rapport secret des services de renseignement de l’armée américains sur les évènements à Falloujah lors de la première bataille de Falloujah en 2004, et cela avait l’air d’être un très bon document – recouvert de tampons officiels et tout, avec de jolies cartes en couleur, et une bonne description militaire et politique des évènements, et même du rôle primordial d’Al Jazeera. Et il contenait une analyse sur ce que les Etats-Unis auraient du faire, à savoir préparer politiquement et psychologiquement la ville avant d’y entrer. A Falloujah, certains sous-traitants de l’armée US avaient été attrapés et pendus, et la riposte US a été d’envahir la ville. Alors, a la place d’une opération soigneusement préparée, on a assisté à une escalade. Ils n’avaient même pas mis en place les éléments politiques et médiatiques de soutien à une telle opération.

C’était un document très intéressant, et nous l’avons envoyé à 3000 personnes. Pendant cinq jours, rien n’a été publié. Puis, un petit rapport d’un ami à moi, Shaun Waterman à (l’agence de presse US) UPI, a été publié sous forme de dépêche, puis un autre par un type appelé Davis Isenberg, qui passe la moitié de son temps au Cato Institute, mais qui l’a publié pour le magazine Asia Times. Mais avant la dépêche dUPI, il n’y avait rien chez les blogueurs, rien chez les gens de Wikipedia, rien de la part des intellectuels de gauche, rien du côté des intellectuels arabes, absolument rien. Qu’est-ce qui se passait ? Pourquoi est-ce que personne n’a passé du temps sur ce document extraordinaire ?

J’en ai tiré une conclusion à deux niveaux. Premièrement, et pour ne fâcher personne, ces gens ne savent pas mener le débat intellectuel. Ils ont été pacifiés et se contentent de réagir aux grands médias. Lorsque le New York Times publie quelque chose en première page, là ils réagissent. Alors prétendre qu’ils débusquent l’information et la révèlent au public, ça c’est une interprétation généreuse.

Mais je crois que le principal facteur, pour ceux qui ne sont pas des professionnels, et peut-être aussi pour ceux qui le sont, est simplement qu’ils recourent à l’écrit pour défendre des valeurs qui sont en conformité avec le support pour lequel ils écrivent. L’objectif de la plupart des auteurs non-professionnels est de produire au moindre coût un contenu qui leur permettra de démontrer leur degré de conformité auprès du groupe visé et d’en séduire le plus grand nombre possible.

Si je suis, disons, un européen de gauche, pourquoi est-ce que l’analyse du document secret sur Falloujah ne m’intéresserait-il pas ? En réalité, il m’intéresse, mais la quantité de travail à fournir comparée aux bénéfices que je pourrais escompter en tirer n’est pas encourageante. Le travail à fournir serait de lire et de comprendre un document de 30 pages, et ensuite de rédiger un article qui serait diffusé au sein de son groupe et leur prouverait que ce document est important.

C’est d’ailleurs ce que font le New York Times et les autres grands médias. Et par la même occasion, ils ont aussi organisé le marché de leurs critiques. Il suffit de lire un seul article du New York Times et de publier une réaction. Tout est déjà en place et exploité.

HUO : vous avez des projets d’avenir ?

JULIAN ASSANGE : Oui, beaucoup. Je vais en citer un qui est intéressant. La phrase d’Orwell, « Celui qui contrôle le présent contrôle le passé, et celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir », n’a jamais été aussi vraie. Avec les archives électroniques, avec toutes ces archives numériques, le contrôle du présent permet de supprimer le passé sans laisser de traces. Comme jamais auparavant, on peut faire disparaître, et pour toujours, le passé, et sans lasser de traces.

La phrase d’Orwell est née de ce qui est arrivé en 1953 à la Grande Encyclopédie Soviétique. Cette année-là, Staline est décédé et Beria est tombé en disgrâce. Avant sa disgrâce, la Grande Encyclopédie Soviétique contenait une page et demi sur Beria. Il a été décidé que la description flatteuse de Beria devait disparaître. Alors on a produit une page de mise à jour qui a été envoyée à tous les détenteurs connus d’un exemplaire de l’Encyclopédie, en leur indiquant que la nouvelle page - une version augmentée sur le Détroit de Béring - devait être collée sur l’ancienne.

Mais les lecteurs de l’Encyclopédie pouvaient voir qu’une page avait été collée par dessus ou que l’ancienne avait été déchirée – en fait tout le monde se rendait compte de la substitution ou de l’omission, nous sommes donc au courant. C’est à ça que se référait Orwell.

En 2008, un des hommes les plus riches de la Grande-Bretagne, Nadhmi Auchi – un Irakien qui est devenu riche sous un des ministères du pétrole de Saddam Hussein et qui est parti s’installer en Grande-Bretagne au début des années 80 – a engagé toute une série d’actions en justice contre des journaux et des blogs. Il avait été condamné en France en 2003 pour corruption par la juge Eva Joly en rapport avec le scandale ELF.

HUO : Elle était la juge d’instruction. Je m’en souviens, je vivais en France à l’époque. La presse en parlait tous les jours.

JULIAN ASSANGE : Exact. Nadhmi Auchi a des intérêts partout dans le monde. Sa société de holding au Luxembourg chapeaute plus de 200 sociétés. Il a des sociétés au nom de sa femme au Panama, des intérêts au Liban et dans le marché des télécommunications en Irak, et il est accusé d’être impliqué dans le trafic d’armes en Italie. Il a aussi un investissement de 2 milliards de dollars près de Chicago.

Il est aussi le principal financier d’un dénommé Tony Rezko, qui était un des principaux récolteurs de fonds d’Obama, pour ses différents compagnes avant celle de la présidence, pour le Sénat par exemple.

Rezko levait des fonds aussi pour Rob Blagojevich, l’ancien gouverneur de l’Illinois tombé en disgrâce. Rezko a été condamné pour corruption en 2008. Mais en 2008, Barack Obama était dans la course contre Hillary Clinton pour la nomination à la candidature du Parti Démocrate. Alors on s’est intéressé à Tony Rezko, qui était impliqué dans l’achat d’une maison pour Barack Obama. Et on s’est intéressé ensuite à la source d’une partie du financement de l’achat de cette maison, et de là on s’est intéressé à Nadhmi Auchi, qui à l’époque avait donné à Tony Rezko 3,5 millions de dollars en violation d’une décision de justice. Auchi a ensuite ordonné à un cabinet d’avocats, Carter-Ruck, de poursuivre tous ceux qui avaient publié quelque chose sur l’affaire de corruption de 2003 en France.

Et ces articles ont commencé à être retirés, à disparaître de partout.

HUO : Ils étaient littéralement supprimés des archives électroniques.

JULIAN ASSANGE : Oui. Le quotidien The Guardian a retiré trois articles. Le Telegraph, un. Et il y en a eu d’autres. Si vous tapez l’adresse de ces articles vous tombez sur une page « not found », la page n’existe plus. Il n’est pas dit que la page a été retirée sous la menace d’actions en justice, seulement que l’article n’existe plus, qu’il a même cessé d’avoir existé. Des portions de notre histoire sont donc en train de disparaître comme si elles n’avaient jamais existées.

HUO : Ce qui est très différent des livres – même avec les dictateurs qui tentent de supprimer ou de brûler un livre, il y avait toujours des copies qui traînaient. Les livres ont cette capacité, n’est-ce pas ? On ne peut jamais vraiment les éliminer totalement.

JULIAN ASSANGE : Exact. Avec les journaux, c’est très différent, et c’est très différent aussi avec la Grande Encyclopédie Soviétique. La situation actuelle est bien pire. Alors que faire ?

Je veux m’assurer que Wikileaks ne sera jamais corrompu de cette manière. Nous n’avons jamais dépublié quelque chose qui a été publiée. C’est facile pour moi de le dire, mais comment convaincre le public ? Impossible.

Il y a certaines choses que nous avons pris l’habitude de faire, comme fournir des clé de cryptage pour certains fichiers que nous avons publiés, ce qui permet de faire une vérification partielle si vous avez une portion d’un fichier crypté. Mais cela ne suffit pas. Et nous sommes une organisation dont le contenu est constamment sous attaque. Nous avons eu plus de 100 menaces sérieuses d’actions en justice, et de nombreuses actions des services de renseignement et autres.

Mais ce problème, et sa solution, est aussi la solution à un autre problème, qui est celui-ci : comment désigner de manière consistante et globale une portion de notre mémoire collective de manière à pouvoir s’y référer avec précision ? En lorsque je parle de s’y référer, je ne parle pas de le faire comme nous le faisons maintenant, dans une conversation, mais à travers l’espace et le temps.

Par exemple, si je commence à parler du Premier Amendement, que vous connaissez, dans le cadre de la présente conversation. Je parle du premier amendement de la Constitution des Etats-Unis. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Ce n’est qu’une abstraction de

quelque chose. Imaginez que ce premier Amendement n’existe que sous forme numérique, et que quelqu’un comme Nadhmi Auchi s’y attaque et le fait disparaître pour toujours, ou le fait remplacer par un autre texte. Bon, nous savons que le premier amendement a été recopié partout alors, dans ce cas, ce sera facile à vérifier. S’il y a un doute au cours de notre conversion sur le premier amendement, ou si on veut vérifier un détail, on pourra trouver une copie n’importe où, et toutes les copies seront identiques. Mais ça c’est parce que le texte est court et ancien et très répandu.

Dans le cas de Nadhmi Auchi, huit articles ont été retirés. Mais des retraits similaires, sous des pressions juridiques ou politiques, il y en a partout. Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Et il y a aussi toutes les formes du suppression moins intentionnelles mais plus pernicieuses, comme par exemple lorsqu’une société fait faillite et disparaît en même temps que ses archives électroniques.

Il faut donc trouver un moyen pour pouvoir identifier chaque information, indépendamment de se représentation - texte, video, audio - un moyen où le nom de l’objet serait intrinsèquement lié à ce qu’il est. Un moyen où le nom servirait à se référer à une information, et si quelqu’un tente de modifier cette information, ce serait soit impossible, soit facilement détectable. En fait il existe bien un moyen pour créer des noms qui dépendent intrinsèquement du contenu intellectuel, sans considération de facteurs extrinsèques.

Je vais essayer d’être plus clair : imaginez que l’URL soit le nom de quelque chose. Imaginez par exemple que le texte de la bible de King James dans le Projet Gutenberg soit désigné par un URL. Cet URL est un raccourci, facile à manier, qui vous amène directement au texte en question.

Mais le problème avec cet URL est qu’il ne désigne rien en tant que tel. Il renvoie vers une page, une page dont le contenu est contrôlé par une organisation ou une entreprise, celle qui est propriétaire du site.

On peut parfaitement imaginer que les responsables du projet Gutenberg décident de substituer le texte de la bible par celui du Talmud. L’adresse de la page, l’URL, ne changera pas pour autant. C’est tout une question de volonté de la part de celui qui contrôle le contenu de la page à l’adresse en question.

HUO : C’est devenu une affaire privée.

JULIAN ASSANGE : Exactement. Nous subissons tous la privatisation des mots, une privatisation d’abstractions fondamentales que les êtres humains emploient pour communiquer. La manière de faire référence à notre mémoire collective est en train d’être privatisée, en train d’être aspirée dans des noms de domaines contrôlés par des sociétés privées, des institutions ou des états.

HUO : Ce n’est donc plus ce que Lawrence Weiner appelait un "contenu public libre", mais le contraire...

JULIAN ASSANGE : Oui, le contraire. Et nous pourrions assister à des changements délibérés, pernicieux, comme quelqu’un qui remplacerait volontairement le texte de la bible de King James par celui du Talmud. Bien sûr, dans ce cas il est peu probable que cela arrive.

Par contre, ce qui est plus probable, c’est que les sociétés privées cessent de s’intéresser à une information, si l’information n’est plus rentable, ou si la société disparaît. Ou si vous avez des archives importantes et certaines personnes puissantes en retirent simplement des petits bouts.

Alors j’ai pensé à un concept qui consiste à identifier chaque portion de notre mémoire collective, passée et future. (…) L’idée est de pouvoir déduire de chaque information, de chaque bout d’information, un nom qui serait intrinsèquement et mathématiquement lié à son contenu. Pas d’enregistrement de noms de domaine, pas de serveurs, pas de société qui contrôle la relation entre un nom et une information.

Par exemple, pour revenir au Projet Gutenberg, un certain nombre de serveurs de domaine et le Projet Gutenberg lui-même font le lien entre l’adresse de la page et la bible de King James. Lorsque vous faites circuler l’adresse, en réalité vous êtes en train de faire circuler quelque chose qui représente une dépendance qui s’est instaurée entre le nom de domaine, le propriétaire du nom de domaine et le contenu du domaine.

HUO : il s’agirait en quelque sorte de créer une sorte de cadenas digital.

JULIAN ASSANGE : C’est ça, l’idée est de créer un cadenas intellectuel. Pensez aux URL comme à des citations. Lorsque nous créons une œuvre intellectuelle, nous sommes toujours juchés sur les épaules de géants, de ceux qui nous ont précédés, nous le faisons tous et nous citons toujours d’une manière ou d’une autre nos références – pas nécessairement dans le sens académique, mais nous y faisons référence simplement en faisant un lien vers l’objet original.

Les URL sont une illustration de notre dépendance intellectuelle à ce mécanisme de citations. Mais si le mécanisme de citation est fait de pâte à modeler, et s’il est en train de s’effriter de partout – si les oligarchies et les milliardaires arrachent des bouts de notre histoire ou les connexions entre différentes parties de notre histoire qui les gênent – alors les bases intellectuelles sur lesquelles nous sommes en train de bâtir notre civilisation est instable. Nous sommes en train de bâtir une potence intellectuelle, faite de pâte à modeler, pour notre civilisation.

HUO : dans ce sens, nous assistons à une régression par rapport au livre. Aucun dictateur de peut retirer des portions d’un livre de la même manière.

JULIAN ASSANGE : Exactement ! Cette idée nouvelle que je veux développer pour protéger le travail de Wikileaks pourrait être étendue à toute forme de protection intellectuelle. Toutes les œuvres de création numérisées pourraient être référencées par un code qui dépendra uniquement du contenu, pas des serveurs ou d’organisations tiers. C’est simplement une fonction mathématique à appliquer sur le contenu intellectuel, et les gens n’auraient besoin de rien d’autre.

HUO : C’est donc un de vos rêves, de pouvoir mettre en place un tel système.

JULIAN ASSANGE : En fait, je pense que c’est plus qu’un rêve. Cela a déjà été réalisé. Cela deviendra un nouveau standard qui, je l’espère, s’appliquera à toute œuvre intellectuelle, une manière consistante de désigner chaque création intellectuelle, tout ce qui peut être numérisé. Ainsi, si on a un article sur un blog, il se verra affecter un nom unique. Si l’article change, le nom changera, mais l’article et le nom seront toujours reliés. Si nous avons l’enregistrement numérique d’une sonate, on aura un nom unique. Si on a un film numérisé, il aura un nom unique. Et il ne sera pas possible de changer le contenu sans changer le nom. Je crois que c’est quelque chose de très important – une forme d’indexation de la tour de Babel, de la connaissance pure.

HUO : Je suppose que la plupart des gens ne sont pas conscients du danger de la disparition des archives ?

JULIAN ASSANGE : Non, ils ne le sont pas parce que les journaux tentent d’étouffer l’affaire. Et tout le monde tente de l’étouffer. Sinon, il paraitront fragiles, et ils donneront l’impression de trahir leur lectorat s’ils suppriment quelque chose qui pouvaient l’intéresser. Et gardant le silence, ils encouragent de nouvelles attaques, parce qu’il y eu des précédents.

Il est quand même assez extraordinaire que dans la loi britannique, le fait même de mentionner que vous avez retiré quelque chose peut être considéré comme un délit. Nous l’avons vécu dans un cas flagrant, lorsque j’ai remporté le Index of Censorship Award pour mon combat contre la censure.

HUO : J’étais membre du jury cette année. On m’a dit que vous aviez remporté le prix il y a deux ans.

JULIAN ASSANGE : Après avoir remporté ce prix, Marin Bright a écrit un article sur son blog hébergé par The New Statesman pour dire que notre rencontre fut agréable, etc et ainsi de suite. La suite de son article mentionnait la disparition de ces articles sur Nadhmi Auchi qui avait été condamné pour corruption. Et il indiquait les titres de ces articles, il ne mentionnait que les titres. Une action en justice a été entamée contre cet article précis, celui-là même qui annonçait notre prix contre la censure.

HUO : C’est étonnant !

JULIAN ASSANGE : Et l’article a été censuré. D’abord, c’est la liste des articles qui a été retirée de l’article, puis finalement c’est tout l’article qui a disparu. C’est comme ça que je me suis intéressé à Nadhmi Auchi, et nous avons réussi à obtenir ces articles et aussi un énorme rapport du Pentagone sur les activités d’Auchi. Et nous avons réussi à faire soulever la question au Parlement, où nous avons eu une discussion de 90 minutes sur l’affaire. Mais il y a plus : Martin Bright a perdu son emploi au New Statesman.

HUO : à cause de cette affaire ?

JULIAN ASSANGE : Oui

HUO : Avant de passer aux questions posées par les artistes, je voulais vous parler de Bourbaki, un groupe anonyme de mathématiciens auquel vous faites souvent référence. J’aimerais en savoir davantage sur votre intérêt à leur égard, et s’il y a un rapport avec votre décision d’apparaître en public plutôt que de rester anonyme ?

JULIAN ASSANGE : Les Bourbaki étaient un groupe de mathématiciens français qui a publié des livres sur une période 20 ans sous un pseudonyme collectif, Nicolas Bourbaki. Ils ont caché leurs identités et leurs livres sont encore considérés parmi les meilleurs livres de mathématiques jamais publiés en français. En 2006, j’ai pensé que Wikileaks devait publier de manière totalement anonyme, puis sous pseudonyme – sous un pseudo collectif, comme les Bourbaki.

D’abord, en tant que jeune organisation qui publiait des textes très controversés, nous ne voulions pas être des cibles trop faciles. J’étais publiquement simplement membre du conseil d’administration, et ce n’est pas la même chose que d’être le rédacteur en chef ou un des principaux rédacteurs. Je voulais aussi éviter au maximum les problèmes d’ego, pour être certain que les gens écrivaient ce qu’ils écrivaient pour d’autres raisons que leur ego. En même temps, en tant qu’organisation qui n’avait pas encore de réputation, il nous fallait une figure identifiable pour acquérir rapidement une notoriété. Si nous nous présentions sous un nom collectif comme Jack Bourbaki, ou tout autre pseudo, nous serions rapidement reconnus à cause du volume de nos publications. Mais un mois après notre apparition publique, il y a eu une fuite à partir d’un de nos listes de diffusion interne par un architecte New-yorkais, John Young, qui avait été impliqué dans notre projet initial de publication, qui était plus agressif. John a réalisé par la publicité que nous recevions que Wikileaks allait devenir important et risquait de menacer son propre projet.

Mais ce fut une grande découverte que d’être moi-même victime d’une fuite, si tôt. Et je me suis dit, eh bien, tout ceci est intéressant – maintenant je sais l’effet que ça fait. En fait, c’était plutôt agréable, dans la mesure où ça montrait que nous étions un groupe très restreint, composé d’idéalistes dont le discours en interne était encore plus radical qu’à extérieur. Il n’y avait donc aucune hypocrisie dans ce que nous faisions, et même le contraire – nous étions encore plus idéalistes et pétris de principes que ce que nous laissions entendre.

J’ai assez rapidement acquis une notoriété et j’en ai profité pour chercher d’autres volonaires. Mais lorsque la presse a commencé à fouiner, très curieuse de connaître qui étaient ces gens pétris de principes, certains de mes amis ont malheureusement vendu la mèche, ils ont dit "eh bien c’est Julian qu’il faut remercier". J’avais envie de les étrangler !

J’ai aussi compris qu’en essayant d’occuper une position où je me faisais passer pour le porte-parole et non comme le chef d’orchestre, nous nous retrouvions avec des gens qui n’étaient pas impliqués dans l’organisation et qui parlaient en son nom. Ensuite nous avons commencé à souffrir de l’opportunisme de certains, et il fallait y mettre un coup d’arrêt.

Puis nous sommes devenus politiquement plus puissants, avec de nombreux soutiens partout dans le monde. Du coup nous n’avions plus besoin du même anonymat – j’avais besoin d’un anonymat local pour des raisons de sécurité, mais le fait que mon nom soit connu n’avait plus la même importance, puisque, pour celui qui voulait bien chercher, l’information circulait déjà.

HUO : Cet anonymat local vous a obligé à bouger beaucoup, dans les interviews on parle souvent de votre nomadisme qui a démarré très jeune. On dirait que vous avez voyagé partout avec juste un sac-à-dos et deux carnets de notes, en vivant chez les gens !

JULIAN ASSANGE : Eh bien, je voyage partout et seul depuis l’age de 25 ans, dès que j’ai eu assez d’argent pour le faire. Mais pour Wikileaks, je me déplace sans cesse depuis début 2007. Jusqu’au dernier problème avec le Pentagone, qui a démarré vers juin/juillet de l’année dernière, je n’étais pas un fugitif. C’était plus une question d’opportunités et de faire en sorte de ne pas rester en place trop longtemps pour éviter l’installation d’un véritable système de surveillance, ce qui implique une effraction et l’installation de caméras, d’appareils de surveillance, etc. De telles opérations prennent du temps à mettre en place. Alors lorsque vous êtes une organisation aux ressources limitées qui court le risque d’être surveillée par les agences les plus sophistiquées, comme la NSA ou le GCHQ, vous n’avez que deux options : changer régulièrement d’endroit ou vous isoler totalement.

HUO : Et vous avez choisi la première option ?

JULIAN ASSANGE : Oui. J’ai vécu un temps au Caire, et c’est pourquoi je me suis tant intéressé aux évènements en Egypte.

HUO : Vous avez vécu en Islande aussi ?

JULIAN ASSANGE : En Islande, en Allemagne – dans de nombreux pays. A la fin de 2008, l’économie islandaise s’est effondrée à la suite de la crise financière globale. Le secteur bancaire islandais était 10 fois plus gros que l’ensemble du reste de l’économie islandaise. La plus grande banque s’appelait Kaupthing, et nous avons mis la main sur des documents concernant les prêts que cette banque accordait, accompagnés de commentaires francs et détaillés sur chaque prêt – des prêts de plus de 45 millions d’euros, pour un total de 6 milliards d’euros.

Nous l’avons publié, et Kaupthing a menacé de nous envoyer, nous et nos sources, en prison pour un an. Puis ils ont empêché la plus grande chaine de télévision, RUV, d’en parler dans leur journal télévisé du soir. Une injonction est arrivée à la rédaction à 18h55 alors que le journal commençait à 19h00. Alors le présentateur a dit « eh bien, voici le journal télévisé mais nous ne pouvons pas vous donner toutes les informations ce soir parce que nous avons reçu une injonction. » Alors ils ont redirigé les spectateurs vers notre site internet pour en savoir plus.

Du jour au lendemain, Wikileaks est devenu très important pour les Islandais, parce que les banques et les banquiers ont été perçus comme les responsables de la destruction d’une partie très importante de leur économie, et d’avoir ruiné la réputation internationale du pays.

HUO : Et c’est là qu’a démarré l’ "Initiative pour des Médias Modernes" en Islande  ?

JULIAN ASSANGE : Oui. Après, on m’a invité à venir parler en Islande. J’avais dans l’idée de divulguer la nature des opérations offshore et des paradis fiscaux – comme celles de la banque Julius Baer aux îles Caïman, etc.

Le secteur offshore fonctionne pour les havres opaques. Vous avez un pays comme les Iles Vierges Britanniques, qui fournit certaines structures d’entreprises et bancaires très opaques, et où il existe même des lois qui interdisent de révéler certaines informations. Les états voisins des Caraïbes et d’autres petites économies dans d’autres parties du monde vont adopter à leur tour les parties les plus attractives de cette législation. Une concurrence s’installe et provoque une surenchère entre différents paradis fiscaux.

Peu importe le nom qu’on leur donne à ces opérations offshore, ce sont en réalité des havres d’opacité explicitement faits pour blanchir l’argent. L’armée américaine et la CIA ont fait la même chose à Guantánamo, sauf qu’il s’agit d’opacité appliquée à des êtres humains et à leurs droits dans une juridiction extra-territoriale pour échapper aux lois communément admises dans la plupart des pays.

Je me suis demandé si on ne pouvait pas inverser le problématique, au lieu d’avoir un îlot d’opacité, voir si on ne pourrait pas avoir un îlot de transparence.

On a vu aussi apparaître un nouveau type de réfugiés : les éditeurs. Le Rick Ross Institute on Destructive Cults a du déplacer son site internet et l’héberger à Stockholm pour éviter des procès aux Etats-Unis. Malaysia Today a du être transféré à Singapour et aux Etats-Unis pour échapper à la censure de la Malaisie. Nous avions nous-mêmes certains services aux Etats-Unis mais ils ont été déplacés à Stockholm. Il s’agit d’une évasion juridique parce de nombreux abus sont commis dans le cadre du système judiciaire. Il faut donc s’exiler.

HUO : Contre sa volonté, comme un réfugié de l’édition ?

JULIAN ASSANGE : Exactement. Ces réfugiés de l’édition sont demandeurs d’une certaine protection juridique, une demande d’ordre économique similaire à ceux qui veulent planquer leurs biens.

Je n’arrivais pas à trouver une île qui réponde aux critères, parce qu’il faut aussi quelque chose de plus – il faut un attachement à la liberté de la presse, une île avec une population et une économie suffisamment développée et indépendante pour ne pas céder aux premières pressions venues. Il faut des connexions internet de qualité et une main-d’oeuvre qualifiée.

J’ai vu que l’Islande pouvait être l’endroit parfait. Et avec une île, on peut faire évoluer la législation assez rapidement parce que l’économie est suffisamment petite pour ne pas vous heurter à des lobbys. J’ai parlé de ça à la plus grande émission dominicale de l’Islande et le lendemain tout le monde en parlait. Il était clair que de nombreux Islandais soutenaient l’idée.

Je suis retourné là-bas en compagnie de 13 consultants juridiques pour réfléchir aux différents moyens pour mettre ça en place. Vu que j’étais un étranger, il fallait que les Islandais s’emparent eux-mêmes de l’idée, sinon le projet n’allait jamais aboutir. Il fallait que l’idée se diffuse sur l’île. J’ai travaillé dur et nous avons pondu une proposition de loi, rédigée en islandais, et présentée au Parlement. Le projet a été soumis au vote et a été adopté à l’unanimité.

 

 

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 14:14

http://img11.hostingpics.net/pics/720107JulianAssange.jpg

Julian Assange le 15 juin dernier dans sa résidence anglaise
et son bracelet électronique qu'il porte à la cheville

 

Suite de l'interview accordé à Hans Ulrich Obrist :

 

HUO : Passons à présent aux questions des artistes...

JULIAN ASSANGE : OK, commençons par la première.

 

http://img11.hostingpics.net/pics/963197Luis.jpgLuis Camnitzer : la première question concerne votre célébrité dans les médias, alors que Bradley Manning, qui apparaît comme le véritable héros (pour le moins en ce qui concerne la partie des documents d’origine américaine), est peu connu. Je sais que Wikileaks a donné de l’argent au fonds de défense de Manning et c’est bien, mais là n’est pas la question. Wilileaks opère en s’appuyant sur un collectif de donneurs d’alerte et de contributeurs, et son pouvoir provient donc d’une entreprise collective. On a pourtant l’impression que le projecteur n’est braqué que sur une seule personne et non sur le collectif. L’idée n’est-elle pas que nous sommes tous, ou devrions êtres tous, Wikileaks ? Ne devriez-vous pas le rappeler dans vos prestations publiques ?

 

Une autre question porte sur le sujet plus complexe des fuites. Je suis totalement favorable, et j’applaudis à la transparence, et je n’ai pas de problème idéologique avec ça. Lorsque les enjeux sont clairs, comme la corruption du système bancaire, ou les méfaits de l’impérialisme, il faut un maximum de transparence. Mais dans le domaine politique, c’est un peu comme si on assistait à un jeu de poker et que quelqu’un annonçait à voix haute toutes les cartes. Ça aussi, ça peut être bien, mais ça demande une certaine jugeote quant aux conséquences. Dans tout jeu qui se respecte, il ne s’agit pas uniquement des cartes en main, mais aussi de la stratégie globale. Une fuite peut révéler un mauvais tour mais ignorer le plan qui justifiera les coups suivants. Vu sous cet angle, le bien fondé de la transparence devient plus difficile à juger puisque ce qui est révélé est toujours partiel et l’intention derrière pas forcément avouable. Je n’aimerais pas être juge en la matière parce que j’aurais toujours l’impression que je n’ai pas toutes les cartes en main. En tous cas, je préférais dénoncer le jeu lui-même que les cartes distribuées. Je vote donc en fonction de ce que je connais, mais je ne m’engage pas tant que je ne suis pas persuadé d’en savoir assez. Accessoirement, je n’aimerais pas pouvoir lire toutes les pensées de mon interlocuteur et je n’aimerais pas qu’il puisse lire les miennes. Où sont les limites ? Une telle détermination implique de véritables décisions éthiques qui sont difficiles à prendre et très imbriquées. Par simple curiosité, et sans agressivité aucune : qu’est-ce qui vous autorise à tenir ce rôle ?

http://img11.hostingpics.net/pics/539662manning.jpgJULIAN ASSANGE : Ce sont deux questions qui m’ont souvent été posées. La première est malicieuse, même si je suis persuadé que la comparaison entre mes déboires et celles de M. Manning n’est pas dans les habitudes de Luis Camnitzer. C’est quelque chose que nos adversaires nous réservent.

Nous ne sommes pas dans une compétition pour déterminer celui qui souffre le plus. Bradley Manning et moi, avec d’autres, sommes victimes d’une opération très agressive des Etats-Unis au nom des intérêts de certains responsables US et nous devons rester unis. Son sort, évidemment, mérite plus d’attention, et notre organisation a fait des efforts significatifs pour attirer l’attention sur son lui. Une partie de cette attention se produira naturellement, à l’approche de son procès.

Il a été arrêté à Bagdad et détenu au Koweit pendant six semaines avant d’atterrir à Quantico, en Virginie, où il attend son procès depuis plus de 250 jours dans une prison de haute sécurité et en isolement. Comme quelqu’un qui a connu la prison de haute sécurité et l’isolement, je m’identifie à son malheur. C’est une situation qui a été dénoncée par Amnesty International et j’espère qu’elle le sera de plus de plus.

En ce qui concerne votre deuxième question, pourquoi il est si important de donner l’information aux gens sur ce qui se passe en coulisses et sur les limites : nous disons que nous croyons à la "transparence", simplement parce que c’est un mot qui décrit plutôt bien une réalité plus complexe. Je ne suis personnellement pas un fan de ce mot.

Je pense que si nous devons bâtir une civilisation solide, nous avons besoin de savoir ce qui se passe, pas nécessairement en temps réel, mais nous avons besoin d’une historique sophistiquée et plutôt complète sur tout ce qui concerne l’humanité. Ce n’est pas une simple question de transparence, mais celle de la construction d’une mémoire collective. Et cette mémoire devrait contenir tout, sauf dans quelques cas justifiés, parce que tout dans le monde, d’une manière ou d’une autre, a un effet sur le reste.

Nous devons examiner le pouvoir sous chaque angle si nous voulons le comprendre et le changer. La liberté d’expression implique le droit de savoir. Les deux réunis forment ce que l’on pourrait appeler le droit de transmettre du savoir. On n’a pas besoin de développer des théories pour montrer l’utilité de la chose en pratique.

Wikileaks publie depuis quatre ans, chose dont nous pouvons être très fiers, eu égard à nos ressources. Notre travail a provoqué d’immenses changements positifs à travers le monde, et – pour ce que nous en savons et pour ce que les officiels au pouvoir ont reconnu – personne n’a eu à en souffrir, autre que perdre son poste ou une élection.

Pour ce qui concerne les limites par rapport à nos publications, je pense que la question est trop simpliste. Chaque fois que quelqu’un entreprend une action, on peut l’analyser sous un angle moral et se demander si c’est une bonne action ou pas.

Peut-être pourrions-nous la reformuler autrement : de quel droit un gouvernement se permettrait-il d’interdire aux gens de transmettre du savoir ? Ce droit est reconnu à un niveau élémentaire, mais qui décide de l’interdire à un deuxième, troisième ou sixième niveau ? Est-ce au gouvernement de décider ? Je pense que non. On pourrait peut-être lui reconnaître le droit d’en interdire, dans des cas très particuliers. Quant à savoir où sont les limites, le service postal ne trace pas de limites – le droit d’échanger des informations par la poste est total. La compagnie de téléphone ne trace pas de limites. Le courrier électronique ne trace pas de limites. Le droit de transmettre un savoir par tous ces moyens est reconnu.

HUO : Ce droit peut être reconnu et avoir quand même des limites...

JULIAN ASSANGE : Il n’y a pas de limite a priori, et il n’en a jamais été question. Une fois que l’information a été transmise, toute tentative de la limiter devient futile. Donc, en pratique, il n’y a pas de limites.

Contrairement à tous les autres moyens d’information, nous nous engageons sur ce que nous publions et sur ce que nous ne publions pas, et c’est très simple. Cette simplicité fait que nos sources et nos lecteurs ont confiance en nous. Nous disons que nous publierons tout document d’importance diplomatique, politique, éthique ou historique, qui n’a jamais été publié auparavant et qui est censuré – censuré par une classification secret-défense, par des menaces, ou par tout autre moyen. Nous nous engageons à publier un tel document après l’avoir examiné par souci de sécurité envers les personnes physiques. Cet examen n’a pas pour objectif d’empêcher la publication mais de retarder la publication ou d’en retirer une petite partie pour une durée limitée ou lorsque tout risque est écarté.

Il est évident que toute information devrait être publiée si personne ne court un risque. Il est évident que notre procédure a jusqu’à présent parfaitement fonctionné. Nous avons donc raison de tenir notre engagement de publier tout ce qui représente un intérêt diplomatique, politique, éthique ou historique, et qui n’a jamais été publié auparavant. C’est une bonne politique et ça marche.


http://img11.hostingpics.net/pics/175726cameron.jpgGoldin+Senneby : Bonjour, je m’appelle Angus Cameron, et je suis le porte-parole des artistes suédois Goldin + Senneby. Leur question commence par une citation « je rencontre un être qui me fait rire parce qu’il est sans tête, qui m’emplit d’angoisse parce qu’il est fait d’innocence et de crime : il tient une arme de fer dans sa main gauche, des flammes semblables à un sacré-coeur dans sa main droite. Il réunit dans une même éruption, la Naissance et la Mort. Il n’est pas un homme. Il n’est pas non plus un dieu. Il n’est pas moi mais il est plus moi que moi : son ventre est le dédale dans lequel il s’est égaré lui-même, m’égare avec lui et dans lequel je me retrouve étant lui, c’est-à-dire monstre. » Georges BATAILLE , La Conjuration Sacrée, 1936 (citation trouvée sur internet et reproduite telle quelle).

Vous avez déclaré dans d’autres interviews que votre objectif initial pour Wikileaks était d’être "sans visage". Vous n’est pas le premier à avoir tenté, et échoué, cette forme d’organisation transcendantale. Différentes organisations militantes ont eu recours au secret et à l’anonymat comme partie intégrante de leur stratégie politique – vous avez mentionné les Bourbaki, mais il y a eu aussi l’Acéphale de Bataille dans les années 30 et le mouvement Zapatiste mexicain, pour n’en citer que quelques uns. Dans tous les cas, ces groupes ont finit par abandonner leur anonymat ou ont eu recours à un porte-parole (tel que le sous-commandant Marcos) dont l’identité est plus ou moins connu. Quel était votre stratégie et pensée politique au moment de devenir le visage et la voix de Wikileaks "le paratonnerre" selon vos termes.

JULIAN ASSANGE : J’avais un certain nombre de raisons pour ne pas garder l’anonymat total et de maintenir la hiérarchie de Wikileaks dans une relative opacité. Mais pour des raisons pratiques ce n’était plus possible, alors je suis devenu le paratonnerre de l’organisation. C’est d’ailleurs assez intéressant d’essayer de faire parler quelqu’un d’autre au nom de Wikileaks. Il y a maintenant Kristinn Hrafnsson, un journaliste d’investigation primé islandais, qui parle au nom de l’organisation. Les attaques ad hominem contre l’organisation sont dirigées vers ses figures publiques. En attirant les attaques sur nous, nous épargnons ceux qui n’ont pas les mêmes moyens ou capacités pour se défendre.

Il se crée aussi une sorte d’appel d’air vers les attaques personnelles tout simplement parce que nos publications sont par définition inattaquables. C’est clair, net et précis : nous n’avons jamais été accusés d’avoir commis une erreur. Nous ne rédigeons pas des articles d’opinion, même s’il nous arrive d’analyser certains documents, mais la majeure partie de nos publications sont des documents bruts qui ne peuvent pas être attaqués parce que nous n’agissons pas sur leur contenu. Alors la seule façon de nous attaquer est de s’en prendre aux personnes, d’attaquer le messager. C’est une position très inconfortable, mais puisque j’y suis déjà, il est inutile d’y entraîner les autres membres de l’organisation.

 

http://img11.hostingpics.net/pics/210163MarthaRosler.jpgMartha Rosler : Bonjour M. Assange. J’ai plusieurs questions. D’abord, avez-vous des opinions politiques autres que ce qui semble être une forme relativement amorphe de libertarianisme ?

JULIAN ASSANGE : Oui, j’ai une opinion politique, et cette opinion est que toutes les pensées politiques sont en faillite, parce qu’elles n’ont pas été créées avec une compréhension parfaite du comportement des institutions. Une meilleure question serait : est-ce que j’ai un penchant politique ? Oui, j’ai un penchant vers un mélange de libertarianisme et la conviction qu’il est important de comprendre les choses. Ce qui en découle c’est une volonté de faire rendre des comptes aux pouvoirs par une action mue par cette conviction.

Si vous avez un tempérament libertaire, vous êtes naturellement opposé aux pouvoirs autoritaires. Et si vous avez un tempérament qui vous pousse à chercher à comprendre, alors vous cherchez à comprendre le pouvoir. La combinaison des deux me fait dire que c’est en comprenant le pouvoir qu’on l’empêche de se commettre ses pires abus.

Et je pense aussi qu’une majeure partie du monde est en train de se résumer à deux grands systèmes de pouvoir. Le premier est constitué des marchés, qui peuvent devenir très grands et puissants lorsqu’il s’agit de marchés financiers mais qui peuvent aussi subir des distorsions par des interactions économiques. Le second est composé de réseaux de népotismes - ce sont ces derniers qui comptent réellement, ce sont eux qui partagent, promeuvent, encouragent et distribuent toutes les formes de pouvoir, en dehors des marchés. C’est plus une vision du monde qu’une opinion politique.

Je suis aussi arrivé à une notion, plus proche des concepts politiques contemporains, de gouvernements occultes. Ils sont plus visibles dans les nouveaux états de l’Europe de l’est, comme la Bulgarie, où règne en surface un simulacre de démocratie moderne à l’européenne – même si ces démocraties européennes ne sont que des simulacres - mais les choses sont plus visibles dans des états comme la Bulgarie. Sous la surface, il existe un réseau de népotismes qui contrôle en réalité la justice et la distribution du pouvoir et de la richesse dans le pays.

Je vois la même tendance se développer aux Etats-Unis. A présent, aux Etats-Unis, il y a deux systèmes qui rivalisent pour contrôler la distribution du pouvoir. Il y a d’un côté une forme moderne de ce qu’on appelait le complexe militaro-industriel ou le complexe du renseignement, et d’un autre côté il y a Wall Street. Ces deux groupes rivaux aspirant à contrôler la distribution du pouvoir aux Etats-Unis. Je pense que ces deux systèmes sont plus ou moins liés respectivement à Hillary pour ce qui concerne le complexe, et à Obama pour ce qui concerne Wall Street. En fait, il est très intéressant d’examiner les attaques lancées contre nous aux Etats-Unis et d’y déceler l’expression de la rivalité entre ces deux systèmes.

Martha Rosler : Etes-vous par exemple un social-démocrate ? Avez-vous des opinions sur l’état et la gouvernance dont vous aimeriez nous faire part ?

JULIAN ASSANGE : Nous en avons déjà parlé, mais peut-être est-ce l’occasion de creuser un peu. Je voudrais revenir sur l’exemple des Etats-Unis.

Lorsque j’étais en Russie dans les années 90, je regardais la chaine de télévision NTV à Moscou. NTV était la chaine la plus libre que je n’ai jamais vue. Je ne sais pas si vous connaissez « Spitting Image », une ancienne émission satirique très agressive sur la télévision publique britannique. Mais NTV et d’autres chaines russes étaient bien plus agressives. Et c’était possible parce qu’à l’époque, il y avait quelque chose comme dix centres indépendants de pouvoir. Il y avait l’armée, les restes de l’ancien KGB et le KGB de l’extérieur, qui est devenu le SVR. Il y avait Yelstine, et sa fille, et la mafia. Il y avait aussi un ramassis d’anciens bureaucrates survivants de l’Union Soviétique. Et il y avait sept oligarchies. Ce qui signifie qu’en termes de contrôle des médias, l’état et les oligarchies contrôlaient chacun les leurs. Le résultat était qu’on pouvait diffuser pratiquement n’importe quoi sous la protection d’un de ces groupes. Lorsque Poutine est arrivé, il a mis les oligarchies au pas. Certaines ont été arrêtées, certaines ont vu leurs biens saisis, et certaines ont été exilées. Elles sont tombées sous l’influence de la pyramide de Poutine. Les propriétaires des chaines de télévisions ont restreint la démocratie populaire. A présent, pour diffuser quelque chose en Russie, il faut obtenir la bénédiction de quelqu’un au sein de la pyramide.

Je perçois aux Etats-Unis une rivalité pour le contrôle de la pyramide entre la forme moderne du complexe militaro-industriel et Wall Street. Le complexe militaro-industriel a renforcé de manière assez agressive son emprise sur cette pyramide. Il y a désormais environ 900.000 personnes aux Etats-Unis qui ont une habilitation secret-défense. Il y a dix ans, l’Agence de Sécurité Nationale (NSA) avait seize sous-traitants. La NSA est la plus grande agence d’espionnage des Etats-Unis, et son budget global est supérieur à celui du FBI et de la CIA réunis. C’était du moins le cas il y a huit ans, la dernière fois que j’ai vu des chiffres. A présent, la NSA a plus de 10.000 sous-traitants.

De même, l’engagement des Etats-Unis en Irak a généré 10.000 sous-traitants privés. Ainsi, le réseau de népotisme est en train d’être transféré vers le secteur privé. Il est moins contrôlé qu’auparavant. Ses tentacules se répandent à tous les niveaux de notre société et le nombre de personnes qui sont d’une manière ou d’une autre liées à cette structure, par des liens commerciaux ou familiaux, continue de grandir. J’estime qu’entre 30 et 40 pour cent de la population US est désormais directement liée ou très proche de cette structure.

Au cours des deux dernières années, l’impôt sur le revenu aux Etats-Unis a chuté de près de 25%. Dans le même temps, le volume du budget de l’état consacré à ce secteur au cours de la première année du mandant d’Obama a augmenté de 6 ou 7 % - ce qui signifie que la part de budget accaparé par ce secteur est en augmentation. Ce qui signifie que le réseau est en train de renforcer son pouvoir parce que sa part du gâteau augmente. C’est un véritable problème pour les Etats-Unis. Il s’agit là d’un vaste gouvernement occulte composé d’entreprises privées connectés au côté opaque du système, au système de sécurité nationale, et aussi d’un nombre sans cesse croissant de nouvelles bureaucraties.

Il est préoccupant de constater que les Etats-Unis sont en voie de "Poutinisation". Ce que Poutine et les Silovikis ont fait en Russie est en train de se reproduire aux Etats-Unis. Et pas seulement aux Etats-Unis, mais dans l’ensemble de l’Occident.

HUO : Vous voulez dire que tout l’Occident est en train d’être "Poutinisé" ?

JULIAN ASSANGE : L’Occident est lentement en train d’être "Poutinisé". C’est aux Etats-Unis qu’il s’est développé le plus. Mais il y une rivalité avec le secteur bancaire et il n’est pas clair qui va gagner.

Avec le temps, il est possible que ces deux systèmes ne forment plus qu’un. La privatisation du secteur de sécurité nationale signifie que les connexions entre Wall Street et le complexe commencent à fusionner car tous deux commencent à détenir de commun des parts dans des sociétés, comme Lockheed Martin ou Boeing, et des investissements croisés et des portefeuilles d’actions qui s’imbriquent les unes autres et ainsi de suite, autour de tous ces sous-traitants du renseignement et de l’armée. Ils sont en train de fusionner en certains points importants.

En observant le comportement de la Maison Blanche, il est clair qu’il y existe - et aussi au sein des groupes qui exercent une influence sur elle - encore des divergences entre ces deux groupes. Les soutiens d’Obama viennent de Wall Street, du secteur bancaire, et ce sont ses principaux financiers. Et en fait Obama n’a pas d’emprise sur le complexe. C’est comme s’il était assis entre deux chaises. Au fur et à mesure que le pouvoir du complexe se renforce, il ne peut qu’accompagner le mouvement. Il est obligé de suivre, parce qu’il ne le contrôle pas. Il n’a aucun moyen d’intervention, parce que sa famille n’a aucune relation dans ce système. Ils ne font pas partie du réseau, alors il ne peut pas le contrôler. Hillary, à l’inverse, a de nombreuses connexions avec ce système.

Regardez ce qui s’est passé lorsqu’on a annoncé que (la maison d’édition) Knopf avait signé un contrat de 800.000 dollars pour mon livre qui devait sortir aux Etats-Unis, et que j’ai annoncé qu’une partie de cet argent allait servir à renflouer Wikileaks. Peter T. King, le président de la Commission de Homeland Security – un poste important au sein du Congrès US – a écrit à Timothy C. Geithner, le secrétaire du Trésor US, pour lui demander personnellement d’ajouter Julian Assange et Wikileaks sur la liste appelée « Specially Designated Nationals List  » qui contient la liste des entités et personnes soumis à un embargo. De manière similaire à Cuba qui est sous un embargo qui interdit toute relation économique avec tout citoyen américain sous peine de poursuites pénales, j’allais être, à titre personnel, soumis à un embargo, et Wikileaks aussi, et donc interdit de toutes relations économique avec tout citoyen états-unien.

48 heures plus tard, Timothy C. Geithner a notifié son refus. C’est très inhabituel. Geithner est issu de l’élite du réseau de Wall Street. Comme secrétaire du Trésor US, il en fait toujours partie. En termes diplomatiques, c’était un signal très intéressant. Sur le plan purement technique, Geithner aurait pu faire trainer les choses pendant une, deux ou trois semaines et ensuite rejeter ou accepter la demande pour des raisons techniques. En rejetant la demande aussi rapidement, il faisait comprendre qu’il ne voulait pas.

C’est facile à comprendre, parce que la sécurité nationale, le gouvernement et le secteur privé aux Etats-Unis ont pu se développer parce qu’ils n’ont pas de comptes à rendre, à cause de l’opacité qui règne. C’est comme ça qu’ils font pour renforcer leur pouvoir. Mais Wikileaks a les moyens de limiter le pouvoir du complexe. Divulguer ou encourager la divulgation d’informations sur le complexe est illégal - ou vous fera entrer dans la liste des embargos – mais arrange son rival, le réseau de Wall Street.

Martha Rosler : Croyez-vous qu’il y ait une place pour le secret diplomatique, peut-être pour une période limitée, ou pensez-vous qu’il ne devrait pas avoir de négociations secrètes ou d’autres acteurs politiques sur la scène mondiale ?

JULIAN ASSANGE : C’est une question intéressante, parce que quand le gouvernement révolutionnaire américain est arrivé au pouvoir, il a publié toutes ses négociations diplomatiques dans le mois qui a suivi. Donc, de façon idéale, toutes les communications diplomatiques devraient être rendues publiques. Mais en réalité, cela n’arrivera pas. C’est utopique. Je pense que le principe devrait être de rendre les choses les plus transparentes possible. Mais c’est un sacrifice que nous refusons.

Lorsqu’on ne peut pas garder des choses secrètes, on peut les cacher derrière une complexité. On peut le constater par l’effarant jargon bureaucratique politiquement correct de certaines institutions, comment celles-ci réussissent à éviter de rendre des comptes sans recourir au secret. Il leur suffit de tordre les phrases et de cacher les choses en les compliquant ou en utilisant certains termes.

S’il fallait choisir, je ne suis pas certain de pouvoir le faire. Les risques posés par le secret sont si effrayants que je suppose qu’il vaut mieux endurer le politiquement correct et la complexité. Mais s’agissant de realpolitik, donc de court terme, on comprend que le secret puisse être appliqué de temps en temps.

La question est de savoir qui est censé détenir le secret. Évidemment, c’est l’entité elle-même qui décide qui. Ce n’est pas la population d’un pays, encore mois la population mondiale.

Martha Rosler : Est-ce que les informations sur les banques US vont être bientôt publiées ?

JULIAN ASSANGE : Je ne vais pas vous dire quand. Il vaut mieux ne rien annoncer.

Martha Rosler : Allez-vous poursuivre votre collaboration avec des journalistes ? Si oui, pourquoi pas avec des blogueurs comme Glenn Greenwald ?

JULIAN ASSANGE : Nous collaborons avec des journalistes, des blogueurs, des ONG, et cela a toujours été le cas et nous y tenons. Au fur et à mesure que nos ressources augmentent, nous pouvons étendre notre collaboration à d’autres. C’est uniquement une question de moyens. Avec une grande organisation de communication, le travail préliminaire est le même mais pour une diffusion bien plus grande que, disons, cent journalistes indépendants ou blogueurs réunis. Le résultat serait le même mais nous coûterait cent fois plus de travail.

HUO : combien de personnes travaillent pour Wikileaks en ce moment ?

JULIAN ASSANGE : En ce moment, une vingtaine.

Martha Rosler : Est-ce que le journalisme est un bien public et, si oui, ne devrait-il pas être à but non-lucratif ?

JULIAN ASSANGE : C’est une question très intéressante. On parle là d’une information intellectuelle qui peut être copiée à l’identique et qui perd instantanément la valeur liée à sa rareté, et les interactions économiques ont toujours un rapport avec la rareté.

Les œuvres intellectuelles sont intrinsèquement différentes des autres activités économiques qui ont une diffusion limitée de par leur nature. Par exemple, dupliquer cette tasse devant moi me couterait cher, même si sa fabrication n’a pas coûté cher. On ne peut pas lui retirer une partie de sa valeur pour la consacrer à fabriquer une autre tasse identique. A l’inverse, dupliquer un article ou un roman, faire une nouvelle copie numérique, ne coûte pour ainsi dire rien .

Il y a une économie totalement différente en jeu lorsqu’il s’agit d’œuvres qu’on peut cloner, des choses pour lesquels on ne peut pas limiter la diffusion. Par exemple, la formule E=mc² est toujours importante dans de nombreux domaines, et son nombre d’exemplaires est virtuellement illimité. Une telle information devrait probablement faire partie du bien public, et c’est parfois le cas. Dans la science, nous admettons qu’une fois une découverte a été réalisée et son importance reconnue, celle-ci se répand rapidement. Et il est impossible de lui imposer une rareté, encore moins de tirer un profit uniquement de sa rareté. Elle se transforme rapidement en un bien inépuisable. Les entreprises ont donc crée des mécanismes pour débusquer les scientifiques qui produisent ces importants biens inépuisables.

Il faudrait peut-être imaginer la même chose pour le journalisme, mais le journalisme le plus important est le journalisme qui demande des comptes aux pouvoirs, aux organisations puissantes. On ne connait aucun cas d’un journalisme subventionné par l’état qui soit déterminé et investigateur – ces qualités ont toujours été financées par les lecteurs ou les publicitaires, ce qui est facile à comprendre. Mais demandant des comptes aux puissants, on se coupe des sources de financement, ce qui est facile à comprendre aussi.

Le financement de tels médias n’est pas évident. Peut-être pourrait-on décider qu’une partie des impôts serait affectée à son financement, mais il faudrait alors contrôler la distribution des fonds. Mais du coup cela deviendrait une question politique qui connaîtrait les problèmes inhérents à toutes les questions politiques.

Martha Rolser : Vous avez comparé votre conception initiale de Wikileaks à un collectif de mathématiciens qui travaillaient sous le pseudonyme collectif de Nicolas Bourbaki, puis vous avez décidé de sortir de l’anonymat et devenir le visage de Wikileaks. Cependant, après les accusations de crimes sexuels, les forces hostiles (gouvernements et journalistes) ont tenté de dévier les termes du débat et d’attaquer le travail de Wikileaks. Regrettez-vous d’être sorti de l’anonymat ? Votre décision a-t-elle provoqué des frictions ou des dissensions au sein de l’équipe de Wikileaks ?

JULIAN ASSANGE : Non, il n’y a pas eu de frictions ou de dissensions. Nous n’avions pas le choix, nous étions obligés de révéler que j’étais le fondateur de Wikileaks. D’ailleurs, il s’est passé quelque chose d’intéressant à cet égard. Au début, j’étais très contrarié par l’intérêt que les journalistes et le public portaient au représentant de l’organisation. J’étais d’avis qu’ils devaient tout simplement arrêter d’écrire sur nous. En fait, nous avons toujours eu ce problème avec la presse qui s’intéresse plus à nos personnes qu’aux documents que nous publions.

J’ai fini par comprendre que le public a raison de vouloir connaître l’individu responsable des actions d’une organisation, parce que si l’organisation se trompe d’une manière ou d’un autre, il y a un responsable. Nos mémoires excellent à relier des actions à des individus, et des systèmes plus complexes à des individus précis qui les représentent. Ces éléments de simplification cognitive sont en fait indispensables pour que les gens puissent se souvenir et comprendre et prévoir le comportement d’une organisation.

Martha Rosler : Etes-vous disposés à aider et à assister Bradley Manning, ou vaut-il mieux laisser ça à d’autres ?

JULIAN ASSANGE : Nous devons faire très attention à notre manière de l’aider, lui ou toute autre source présumée, parce que trop d’assistance pourrait être considérée comme la preuve d’une complicité entre nous et la source présumée – de manière concrète, qui soit de manière à influencer l’opinion d’un jury, ou l’opinion publique. C’est quelque chose de très délicate à manier, et quelque chose qui sera toujours délicate à manier pour toutes nos sources présumées. Il faut les aider mais pas trop, pour ne pas empirer leur cas. Bien sûr, leur venir en aide serait bien bien pour notre image de marque mais donner l’impression d’une proximité trop grande pourrait jouer en leur défaveur alors qu’ils sont déjà dans une situation très difficile.

Martha Rosler : Si les Etats-Unis réussissent à vous faire extrader, comment pourrions-nous vous aider ? Avez-vous prévu un remplaçant au cas où vous seriez incarcéré ?

JULIAN ASSANGE : La dernière fois que j’ai été incarcéré, Wikileaks n’as pas cessé de publier. L’organisation est robuste.

En ce qui me concerne, si je suis extradé, je dirais qu’il sera beaucoup trop tard. Si des gens veulent nous soutenir, il faut le faire maintenant, avant mon extradition, ou avant l’arrestation d’autres membres.

Je ne suis pas le seul à connaître des difficultés. Le gouvernement des Etats-Unis a enfermé des volontaires et d’autres qui ont pris notre place pour faire des conférences, ou des gens qui ont tout simplement tenté de récolter de l’argent pour Bradley Manning. Ils ont été libérés, mais ils ont été détenus à de multiples reprises et ont vu leur matériel saisi. Le FBI tente de corrompre les individus. Il essaient d’embarquer tous ceux de la région de Boston. Ils essaient de découvrir qui a joué les intermédiaires entre nos sources, aux Etats-Unis, et Wikileaks.

Si je suis extradé aux Etats-Unis, ou si l’un des nôtres est arrêté aux Etats-Unis, ils seront placés en sécurité maximum pour de nombreuses années en attendant leur procès, et leur sécurité dans cette situation ne sera pas garantie. Même s’ils sont techniquement innocents selon la loi, ce que tous ceux de Wikileaks sont, probablement – car je sais que nos activités sont protégées par le Premier Amendement – le verdict n’est pas garanti à cause de l’influence du secteur de la défense nationale sur l’appareil judiciaire.

Un tel procès aurait certainement lieu à Alexandria, en Virginie. C’est là qu’ils ont délibérément monté un grand jury, et il y a une raison à cela : c’est là que se trouve la plus forte concentration de sous-traitants de l’armée américaine. Leurs familles sont partout, et il existe une règle lors de la sélection des membres d’un jury qui précise qu’on ne peut pas récuser un membre de jury en invoquant l’emploi de son conjoint. C’est pour cela que le gouvernement des Etats-Unis tient ses procès importants, ceux relatifs à la sécurité nationale, à cet endroit.

 

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http://img11.hostingpics.net/pics/345727superflex.jpgSuperflex : Ne craignez-vous pas que les fortes réactions des systèmes - structures contre Wikileaks puissent décourager l’émergence de nouvelles organisations similaires, puisque le même modèle serait financièrement, techniquement et politiquement étranglé dans l’œuf ? Wikileaks peut agir parce que vous avez crée un réseau global de soutien, mais je crains que d’autres organisations seraient détruites avant d’atteindre votre taille et notoriété.

JULIAN ASSANGE : Je crois que les attaques contre nous par Visa, PayPal, Mastercard, Bank of America, Postfinance, Moneybookers et d’autres sociétés américains – principalement des banques et des établissements financiers – constituent la révélation la plus intéressante de nos travaux. Comme pour les Papiers du Pentagone, la violence de la réaction du gouvernement, et d’autres groupes complices du gouvernement, peut être considérée comme un des effets les plus importants de nos révélations.

En réaction à notre initiative, nous voyons les Etats-Unis réagir exactement comme l’Union Soviétique dans les années 60 avec Soljenitsyne, et dans les années 70 avec Sakharov, mais d’une manière plus moderne. Les actes de censure en Occident ont toujours été plus subtils, plus nuancés, et plus difficiles à déceler, mais ici nous avons un parfait exemple où le roi est nu, et où la censure ouverte et extrajudiciaire du gouvernement à été réalisé par le secteur privé.

J’ai déjà dit que la censure est une opportunité. La censure révèle qu’ils ont peur du changement, et donc que le changement est possible. Dans ce cas précis, on voit que ces structures sont non seulement hypocrites, mais qu’elles se sentent menacées comme jamais auparavant. A partir de là, on le voit, on a d’un côté une hypocrisie extraordinaire de toute la Maison Blanche qui n’a que la liberté d’expression à la bouche et, de l’autre, la trahison de ces mêmes principes – une trahison terrible des valeurs de la révolution américaine.

Malgré cela, lorsqu’un tel volume d’information d’une telle qualité est divulguée, nous pouvons secouer le cocotier suffisamment pour obtenir quelques changements. Pour certains, les effets commencent à peine à se sentir, d’autres prendront du temps.

Comment gérons-nous cette situation ? Nous nous sommes sophistiqués pour pouvoir contourner les obstacles. Nous avons contourné Paypal, Visa , MasterCard. Tous les transferts de banque à banque fonctionnent sauf les transferts via la Bank of America.

Si nous gagnons, et je crois que nous gagnerons, nous allons continuer en tant qu’organisation, et nous allons encourager d’autres à le faire. Ces attaques financières qui visent à nous décourager seront autant d’encouragements pour ceux qui verront que nous avons réussi à les surmonter.

Peu importe si nous gagnons ou non, c’est un encouragement pour tous ceux qui veulent créer des moyens de financement alternatifs, et ça c’est vraiment un aspect positif, parce que la censure qui a été déployée contre nous, une sorte de McCarthysme digitial, est quelque chose que d’autres organisations connaissent. Il est rare que l’on s’en prenne à des sociétés de publication et c’est pour cela que l’affaire est importante. Il est rare aussi que ce soit fait de manière aussi flagrante. C’est une forme de boycott qui est généralement employée contre d’autres types d’organisations, des organisations militantes, des organisations de guérilla, des organisations révolutionnaires un peu partout dans le monde, ou des organisations qui ne sont tout simplement pas assez grosses ou qui n’ont pas assez de ressources pour gérer l’incroyable paperasserie exigée par certains intermédiaires.

Je crois que le résultat donne beaucoup d’espoir.

HUO : Et cela pourrait aboutir à la création de nouvelles structures – de nouvelles économies alternatives et de nouvelles formes d’échanges !

JULIAN ASSANGE : Exactement. De nouvelles formes d’échanges, de nouvelles formes de monnaies, de nouveaux moyens d’interaction économique sans passer par les banques. Je l’ai constaté : cela a accéléré le développement de différents projets qui visent à offrir de nouvelles formes d’échanges.

Superflex : que pensez-vous des droits d’auteurs et de la propriété intellectuelle ou de certains systèmes de droits, comme nous les appelons, et que pensez-vous de la lutte pour la gratuité de la culture ? Quelle est votre opinion ?

JULIAN ASSANGE : En ce qui concerne les droits d’auteur, j’ai déjà dit que les biens intellectuels qui peuvent être copiés sont intrinsèquement différents des autres biens. Ils n’obéissent pas à des lois économiques connues. Il faut leur appliquer d’autres théories économiques.

J’aime bien l’exemple donné par Richard Stallman : si vous avez la capacité de fabriquer gratuitement du pain, il serait criminel de ne pas les distribuer à la population et nourrir tout le monde. Bien sûr, l’analogie est un peu tirée par les cheveux, mais pour certaines formes de biens intellectuels, elle s’applique. En fait, on se rend compte que c’est une erreur de les qualifier de « biens » car c’est quelque chose d’autre. Nous essayons de calquer le concept d’une économie de biens sur quelque chose qui n’a rien à voir et qui est soumis à d’autres lois.

Wikileaks, dans la pratique, reçoit de nombreuses menaces pour violation de droits d’auteur. Selon la définition stricte du droit d’auteur, tout ce que nous publions viole le droit d’auteur. Dans l’interprétation la plus courante du droit d’auteur, comme celle définie par la constitution des Etats-Unis, rien de ce que nous publions ne constitue une atteinte du droit d’auteur, parce que le droit d’auteur était originellement conçu – du moins à l’origine – pour générer une activité économique. Il n’était pas là pour protéger les documents d’une société. Et certainement pas pour protéger les documents officiels lorsque le gouvernement décide qu’il faut les cacher, selon la volonté du prince.

Invoquer le droit d’auteur pour nous empêcher de faire des révélations sur les abus de pouvoir commis par des entreprises ou des gouvernement relève lui-même d’un abus et viole l’esprit du droit d’auteur qui voulait que ce soit les auteurs, et non les opportunistes, qui gagnent de l’argent grâce à leurs œuvres. C’est cette idée qui est à l’origine du droit d’auteur.


http://img11.hostingpics.net/pics/957081AiWeiwei.jpgAi WeiWei : Que pensez-vous de la capacité des gens à agir contre un pouvoir comme celui d’un état ? Comment les individus peuvent-ils remettre en cause le pouvoir de l’état ?

JULIAN ASSANGE : Il y a de nombreuses réponses d’ordre technique et pratique à cette question. Mais je crois qu’il ne s’agit pas d’une question d’ordre technique ou pratique, mais avant tout celle d’adopter une position philosophique. C’est cette position qui adhérera toutes les considérations d’ordre pratique.

Nous encourageons les gens et nos supporters à comprendre que le courage est contagieux. C’est une réalité concrète. La plupart des révolutions démarrent sur un place publique. Pourquoi ? Ce ne sont pas des gens qui sont apparus spontanément de nulle part car la population est toujours la même, chez elle, dans la rue ou sur la place. Mais sur la place, lorsqu’il y a des actes de courage, tout le monde les voit et le courage commence à se répandre.

HUO : comme en Egypte le mois dernier ?

JULIAN ASSANGE : Comme en Egypte. Et plus le courage se répand, plus il devient contagieux. Jusqu’à un point de non retour où les gens réalisent qu’ils sont les plus nombreux. C’est pour cela que la Place Tienanmen fait l’objet d’une telle surveillance en Chine, parce que c’est un point de convergence où le courage pourrait se répandre de manière contagieuse.

Je crois que la première prise de conscience est de réaliser que l’on peut être soit un acteur de l’histoire, soit une victime, et qu’il n’y a pas d’autre option. En fait il est impossible de prendre ses distances avec l’histoire à cause des interactions économiques et intellectuelles. On ne peut donc pas s’en détacher. Une fois que l’on a compris ça, on peut décider d’y participer ou d’être une victime. Je dis ça parce que personne ne veut être une victime, on préfèrera donc participer.

Le plus important est de comprendre que notre comportement influence celui des autres, et notre courage peut inspirer des actions. A contrario, un manque de courage freine l’action.

On peut examiner les choses sous un autre angle. Beaucoup me disent « oh, Julian, tu es très courageux, tu n’as donc peur de rien ». Je dis non, j’ai peur comme n’importe qui. En fait, ceux qui n’ont pas peur sont dangereux pour eux-mêmes et pour les autres. La peur est un instinct très important et utile. Le courage n’est pas l’absence de peur, au contraire, c’est la maîtrise intellectuelle de la peur. Avoir du courage, c’est comprendre – comprendre le terrain, comprendre ses propres capacités et limites pour pouvoir tracer un chemin à travers le terrain en toute sécurité. Il ne s’agit pas de provoquer gratuitement son adversaire. Il s’agit d’abord de comprendre, et ensuite d’engager le combat avec soin et détermination.


Metahaven : Wikileaks, c’est un mouvement ou une organisation ?

JULIAN ASSANGE : les valeurs qui sont les miennes et qui me sont chères, et que j’ai intégrées dans l’ADN de Wikileaks, qui ont été adoptées par Wikileaks en tant qu’organisme, en tant qu’organisation fonctionnelle, ont inspiré le mouvement. Il y a une interaction entre l’organisation et le mouvement qui est fluide et qui forme lui-même un groupe opérationnel distinct. Des sous-groupes indépendants ont surgi un peu partout, et ces sous-groupes interagissent avec nous. Je suppose que c’est le cas de la plupart des mouvements, avec un noyau central qui bénéficie d’un soutien plus large, et il y a aussi des groupes plus organisés localement.

Methaven : Wikileaks connait un fort soutien dans les pays du tiers-monde. Pourquoi ?

JULIAN ASSANGE : Dans le tiers-monde, nous avons un soutien qui est très très fort. Et dans les pays non anglophones, le soutien est plus fort que dans les pays anglophones. La raison semble être la quantité importante de travail que nous avons effectué ces quatre dernières années dans beaucoup de pays différents.

Le travail le plus marquant a été réalisé ces six derniers mois et concerne les Etats-Unis, qui nous ont attaqués de manière agressive. Au mois d’août, le Pentagone a lancé un ultimatum : l’organisation et moi-même, personnellement, devons détruire tout ce que nous avons publié sur le Pentagone, et aussi les documents à venir, et cesser toute collaboration avec les lanceurs d’alerte militaires et que si nous refusons, ils nous y obligeront. Lorsqu’un journaliste a demandé au cours d’une conférence de presse comment ils comptaient s’y prendre, le porte-parole du Pentagone, Goeff Morrell, a répondu que le Département de la Défense était au-dessus des lois.

Le tiers-monde, le monde en voie de développement, a toujours été placé dans un état de soumission vis-à-vis des pays occidentaux au cours des 200 dernières années ou plus. Plus particulièrement, ils ont souvent été exploités et les victimes des Etats-Unis depuis la deuxième guerre mondiale. Alors il y a une certaine affinité entre nous et les petits états et autres organisations qui ont souffert du soutien des Etats-Unis aux dictatures chez eux ou à d’autres formes de violations subies par la population.

Metahaven : dernière question : l’art peut-il faire avancer la cause de Wikileaks ?

JULIAN ASSANGE : Bien sûr. Je ne serais pas train d’accorder cette interview si je ne pensais pas que l’art pouvait nous aider. Pour le moment, la ligne de front idéologique a été tracée, et nous sommes engagés dans une guerre de tranchées, du moins en ce qui concerne les grands médias. Nous avons un grand nombre d’amis là-bas dehors, et un grand nombre d’adversaires, et il faut déployer beaucoup d’énergie pour déplacer cette ligne de front. La presse a une influence sur la masse de la population, mais il existe des lieux où aucune ligne de front n’a encore été ouverte. Le monde de l’art a une manière de faire passer le message par des voies détournées, en jouant sur les émotions d’une manière inattendue. En termes concrets, le monde de l’art est capable de toucher des gens puissants par une voie détournée, par le biais de leurs enfants, leurs conjoints, leurs parents, en les prenant au dépourvu.

Alors oui, je crois que l’art est capable de distiller un peu des valeurs qui s’expriment dans notre travail et de convaincre ceux qui s’y opposent en s’adressant à ce qu’il y a de meilleur en eux ou en faisant appel à leurs propres valeurs. C’est un chemin psychologique pour toucher des secteurs de la culture qui sont connectés à des gens qui s’opposent à notre action, qui pourraient nous soutenir mais ne le font pas encore.


http://img11.hostingpics.net/pics/270018PaulChan.jpgPaul Chan : Récemment, un philosophe Slovène a écrit à votre sujet, en vous comparant au Joker des films de Batman. Cela avait l’air d’être un compliment, mais je n’en suis pas certain... Je voulais vous demander si la comparaison était juste ou, sinon, à quels personnages de cinéma ou de littérature, ou même de philosophie, vous vous identifiez le plus. Une deuxième question plus générale. Y’a-t-il des portions de textes ou de livres ou d’œuvres que vous relisez régulièrement, pour y puiser des idées au cours de votre combat contre apparemment tous les gouvernements du monde ? Je suis simplement curieux de savoir où vous puisez l’énergie pour tenir malgré tout ce que vous subissez. Merci pour tout ce vous faites, et bonne chance.

JULIAN ASSANGE : Deux excellentes questions. Je ne m’y attendais pas. J’ai lu cet article de Žižek. J’aime bien Žižek en fait, mais l’article était simpliste. J’avais l’impression qu’il ne comprenait pas grand chose à la situation et qu’il avait rapidement écrit quelque chose pour une commande. J’ai donc été frappé lorsque j’ai vu une vidéo d’une conférence qu’il a donnée – pas seulement à cause de son style limite autiste - il n’arrêtait pas de tirer sur son t-shirt - mais à cause de l’impression que j’ai eue.

Donald Rumsfeld a dit un jour qu’il y avait ce que l’on savait connaître, ce que l’on savait ignorer, et enfin ce que l’on ignorait ignorer. Lorsque j’ai entendu Rumsfled, je me suis immédiatement dit, eh bien, il a oublié une combinaison, à savoir ce que l’on ignore savoir. Žižek l’avait remarqué aussi, comme tous ceux qui ont un peu de logique.

Cette peur du Joker que Žižek nous présente est typique des mythes creux véhiculés par les grands médias, comme le méchant d’un film de James Bond. Il y a une grande soif d’information sur nous, et sur moi, et en même temps il y a des forces puissantes qui influencent le contenu des médias et leur orientation – pas dans un sens conspirationniste, avec la Maison Blanche qui convoquerait des rédacteurs importants pour leur dire ce qu’il faut écrire – quoique ça arrive lorsqu’il s’agit de questions de sécurité nationale – et ça nous est arrivé, à nous. Disons que c’est plutôt un état d’esprit général que les puissants communiquent aux grands groupes de presse parce qu’ils sont très proches les uns des autres, et ça se communique aux rédacteurs en chef, puis aux journalistes et comme ça jusqu’à la population.

Tout ceci, plus la soif d’informations sur nous - que nous ne donnons pas - fait qu’il y a des gens qui écrivent, interprètent, inventent ou tentent de trouver quelque chose à raconter. Tout est ensuite expédié pour être corrigé, recorrigé, copié/collé. Le résultat final de ce jeu de piste offre un aperçu des enjeux économiques internes aux médias, de l’état d’esprit général des journalistes, et des pressions politiques exercées sur les médias. Au final, des mythes sont crées. Ils attrapent une souris et présentent une montagne. Parfois ils attrapent une montagne et en font une souris. Lorsque vous êtes au cœur du phénomène, vous vous en rendez parfaitement compte, parce que vous savez ce qui s’est réellement passé, parce que vous y étiez. Ensuite, il est très intéressant d’observer comment le niveau de distorsion enfle et s’auto-alimente.

Quant aux textes qui m’inspirent, il n’y en a pas un en particulier. Lorsque j’étais en prison, j’ai lu le Pavillon des Cancéreux, d’Alexandre Soljenitsyne. Ça fait longtemps que j’apprécie Soljenitsyne et d’autres écrivains russes.

HUO : qui d’autre ? Tolstoï ?

JULIAN ASSANGE : Pasternak, Dostoïevski, et Tolstoï lorsque j’étais plus jeune, et Bulgakov, un Ukrainien mais qui écrit en russe. Le Pavillon des Cancéreux était un livre merveilleux. Soljenitsyne avait été placé dans un pavillon de cancéreux après sa libération et son exil en Sibérie. Il y construit des parallèles entre les expériences dans les camps de travail soviétiques et l’hôpital, mais s’en sert pour parler des structures de pouvoir au sein de l’état Soviétique. Mais avoir le cancer dans un pavillon de cancéreux est encore pire qu’être enfermé dans un sous-sol en isolement à la prison de Wandsworth. Je trouve ça étrangement réjouissant.

http://img11.hostingpics.net/pics/452669HansUlrichObrist2.jpgHUO : Une dernière question qui nous est arrivé par SMS de Philippe Parreno. Quelle est la plus belle histoire que vous ayez entendue ?

JULIAN ASSANGE : Je suis très attaché aux dessins animés russes pour enfants des années 70 et 80. Ces animations incarnent à merveille l’enfance, la beauté, l’innocence et la curiosité – le tout en même temps. Ils sont très méconnus en Occident, particulièrement en cette période. Alors, pour parler de quelque chose de beau, c’est la première idée qui me vient à l’esprit.

 

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Traduction : VD

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